Si la rencontre entre le gouvernement et des représentants des groupes armés permet d’explorer des pistes de négociations, le déploiement militaire reste une option défendue par la Cédéao et l’Union Africaine. Le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la Cedeao, a reçu mardi pour la première fois ensemble des émissaires du gouvernement et des groupes armés Ansar Dine et MNLA. Si l’heure n’est pas encore à des négociations, la rencontre permet d’examiner les possibilités d’amorcer un dialogue.
La délégation gouvernementale, conduite par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Tiéman Coulibaly, avait été reçue lundi par le président Compaoré. Après un entretien de moins d’une demi-heure avec le médiateur de la Cedeao, Tiéman Coulibaly avait rappelé ses conditions pour un dialogue. « Nous agissons dans le cadre de la Constitution du Mali : la République est une et indivisible et elle est laïque, et à cet égard les revendications indépendantistes et autres, les tentatives d’installer une confession et une foi par la force ne peuvent pas prospérer au Mali », a-t-il souligné devant la presse.
Le chef de la diplomatie a ajouté que le moment est venu de passer à une autre phase, après celle qui a vu le président du Faso «discuter beaucoup avec les uns et les autres dans le cadre de séances préparatoires». Le même jour, le chef de l’Etat burkinabé a reçu des représentants d’Ansar Dine et de la rébellion du MNLA. Ansar Dine occupe le nord du pays avec deux autres groupes islamistes, les jihadistes surtout étrangers d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Ils appliquent très strictement la charia (loi islamique) dans la région, commettent des exactions sur les populations civiles sans défense et détruisent des monuments et mausolées, classés par l’UNESCO au patrimoine de l’humanité. Quant au MNLA, il prône aujourd’hui l’autodétermination du Nord, après avoir échoué dans sa tentative de créer la République de l’Azawad. Le MNLA a été dominé militairement et évincé des zones occupées par les islamistes avec qui il a combattu l’armée malienne.
Le président Compaoré pousse à une solution négociée alors que se prépare une intervention armée africaine, qui attend l’aval de l’ONU. Si les discussions de Ouagadougou aboutissaient, une éventuelle opération militaire ne devrait viser que les groupes « terroristes » occupant le Nord, Aqmi et le Mujao.
Déploiement en urgence. Le Premier ministre, lui, séjourne actuellement à N’Djamena où il a assisté, lundi soir, à un long entretien entre les présidents tchadien Idriss Deby et béninois Thomas Boni Yayi. Cheick Modibo Diarra a informé longuement les deux chefs d’Etat sur la situation dans notre pays.
Le Béninois Thomas Boni Yayi est le président en exercice de l’Union africaine. Quant à Idriss Déby, il fait l’objet de sollicitations pour une participation à la force internationale en gestation, de l’armée tchadienne, réputée efficace et aguerrie dans les combats dans le désert.
La rencontre a été sanctionnée par un communiqué officiel appelant l’ONU à autoriser « d’urgence le déploiement de la force internationale au Mali ». Les deux chefs d’Etat ont invité la communauté internationale à user de tous les moyens légaux pour trouver une solution.
Idriss Déby et Thomas Boni Yayi ont « réitéré leur solidarité avec le Mali » et ont réaffirmé leur engagement à soutenir notre pays pour la sortie de crise. Ils ont également « pris acte des solutions préconisées par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest « . Les chefs d’Etat des 15 pays membres de la Cédéao ont adopté le 11 novembre à Abuja un plan de reconquête militaire du Nord et approuvé l’envoi d’une force militaire internationale de 3.300 soldats pour une durée d’un an.
Déception. Un récent rapport du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon émet des réserves au déploiement de cette force internationale dans notre pays. Réuni en sa 69è session ordinaire du 30 novembre au 2 décembre 2012 à Abidjan, le conseil des ministres de la Cédéao a déploré le déphasage entre les recommandations du rapport de Ban Ki-Moon et l’urgence d’actions que nécessite la situation, notamment en ce qui concerne l’autorisation du déploiement d’une Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA).
Le communiqué rappelle que le Concept stratégique et le Concept harmonisé des opérations (CONOPS) transmis au secrétaire général de l’ONU par l’UA, ont été conçus et adoptés, avec la collaboration des autorités maliennes et en étroite concertation avec des experts dans les domaines militaires et sécuritaires du système des Nations unies et d’autres partenaires de premier plan, notamment la France, les Etats Unis, le Canada, les pays voisins du Mali et l’Union européenne (UE).
Le conseil des ministres de la Cédéao considère que la situation dans le Nord Mali requiert une action urgente ainsi que la mise en place de mesures proactives afin de restaurer l’intégrité territoriale du pays et de démanteler les réseaux terroristes et criminels qui n’ont cessé de se livrer aux pires exactions et à toutes sortes de violations des droits humains au Mali et dans l’ensemble de la région ouest africaine, voire au-delà.
Le communiqué ajoute que la Cédéao considère que l’affirmation selon laquelle les populations du Nord Mali, et notamment les Touaregs, seraient marginalisées ne reflète pas la réalité sur le terrain. Tout en réaffirmant la détermination de l’organisation régionale à poursuivre ses efforts pour le dialogue politique entre le gouvernement de transition et les groupes armés du Nord qui renoncent au terrorisme et à la violence, le conseil des ministres a estimé qu’une non-intervention au Nord Mali ou tout recul devant l’urgence d’envoyer une force pourrait entraîner une aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire dans la région et en Afrique.
«Cela équivaudrait à une forme de non assistance au peuple malien et favoriserait ainsi l’enracinement des groupes terroristes et criminels avec des menaces lourdes de conséquences pour la sécurité régionale et internationale», souligne le communiqué. Dans les actions urgentes à entreprendre, la Cédéao a invité l’Union africaine à instruire le Groupe africain de New York à mener, sans délai, une démarche diplomatique auprès du secrétaire général des Nations unies et des membres du Conseil de sécurité sur cette question.
Aussi, l’Union africaine et la CEDEAO envisagent de dépêcher en urgence une mission conjointe de haut niveau auprès de Ban Ki-Moon et des membres du Conseil de sécurité en vue de réitérer les positions du continent sur la situation dans notre pays. Le conseil des ministres de la Cédéao a demandé au Conseil de sécurité de prendre en compte, lors de l’examen du rapport, le caractère urgent de l’adoption d’une résolution autorisant l’usage de la force et donc le déploiement de la MISMA au Mali, sous le Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies.