Dans les salons feutrés des chancelleries, tout ce qui se dit est codé, mais décryptable parce que circonstanciel. Et si nous demeurons attentifs à temporalités différentes qui traversent la vie de nos hommes politiques, nos yeux vont s’ouvrir sur d’autres champs.
En début de semaine dernière, nous avons appris les dernières péripéties concernant le voyage à Paris d’un de nos anciens députés (puisqu’il refuse de siéger dans la nouvelle Assemblée remixée), le Dr Oumar Mariko. Selon nos informations, il est rentré illico à Bamako le mardi sur un aller-retour simple, se voyant vu refuser l’embarquement pour les Etats Unis au départ des aéroports parisiens. L’homme ne disposait pas aussi d’un visa Schengen, précisait-on. Pourquoi n’a-t-il pu continuer son voyage aux Etats Unis où il était attendu et tout en disposant d’un visa ? Prenons-en de la graine : la délivrance d’un visa de séjour ressemble à un plaisir qu’on prend aux dépens d’autrui et sans lui demander sa permission. Ce qu’on oublie bien souvent, c’est que l’obtention d’un visa n’est pas un droit, mais relève plutôt du don que consent l’autorité délivrante. Le Dr Oumar Mariko s’est vu refusé pour la simple raison que selon nos informations, il subit les conséquences de ses rodomontades dans la transition actuelle. Dont acte.
Une liste à compléter et qui concernerait une nomenklatura ad hoc
Certaines chancelleries ont déjà l’air d’énoncer l’idée générale, comme cela s’est fait dans d’autres pays plongés au cœur d’une tourmente, de dresser une liste de personnalités se voyant interdites de voyage. Les Etats Unis montreraient ainsi la voie à l’Union européenne et (pourquoi pas ?) à d’autres capitales régionales sur le continent. Le Dr Oumar Mariko ne serait pas le premier d’une liste dont plusieurs noms commencent à circuler et pouvant y faire partie. Comme le Pr Younouss Hameye Dicko et tous les autres boutefeux s’en prenant expressément aux agissements de la communauté internationale dans notre triple crise sécuritaire, politique et humanitaire. Nos amis de l’extérieur ne vont pas sans leurs yeux ni leurs oreilles, comme on dit. Dans le climat politique volatile qui prévaut, ils n’hésiteront plus à mettre des noms sur des visages, sur tous ceux qui agissent comme « fourvoyeurs » dans la bonne marche des affaires publiques. C’est qu’ils observent d’un œil triste tous les accommodements que les autorités de la période intérimaire prennent avec l’ex-junte militaire et ses mêmes amis de l’extérieur pointent déjà du doigt tous ceux qui ne travaillent pas à adoucir les passions. Tous les comportements qui vont aux antipodes d’une sortie de crise seront surveillés. Cette façon d’agir est un style très simple, pour dire des choses très compliquées. Aussi faut-il savoir que tous nos politiciens ne peuvent être assortis d’humeur, de sentiments semblables. C’est une harmonie des conditions que même la démocratie ne saurait trouver. Dans les relations diplomatiques, il vaut mieux suggérer les choses que de les affirmer. Des personnes nommément désignées ici pourraient se retrouver orphelins de l’ambition. Comment ? Elles se retrouveraient visées à la tête pour paralyser sans tuer, à travers leurs ONG et autres associations qu’elles dirigent et qui se verraient supprimer toutes aides ou subsides venant de l’extérieur. Un grand politique, Pierre Mendes-France, nous avait prévenu, soulignait déjà Jean Lacouture disant que la politique était dans l’art de faire feu de tout bois, y compris de celui qu’on a jugé d’abord pourri. La littérature diplomatique recelant des trésors de sémantiques, on n’y décéléra quand même qu’une seule philosophie : celle du rapport de forces. Qui pourrait condamner l’élaboration confidentielle et l’imposition arbitraire de la liste susvisée ? Selon les derniers propos de son SE Mary Bethléonard, Ambassadrice des Etats Unis au Mali, il faudrait vite retrouver ici le chemin d’un leadership clair et fort en 2013.