L'institution sous-régionale doit adopter une position plus ferme vis-à-vis des militaires. Le retour à la stabilité et le redressement du Mali en dépendent.
L’horizon d’un dénouement à la fois rapide et heureux de la crise malienne s’assombrit de jour en jour. Quand le processus de normalisation à la tête duquel a été porté l’ancien président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, ne faisait que du surplace, l’on se permettait encore d’espérer la survenue d’un changement prometteur.
Mais les choses sont en train de se corser davantage avec l’échec des récentes négociations entre la junte malienne et les médiateurs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Le rythme de l’évolution de la médiation dans la crise malienne ressemble fort à celui du tango. Il y a plus de bonds en arrière que de pas en avant, et tous les ingrédients semblent réunis pour que l’on retourne à la case départ, si seulement les choses n’empirent.
Les militaires cherchent à conserver le contrôle de la transition
Le capitaine Sanogo a beau essayer de convaincre de sa bonne foi en chantonnant à tout va qu’il n’a aucune dent contre la personne du président intérimaire, ses dires et faits prouvent le contraire. Pourquoi alors, tout en n’étant pas, a priori, contre l’existence d’un président de transition, il affiche un refus catégorique de voir l’intérimaire constitutionnel poursuivre ce qu’il a commencé? A moins que ce dernier se soit rendu coupable d’une gestion de nature à entraver la bonne marche de la transition.
Le même accord-cadre auquel le président du Comité national de redressement démocratique et de la restauration de l’Etat (CNRDRE) se réfère comme une Bible ne contredit cependant pas la proposition faite par la médiation. Loin s’en faut! Autant la Constitution prévoit la possibilité d’une prorogation de la période de transition en cas de nécessité, autant le «bréviaire» du CNRDRE le permet.
Et le point d’achoppement qui constitue le choix de la personne ne devait logiquement pas exister dans la mesure où l’actuel intérimaire a été choisi de façon consensuelle et constitutionnelle. Pourquoi ne pas gagner en régularité, en expérience et en temps en gardant le même plutôt que de traîner les pas à rechercher une autre personne?
En réalité, les militaires maliens réunis au sein du CNRDRE se préoccupent plus de la façon dont ils auront le contrôle sur la transition que de la bonne marche de celle-ci dont dépend la normalisation de la situation au Mali. C’est du reste ce qui explique leur inflexible rejet du projet d’envoi d’une force de la Cédéao à Bamako. Ils voient sans doute la présence de ce contingent dans la capitale malienne comme une entrave à leur maîtrise totale de la situation.
La Cédéao court le risque de s'humilier
En lieu et place des hommes, ils préfèrent donc des moyens financiers, matériels et logistiques. Jusqu’à quand la Cédéao va-t-elle se laisser mener en bateau par la junte malienne qui semble prête à tout pour détenir la réalité du pouvoir au pays de Soundiata Keita?
L’institution sous régionale à qui l’Union africaine a donné quitus pour agir au nom de toute l’Afrique, et qui est soutenue dans son élan par la communauté internationale, va-t-elle se laisser indéfiniment tourner en bourrique par un groupe de putschistes qui se la jouent impunément depuis leur forfait anti-démocratique?
Les membres de la junte ont toujours vu en la Cédéao un adversaire qu’une institution supranationale dont la mission est de garantir aux peuples des différents pays membres de meilleures conditions de vie. Si la Cédéao continue donc de traiter son vis-à-vis avec autant de complaisance, elle court le risque de s’humilier pour la énième fois. Et c’est sa crédibilité et son autorité déjà entamées qui risquent d’en prendre un coup fatal.
Comment reprendre le contrôle de la situation
Les auteurs du coup d’Etat en Guinée Bissau semblent d’ailleurs avoir pris de la graine de ce qui se passe actuellement au Mali en réussissant à imposer leur président de transition. C’est le manque de logique et de rigueur dans la démarche adoptée par la Cédéao au début de la crise malienne, qui explique ses difficultés actuelles à faire plier l’échine aux pouvoirs irréguliers.
Ses chances de reprendre les choses en mains par le dialogue semblent s’amenuiser et il lui reste peut-être deux options raisonnables:
La première pourra consister à accepter la poursuite de la transition avec un autre président qui ne serait ni Dioncounda, ni un militaire, encore moins le capitaine Sanogo. Comme le Premier ministre de transition, ce nouveau président de transition, à défaut d’avoir une régularité constitutionnelle, devrait avoir au moins une certaine légitimité sociale. Il doit donc être politiquement vierge pour inspirer confiance aux forces en place.
La seconde option à laquelle la Cédéao pourrait recourir serait l’engagement d’un bras de fer réel contre la junte qui est jusque-là restée sereine et imperturbable. Un sentiment de suffisance et d’orgueil assurément suscité par sa conviction que l’institution sous-régionale n’a pas l’audace nécessaire de bander les muscles au point de l’inquiéter.
Cependant, quelle que soit la voie qui sera empruntée par la Cédéao pour rebondir, elle devrait éviter le retour total de la bande à Sanogo aux commandes de l’Etat malien. Mais le pourra-t-elle? A une semaine de la date fatidique de la fin des 40 jours de la transition, la junte semble plus forte que jamais et en mesure d’imposer sa loi.