En janvier 2012 quand les rafales de l’armée de l’air française ont fendu le ciel malien pour déverser leur coulée de larve violente sur les narco jihadistes, le peuple Malien, par gratitude, a brandit le drapeau français et salué l’œuvre de François Hollande. Par son geste combien de fois salvateur, la France a évité une possible Afganisation ou Somalisation du Mali en boutant hors d’état de nuire des aventuriers du 21e siècle. Aujourd’hui, avec le recul les masques sont en train de tomber et on commence à s’interroger si la France a libéré notre pays des jougs jihadistes pour l’honneur et le bonheur des Maliens ou pour ses intérêts géostratégiques ? Et si tout cela n’était qu’un gros montage ?
Le sénateur spécialiste de l’Afrique, Jeanny Lorgeoux, et l’ancien secrétaire d’État à la coopération, Jean-Marie Bockel, indiquaient en 2013 dans un rapport aux accents afro-optimistes intitulé "L’Afrique est notre avenir" que face au recul de la France dans une "Afrique convoitée" qu’il fallait créer un ministère de plein exercice dédié à la coopération, pour disaient-ils permettre à la France de " se départir de ses préventions postcoloniales et voir l’Afrique comme un élément clé de notre avenir". A l’analyse de la situation malienne nul doute que la France de Hollande est entrain de suivre à la lettre leurs recommandations et qu’une partie de l’avenir de la France en train de se jouer en ce moment au nord du Mali. Des ententes sous le boisseau d’accords d’exploitation des immenses ressources du nord malien avec les rebelles touaregs ? Sinon que cache cette attitude ambivalente de la France qui souffle le chaud et le froid en même temps ? La France de De Gaulle serait-elle en train de se venger du Mali de Modibo Keita ? Pourquoi avoir dit que le Mali recouvrera l’entièreté de son territoire et se rebiffer après ? Le lobby juif qui aurait défilé aux côtés du MNLA en France a-t-il eu raison de la volonté de François Hollande ? Voici un certain nombre de questions qui taraudent bien des esprits de maliens.
Après avoir balkanisé le vaste empire du Mali, qui s’étendait à l’ouest par la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, au sud par la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée, au Nord par le Niger et le Maroc et à l’Est par l’Algérie, la France à court de ressources économiques, cherche d’autres destinations pour pallier à ce déficit. Pour rappel, au XIIIe siècle, alors que régnait en France le roi Louis IX (Saint Louis), naissait en Afrique subsaharienne l’Empire du Mali bâti sur les ruines de celui précédemment du Ghana. Fondé par le légendaire Soundiata Keita, l’Empire du Mali devint rapidement un Etat riche et puissant, connecté aux réseaux commerciaux et culturels de l’Afrique et du reste du monde en passant par le Sahara jusqu’au monde musulman. Au XIVe siècle, la réputation du Mansa franchit la Méditerranée et se retrouve citée et matérialisée sur le célèbre Atlas catalan, offert au roi de France Charles V par le roi d’Aragon d’Espagne.
Selon les statistiques officielles françaises, dans un demi-siècle la France manquera énormément de ressources et de débouchés économiques pour se maintenir au peloton des pays développés surtout quand on sait aujourd’hui qu’elle n’occupe que le 6ème rang économique mondial après les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne, le Royaume-Uni. C’est pourquoi elle joue sur plusieurs tableaux de bords dont le nord malien. Le Mali de l’avis d’experts géologues avisés renfermerait potentiellement plus de ressources minières, énergétiques et minérales inexploitées que la plupart de ses pays voisins dont l’uranium, le pétrole, l’or, l’eau douce et le fer, entre autres. Comme ce Général de la France coloniale qui avait promis aux touaregs en partant que la France ne les oublierait jamais, beaucoup de maliens pensent tout bas qu’un deal tacite a été signé entre la France et le MNLA pour l’exploitation des ressources du nord. Pour ce faire la première aiderait le second à s’affranchir de la domination du Mali pour s’approprier cet immense espace de deux fois plus grand que la France avec une population de moins de 2 millions d’habitants. Ce complot machiavélique ourdi par la France date des années 60 date de l’accession du Soudan Français devenu Mali à l’indépendance. La France colonisatrice n’a jamais toléré à Modibo Keita son rejet de la France capitaliste pour se tourner vers le Bloc Socialiste avec l’Union Soviétique et la Chine comme têtes de proue. Elle a juré de faire payer cet amour pour son pays à Modibo, d’où l’éclatement de la première rébellion Touareg en 1963. Matée violemment grâce à l’appui de ses alliés soviétiques et chinois et de ses voisins algériens et mauritaniens, Modibo Keita fera taire cette rébellion. Aujourd’hui, la même France récidive en allumant encore le feu et en voulant jouer au sapeur pompier. Si non comment comprendre qu’un groupuscule d’hommes puissent prendre en otage toute une République. Comment une seule tribu peut s’imposer aux autres plus nombreuses qu’elle par la violence à la barbe du pays de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ? Ce qui est en train de se passer à Ménaka lève toute ambigüité quant au soutien de la France à la CMA. La France soutient la CMA contre le Mali, si non pourquoi demandé au GATIA de se retirer de Ménaka de 25 Km alors qu’elle a demandé à la CMA d’être seulement à 5 Km. Cette dernière distance, selon les spécialistes, est à portée des engins moins lourds. Autres faits qui prouvent le soutien de la France à la CMA est non seulement la signature d’un nouvel accord intégrant 13 amendements de la Coordination, alors qu’elle avait refusé toute modification au gouvernement Malien. Mais aussi la liberté d’expression et l’accueil chaleureux réservés aux membres de la CMA par les media français et européens. Nous ne cesserons jamais de dire à la France que le Mali a une histoire millénaire faite de bravoure et d’audace. Les maliens n’accepteront jamais que sa devise : Un Peuple Un But et Une Foi, soit ébranlé sous quelque prétexte que ce soit. Le Peuple debout sur ses remparts défendra jusqu’à l’ultime sacrifice son honneur et sa dignité. Que la France se ressaisisse rapidement pour ne pas subir le même sort que celui qui lui a été réservé au Viêtnam. A vouloir trainer un peuple déjà assommé et a terre on court le risque de le réveiller en lui des ressorts insoupçonnés que même les matraquages médiatiques savamment orchestrés ne réussiront à faire taire. Les grands empires ne meurent jamais et trop c’est trop.
Youssouf Sissoko