De nos jours, l’argent se fait aussi rare que de l’eau dans le désert. Aussi, pour les quelques personnes qui en ont encore un peu, l’heure serait plutôt à l’épargne et la thésaurisation. Finies donc les dépenses outrancières, les virées nocturnes dans les bars, restaurants et hôtels de luxe ! En un mot, crise oblige. Une crise qui a engendré des habitudes si vicieuses qu’elles sont devenues aujourd’hui un sujet de commentaires dans la capitale.
Assou, une jeune de 23 ans un peu « ravagée » par les méfaits des produits éclaircissants, nous donne rendez-vous à 10 heures au bas d’un bâtiment de la Cité administrative. Nous avons eu son contact par l’intermédiaire d’une femme qui travaille dans un ministère et qui a tenté, durant des semaines, de la convaincre de témoigner. Assou a finalement accepté de livrer une partie du secret de son activité.
Etudiante à la rue à cause de la fermeture des Facultés de l’université de Bamako, touchée de plein fouet par la crise, Assou a réussi à se créer un réseau dans le milieu des cadres. Son succès lui vaut d’être constamment appelée au téléphone pour ses « services ». Assou ne ressemble pas aux prostituées habituelles qu’on rencontre à la « Rue blabla » de l’Hippodrome ou à Badalabougou.
10h 20 : un coup de téléphone. Le «client » « agent d’un Cabinet ministériel), s’impatiente. Assou nous laisse en bas et se dirige vers les escaliers devant lesquels se bousculent des visiteurs. Elle redescend 40 minutes plus tard et nous retrouve là où elle nous avait laissé. Elle nous confie que pour 40 000 FCFA, elle a eu un rapport sexuel avec ledit « client » dans son bureau et nous explique toute la scène de leurs ébats « amoureux » sans omettre le moindre détail. « Je suis entrée sans problème. J’ai juste indiqué que j’étais sa cousine comme il me l’avait conseillé, et on m’a laissée entrer », indique Assou qui, sa phrase à peine finie, se replonge dans son portable en lisant les multiples messages qu’elle a reçus.
« Nous sommes de plus en plus nombreuses à le faire. Moi, c’est une copine qui m’a mise dans le réseau. Actuellement, les hommes préfèrent qu’on se croise aux heures de pause à leur bureau : ça leur revient moins cher. Pas de restaurant ou d’hôtel. C’est parfois embêtant, mais on n’a pas le choix car il n’y a pas toujours des douches. Il faut donc aller se laver aux toilettes », précise Assou. Un autre rendez-vous l’attend à ACI-2000, dans les locaux d’une grande entreprise. Alors nous laissons partir la jeune femme. Au cours de notre investigation, nous recevrons des informations concordantes indiquant que le phénomène du « coucher au bureau » est bien en pleine expansion à Bamako. Crise ou non, la prostitution constitue aujourd’hui, sinon depuis toujours, un des domaines privilégiés où bien des Maliens dépensent le plus.