Suite à la crise multidimensionnelle que le pays a connue, la Communauté Internationale décida de mettre sur pied sous la houlette de l’ONU, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).Créée par la Résolution 2100 du Conseil de sécurité du 25 avril 2013, très vite, l’enthousiasme qu’elle avait suscité a laissé place à une certaine défiance de la part de l’opinion publique malienne.
Le mandat de la MINUSMA au Mali reste l’un des plus ambigus. Aux bavures militaires et administratives, s’ajoute une complicité inédite entre la Force des Nations-Unies et la CMA contre l’Etat malien solliciteur de sa venue sur son sol. Après plus de deux ans de présence dans notre pays, on se demande finalement à quoi sert la MINUSMA? La MINUSMA oublie-t-elle que l’Etat souverain du Mali peut décider de son départ en refusant de renouveler son mandat. Analyse sur une menace de dissuasion dont dispose toujours l’Etat malien en vue de ramener la MINUSMA à être impartiale et neutre.
Il est bon de rappeler que le mandat de la MINUSMA ne se limite pas uniquement à une simple opération de maintien de la paix. Comme son nom l’indique, elle est une mission multidimensionnelle. En plus du volet sécuritaire, d’autres volets la composent dont notamment : l'appui au dialogue politique et à la réconciliation nationales, l'appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur toute l’étendue de son territoire y compris à Ménaka et à Kidal, la reconstruction du secteur de la sécurité malien, la promotion et la protection des droits de l’Homme et l’aide humanitaire. Réduire la mission onusienne au Mali aux casques bleus est donc une erreur. Cet élargissement de son champ de compétence a été possible grâce à la résolution 2164 du 25 juin 2014.
Le volet appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur toute l’étendue de son territoire reste occulté par la MINUSMA. Et c’est justement, ce qui suscite l’indignation voire la colère de bon nombre de maliens de constater cette attitude timorée des casques bleus de la MINUSMA. Le principal responsable de cette situation de chienlit qui prévaut au Mali n’est autre que le Conseil de Sécurité des Nations-Unies lui-même.
L’on ne peut reconnaitre dans le mandat de la MINUSMA l’intégrité territoriale du Mali et ne pas intégrer une force combattante en son sein et permettre à l’Armée malienne d’occuper l’entièreté de son territoire. On se rappelle que le ministre malien des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, M. Abdoulaye Diop, avait plaidé le 9 octobre 2014 à la tribune des Nations-Unies pour une « force d’intervention rapide » en vue de faire le poids face aux groupes jihadistes notamment.
Des groupes qui procèdent depuis leur défaite face aux troupes Serval, par des attaques asymétriques. L’on déplore actuellement plus de 35 morts côtés MINUSMA. Ce qui fait d’elle la mission onusienne la plus meurtrière depuis la Somalie en 1990 avec un taux de 1,06% de l’ensemble des soldats de la paix tombés au cours des 71 missions de l’Histoire. A cette hécatombe déjà déplorable, s’ajoute plus d’une centaine de soldats victimes de graves blessures suite aux attaques par explosions de mines anti personnelles pourtant condamner par le processus d’Ottawa dont le Mali est signataire.
Malheureusement, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies n’en a rien voulu entendre se cachant derrière une obscure doctrine qui voudrait qu’une mission onusienne ne peut mener une guerre sur le territoire d’un Etat, fut-il en guerre : impartialité des Casques bleus face aux forces en présence.
Elle s’est contentée d’accroitre le nombre de son contingent qui est passé de 8000 à près de 11 000 hommes. Au vue de ces chiffres, le constat est simple : l’ONU est seul coupable du lourd tribut que payent les contingents composant la MINUSMA. Les casques bleus cantonnés à dessein dans un rôle d’interposition deviennent finalement la cible des jihadistes-MNLA-CMA qui ont une parfaite maitrise du terrain et de la guérilla. Des chiffres effarants qui ne prennent pas en considération les morts du contingent tchadien, passé sous mandat onusien, et qui a été d’un très grand secours pour le Mali qui a aussi perdu des centaines de ses braves soldats pris au piège d’une injustice internationale.
Ici encore le seul coupable reste l’ONU. Voici ce que déclarait un officier tchadien à ce propos, fin 2014 : «Nous en avons marre. La MINUSMA considère nos troupes comme du bétail pour les jihadistes. Ils nous considèrent vraiment comme des ‘moutons à sacrifier’. À Aguelhok, nos troupes dorment souvent dans leurs voitures». Un autre dénonçait une grande défaillance dans la chaîne de Commandement de la mission onusienne avant d’ajouter que « même la manière d’annoncer la mort des Tchadiens est différente de l’annonce des autres morts ».
La bavure de trop est venue de ce fameux accord signé entre le Général Thibault, chef d’Etat-major de la Mission onusienne et le MNLA prévoyant l’installation d’une « zone temporaire de sécurité » incluant la localité de Tabankort, une zone hautement stratégique à l’insu de l’Etat malien. Une signature qui donna lieu à de violentes manifestations à Gao, soutenues dans tout le pays, le 27 janvier dernier au cours de laquelle, la MINUSMA a tiré à balles réelles sur la foule faisant trois victimes civiles.
