La médiation élargie a tenu à Alger, à compter du 25 mai 2015, une série de consultations avec les parties prenantes au processus d’Alger, à l’effet d’identifier les actions à engager suite à l’entrée en vigueur de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali.
1-Ces consultations se sont articulées autour des trois axes suivants :
a- La mise en place des conditions du parachèvement du processus de signature de l’accord dans les plus brefs délais et la clarification de la méthodologie et des modalités de la mise en œuvre de l’Accord.
b-La réaffirmation par les parties au processus d’Alger de leurs engagements en faveur d’une cessation totale et définitives des hostilités.
c- L’examen des préparatifs engagés pour la mise sur pied du comité de suivi de l’Accord et pour la tenue, dans les délais fixés par l’Accord, de la première réunion de ce comité.
2- A cet effet, la médiation élargie a tenu une série de réunions avec la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) pour déterminer les facteurs et modalités qui favoriseraient la signature de l’accord. La CMA a fait état d’un certain nombre de préoccupations d’ordre politique, économique et sécuritaire.
3-Après examen minutieux des points soulevés par la CMA, la médiation considère que l’ensemble de ces points sont pertinents au regard de l’accord. A ce titre, ces points seront pris en compte par le comité de suivi dans la mise en œuvre de l’Accord.
4- Plus spécifiquement, s’agissant de la question de l’Azawad, outre le traitement qui lui est réservé par l’article 5 de l’Accord qui évoque la nécessité d’un traitement politique et l’organisation d’un débat approfondi sur les causes profondes de cette question, la médiation souligne que la signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali a valeur d’engagement des parties à faire en sorte que les discussions dans le cadre de la mise en œuvre dudit accord aient lieu dans des conditions créant une véritable opportunité de parvenir à un consensus.
5- En ce qui concerne la représentation des populations du Nord dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République, en application des articles 1, 2, 4 et 16, la médiation s’engage à ce que ces dispositions reçoivent une application satisfaisante et effective et s’engage à faciliter dans les meilleurs délais des échanges entre les parties sur la manière de donner un contenu concret à ces dispositions.
6-Pour ce qui concerne les régions de Ménaka et de Taoudéni, la médiation rappelle que l’Accord prévoit en son article 3 que les institutions de l’Etat malien prendront les dispositions requises pour l’adoption des décrets d’applications et mesures réglementaires et législatives nécessaire à rendre effectives les décisions relatives à la création de ces régions. La médiation veillera au cours de la mise en œuvre de l’Accord à ce que le gouvernement diligente ces décrets et mesures dans les meilleurs délais.
7- S’agissant de la question du retour des refugiés, la médiation considère que conformément aux dispositions pertinentes de l’Accord (article 48), le retour des refugiés demeure une des grandes priorités de la période intérimaire, sachant que cette question constitue un élément qui permettra de réunir les conditions favorables à l’organisation des élections.
8- Au niveau sécuritaire, la médiation rappelle :
a- la nécessité du respect par les parties concernées des engagements antérieurs en matière de cessation des hostilités ;
b- l’obligation de la sécurisation des personnes et des biens ;
c- la nécessité absolue de cesser tout acte hostile sous peine des sanctions qui peuvent en découler.
9- A ce titre, la médiation considère que :
– Les questions relatives à la sécurité des localités faisant l’objet de conflits ou de discorde seront traitées prioritairement dans le respect des engagements antérieurs et sous l’égide de la médiation par les mécanismes de défense prévus par l’Accord ;
-Les questions de la participation et de la représentativité des combattants et des populations des Régions du nord au sein des forces de défenses et de sécuritaire constituées seront traitées par les commissions compétentes prévues par l’Accord. A cet titre, la Médiation veillera à ce qu’en vertu de l’article 22 qui stipule que « les forces redéployées devront inclure un nombre significatif de personnes originaire des régions nord y compris dans le commandement, de façon à conforter le retour de la confiance et à faciliter la sécurisation progressive de ses régions », une insertion prioritaire et majoritaire des combattants des mouvements politico-militaires notamment la CMA, soit prévue au sein des forces de défense et de sécurité reconstituées déployées au nord.
