GOUNDAM (Mali) - C’est leur première opération conjointe avec l’armée française et pour ces soldats maliens, en mission de reconnaissance dans le Nord désertique qu’ils connaissent à peine, rien n’est plus rassurant.
"Même si les jihadistes reçoivent des renforts des pays voisins, comme on sait que c’est souvent le cas, les Français voient tout, avec leurs avions et leurs satellites", se réjouit le capitaine Cheikh Bayala, qui commande 70 hommes montés sur douze pick-ups Toyota.
"S’ils voient des véhicules ennemis arriver, ils peuvent nous prévenir, envoyer leurs hélicos, et ça, c’est bien...", confie-t-il à l’AFP. La trentaine de soldats français basés près de l’aéroport de Tombouctou (nord-ouest) y a rejoint dans la caserne de l’armée malienne le capitaine Bayala et ses hommes.
Au programme de l’opération "La Madine 3" : cinq jours de patrouille, de reconnaissance et de chasse au renseignement à l’ouest de Tombouctou, dans une région qui échappe pratiquement, depuis des mois, aux troupes de Bamako.
Sous-équipées et mal formées, les forces maliennes ont été mises en déroute en mars-avril 2012 par des groupes armés, notamment jihadistes, dans le Nord, où elles n’ont repris pied que dans le sillage de l’opération "Serval", lancée en janvier 2013 par la France, relayée depuis août 2014 par "Barkhane".
Avant le départ, sous un auvent, répétition: des cubes de bois numérotés sont posés au sol pour figurer la colonne. Deux pick-ups maliens ouvrent la route, puis des blindés français, deux camions d’intendance, un blindé médical, d’autres véhicules maliens.
"Nous sommes là pour vous aider", dit au capitaine Bayala le lieutenant-colonel français Zlatan (conformément à l’usage, il ne révèle pas son patronyme). "C’est à vous de dire quand on part, quand on s’arrête. On est derrière vous s’il y a un souci, mais je ne vais pas commander vos hommes".
C’est vrai en théorie, afin de donner confiance à une armée convalescente. Dans les faits, le programme et l’itinéraire - qui passe par des zones tenues par des forces hostiles à Bamako, jihadistes ou rebelles touareg - ont été établis au commandement régional de Barkhane, à Gao (nord-est).
- Découverte du désert -
"Cette coopération avec les Français, ça montre nos limites, mais en même temps ça nous donne un sentiment de sécurité", affirme le capitaine Hamadou Traoré, médecin de la patrouille malienne.
"Ils ont la puissance de feu, personne n’osera se mesurer à eux, les avions dans le ciel, les drones, les évacuations médicales par hélicoptères s’il le faut... C’est bien", juge-t-il.
Dans son ambulance, une Toyota châssis long, Hamadou Traoré a un brancard, une bouteille d’oxygène vide, deux trousses médicales de premiers secours et c’est à peu près tout.
"Quand nous avons des blessés, nous fonçons le plus vite possible vers une base de la Minusma (Mission de l’ONU au Mali) ou de Barkhane, pour qu’ils soient pris en charge", explique-t-il.
En mai, neuf militaires maliens ont péri dans une embuscade rebelle près de Tombouctou, certains sont morts de leurs blessures faute d’avoir pu être soignés à temps.
"Depuis l’opération Serval, nous avons fait des progrès, les choses vont mieux", assure le médecin. "Mais peu à peu, petit à petit... On se demande combien de temps les Français vont rester."
Entassés à six ou huit sur leurs pick-ups, assis sur leurs sacs, les jambes pendant à l’extérieur, les pneus lisses ou inadaptés au terrain, les soldats maliens peinent à suivre, dans le sable mou, les engins français à quatre ou six roues motrices. La colonne s’interrompt souvent pour les désensabler.
Pour la plupart originaires du Sud, ils découvrent le désert et ses pièges, ne parlent pas les langues des villageois qu’ils rencontrent.
En échange de son engagement à signer le 20 juin l’accord de paix avec le gouvernement, la rébellion a obtenu vendredi la garantie de l’intégration "prioritaire et majoritaire" des combattants des formations politico-militaires dans les forces restructurées qui seront déployées dans le Nord.
Mais le soldat Bocar Diarra, 25 ans, originaire de Kayes (ouest), à plus de 1.500 km de Tombouctou, ne place sa confiance ni dans l’actuelle armée, ni dans les futures forces "reconstituées".
Selon lui, "le plus important, avec les Français, ce sont les hélicos. Le grand désert du Nord, personne ne pourra jamais le patrouiller, le tenir".
"Tant que les Français resteront là, ça ira. Les bandits jihadistes n’oseront plus descendre vers le Sud", estime-t-il, "nous irons vers la paix".
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