La question que l’on se pose est de savoir depuis quand une mission onusienne a-t-elle le droit et le pouvoir de conclure des accords fractionnels sur le territoire d’un Etat souverain avec les forces rebelles qu’il combat ? D’où et de qui, le Général partisan, Thibault a-t-il reçu l’ordre de son forfait ? C’est tout cela qui discrédite la MINUSMA aux yeux des Maliens.
Bavures militaires, faiblesse de son mandat, inégalité dans le traitement de ses différents contingents mais aussi et surtout une certaine passivité et complicité ouverte vis-à-vis des groupes rebelles. Voilà ce que l’on reproche à la MINUSMA.
Finalement, le Mali peut-il oui ou non décider de mettre fin à la Mission onusienne sur son territoire ?
Nous avons beau chercher dans les annales des opérations de maintien de la paix à travers le monde, le cas où un Etat a décidé unilatéralement de mettre fin à une mission onusienne sur son territoire demeure introuvable. Mais pour autant, est-elle impossible ? Il faut tout d’abord rappeler que trois grands principes sont au fondement de toute mission onusienne. Il s’agit du consentement des parties en conflit à l'intervention, de l'impartialité des Casques bleus face aux forces en présence et de la limitation de l'usage de la force par les Casques bleus à des fins de légitime défense uniquement.
Il n'est pas question d'ouvrir le feu pour imposer la paix.
Avant l’adoption de la résolution 2100, le Mali a donné formellement son accord. Est-ce que l’on peut en déduire qu’il lui suffit de vouloir le départ de la MINUSMA pour mettre fin à la mission onusienne ? La pertinence d’une telle demande sera appréciée notamment par un des principes cités qu’est l’impartialité des casques bleus. Sa violation pourrait être un argument de taille pour demander le départ de la MINUSMA.
D’autant plus que les cas qui violent cette impartialité ne manquent pas. Dans ce cas d’espèce qui n’est pas récusable, toute la procédure onusienne devra se mettre en branle et se voir sanctionner par un vote. Le cas du Mali ferait alors jurisprudence dans la diplomatie. Si la MINUSMA continuait sa partialité pour les groupes rebelles du MNLA et de la CMA, le Mali, quoique ça le coûterait, devrait demander le départ de la MINUSMA dont les agissements sont souvent considérés comme du pur racisme vis-à-vis du peuple noir du Mali.
La MINUSMA consacrée mission la plus meurtrière de l’histoire des opérations du maintien de la paix : du « Mandat robuste » au « mandat offensif » que retiendra le Conseil de Sécurité ?
Les attaques meurtrières qu’ont été victimes les casques bleus de la MINUSMA remettent sur la table le débat sur les mandats des opérations de maintien de la paix. Classiquement, le type de mandat en cours partout dans le monde est celui dit robuste. Dans le cas d’un mandat robuste, la force de maintien de paix est en place et sert de force d’interposition ou de tampon aux différents belligérants en face.
Elle n’est aucunement autorisée à mener des actions offensives sur le terrain. Elle ouvre le feu uniquement en cas de légitime défense. Quant au mandat offensif, il s’agit du contraire. La force de maintien de la paix pourrait utiliser sa puissance de feu pour neutraliser des assaillants qui menacent considérablement la paix. Avec ce genre de mandat, la force est plus puissante et son champ de compétence plus élargi. Dans le cas malien, inutile de dire que si les casques bleus étaient dotés d’un tel mandat offensif, les victimes dans ses rangs auraient été beaucoup moins nombreuses et la situation sécuritaire beaucoup plus stable.
Saisir l’occasion de sa présence à Ménaka pour redorer son blason auprès du peuple malien
D’un seul geste, la MINUSMA pourrait gagner la sympathie de l’opinion publique malienne. Par l’accord signé à Alger, vendredi dernier, le contrôle exclusif de Ménaka lui a été attribué. Le groupe d’auto défense GATIA ainsi que le MNLA devront s’y retirer. De son côté, le chef du MNLA, Bilal Ag Chérif a annoncé la signature de l’Accord de paix le 20 juin prochain. En relevant ce défi, la mission onusienne au Mali pourrait apporter un nouveau crédit à son mandat.
La pilule du renouvellement de son mandat passera d’autant plus facilement que l’opinion publique malienne reprendra confiance à la MINUSMA. Dans le cas contraire, si elle devait faillir à sa mission de sécuriser Ménaka en laissant à la population à la vengeance de la CMA ce sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Et elle n’aura alors aucun choix que de s’inspirer de l’exemple de la Mission de l’ONU pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO).
Pour rappel, après plus de 16 mois de maintien de la paix au bénéfice d’un mandat robuste, la MONUSCO enverra finalement ses hélicoptères et ses chars de combat pour pilonner les positions du M23. D’un mandat robuste, la mission onusienne au Congo est passée à un mandat offensif de fait. Il n’en fallut pas plus pour que le mouvement rebelle déclara sa défaite et que les FARDC, les Forces Armées de la RDC, proclame une « victoire totale ». Une décision qui avait été prise par le numéro 2 de la MONUSCO, Abdallah Wafy. Les responsables de la MINUSMA devront avoir le même réflexe et la même hauteur d’esprit dans le scénario où la CMA violerait la convention qu’elle vient de signer le vendredi dernier.
Ahmed M. Thiam