-Les critères d’éligibilité à cette insertion au sein des Forces de défense et d sécurité reconstituées seront définis de manière consensuelle au sein des mécanismes prévus dans l’Accord.
10-Pour ce qui est développement, la médiation note avec satisfaction que la Coordination ait souligné que ses attentes en matière de développement économique et social sont largement couvertes par les dispositions de l’accord. Elle considère que les préoccupations soulevées par la CMA en relation avec l’utilisation des ressources financières et naturelles sont également couvertes par l’Accord qui garantit une participation effective des populations du nord dans le processus de prise de décisions économique concernant le développement du nord. Elle veillera, à ce titre, dans la mise en œuvre de l’Accord que les fonds extérieurs destinés au financement des projets et programmes prévus dans l’Accord soient effectivement affectés, à travers un fonds spécial, à la réalisation de ces programmes et projets.
11- Enfin, sur la question des garanties, la médiation considère que les dispositions de l’Accord y afférentes sont suffisamment détaillées étoffées pour répondre aux attentes et préoccupations exprimées.Par ailleurs, la signature de l’Accord par tous les membres de la Médiation, ainsi que toutes les marques de soutien exprimées par la Communauté Internationale, constituent, en soi, un engagement en faveur de l’Accord et une garantie exceptionnelle pour sa mise en œuvre.
Alger le 2 juin 2015
ECLAIRAGES
Le texte qui précède est remarquable d’hermétisme. Tout ce qui a été convenu est adroitement enveloppé dans une phraséologie assez touffue pour que le commun des Maliens n’y comprenne rien. Mais en lisant entre les lignes, nous retenons sept choses:
1- Contrairement à ce qu’il avait annoncé urbi et orbi, le gouvernement malien a accepté de rouvrir les négociations, ce qui a abouti à ce « sous-accord » qui conditionnait le retour des rebelles au dialogue.
2- Ce « sous-accord » du 2 juin 2015 a la même valeur que l’accord signé le 15 mai, qu’il interprète et complète.
3- Le « sous-accord » prévoit, contrairement à l’accord signé le 15 mai, d’affecter aux combattants rebelles la majorité des troupes maliennes à déployer au nord. La conséquence est que le nord du Mali restera militairement contrôlé par ces combattants et qu’en cas de litige, ceux-ci n’auront aucune peine à chasser leurs camarades venus du sud. La présence « prioritaire et majoritaire » des groupes armés dans l’armée et dans les services de sécurité du nord aura également pour effet de peser, en faveur des rebelles, sur les élections locales et, de manière générale, sur l’administration des régions du nord. Que valent, en effet, autorités élues sans la force armée ?
4- En érigeant Taoudéni et Ménaka en régions, le Mali accède à un vrai caprice des rebelles dans la mesure où ces villes sont parmi les moins peuplées du nord.
5- Le « sous-accord » fait en sorte que le mot « Azawad » ne soit plus une simple « réalité mémorielle »: il recouvre désormais une réalité « politique », ce qui peut constituer, dans un futur proche, une source d’interprétations divergentes et de conflits.
6- La formulation du « sous-accord » laisse penser que dans le cadre de la mise en oeuvre, beaucoup de concessions seront faites aux rebelles sans qu’elles figurent dans un écrit. A cet égard, le sous-accord déclare: « Après examen minutieux des points soulevés par la CMA, la médiation considère que l’ensemble de ces points sont pertinents au regard de l’accord. A ce titre, ces points seront pris en compte par le comité de suivi dans la mise en œuvre de l’Accord ».
7- Le Mali sauve tout de même l’essentiel: le « sous – accord » ne parle formellement pas d’autonomie, ni de fédéralisme, ni d’indépendance. Mais ce qui n’est pas formellement concédé pourrait bien l’être dans la pratique. Mais patience, patience, patience !
Tiékorobani