Au lendemain de l’attentat contre «La Terrasse», les services de lutte contre le terrorisme avaient bien eu raison d’initier des opérations de nettoyage de niches éventuelles de cellules dormantes à Bamako et dans certaines régions du pays.
En effet, avant cet attentat dont l’objectif principal était de plonger le pays dans une psychose de terreur et saper les efforts de négociation en vue d’un Accord de paix, des djihadistes ont laissé des traces de leur présence dans le Sahel occidental, plus précisément dans la forêt du Wagadou, vers la frontière mauritanienne, et ont essaimé d’autres localités. La menace se précise avec des « pieds nus » reconvertis en terroristes jihadistes. Particulièrement actifs.
Près de deux-cents djihadistes qui campaient dans la forêt de Samaya, à une vingtaine de kms de Bamako, ont échappé, on ne sait pas trop comment, au coup de filet tendu par les forces de sécurité. En effet, ils ont pu disparaître dans la nature, laissant derrière eux des armes, du matériel de communication, des tenues militaires et une quantité importante de vivres et munitions. Beaucoup de zones d’ombre restent à élucider concernant cette affaire. Mais, c’est dire que ces éléments, disséminés dans la nature, continuent de constituer une menace sérieuse parce qu’ils trouvent toujours un autre sanctuaire où se regrouper. Dès lors, toutes les forces devaient être conjuguées pour les traquer, les retrouver et les neutraliser. Ce qui n’est pas le cas.
Il y a donc suffisamment de prémices pour voir s’agiter des groupes armés en dehors de la chaudière du nord du pays. Comme c’est le cas avec le Front de libération du Macina piloté par le prêcheur activiste Hamadoun Koufa, de son vrai nom Hamadoun Diallo. C’est lui qui avait organisé la prise de la localité de Konna lors de l’invasion des narcodjihadistes. Il était déjà à la tête d’une troupe d’au moins quatre mille jeunes combattants qu’il avait recrutés progressivement lors de ses pérégrinations à travers la région de Mopti où il était connu pour ses prêches extrémistes, voire subversifs. Dès la première heure de la prise de Konna, il s’était autoproclamé « Sultan de Konna ». Mais un sultan qui, au bout d’un règne virtuel de six heures d’horloge au maximum, avait disparu sans laisser de trace. Il était même donné pour mort, alors qu’il s’était replié aux côtés de son mentor, Iyad Ag Ghali, Mollah d’Ançar Eddine.
Il refera surface auprès d’une troupe reconstituée à partir de fidèles de son village et des localités environnantes, où, par ses prêches, il a effectué un vrai lavage de cerveau à la jeunesse désœuvrée. Son organisation est à la base d’attaques répétées dans les cercles de Tenenkou et de Mopti. Mais l’armée malienne l’a obligée à être plus discrète, suite à une série de pertes humaines et matérielles importantes qu’elle lui a fait subir lors d’opérations de sécurisation des populations.
Une fois l’Accord de paix conclu entre les groupes armés représentés par la CMA, les mouvements d’autodéfense regroupés au sein de la Plateforme et l’Etat du Mali, tout groupe qui se démarquerait de cette démarche serait considéré comme une association de terroristes et combattue par la Communauté internationale. Cette menace pèse lourdement sur la tête du chef de guerre Iyad Ag Ghali dont le groupe, Ançar Eddine, se voit déjà pourchassée par une horde de militaires d’une force internationale, appuyés par une impressionnante armada des grandes puissances de ce monde.
Cette image, bien que considérée dans des milieux terroristes du nord du pays comme surréaliste, à cause du double jeu de certains pays qui se disent « amis du Mali », produit quand même des frissons, surtout après l’amère expérience de la pluie de bombe lâchée par l’opération Serval sur les troupes djihadistes pour libérer la partie du territoire malien occupée par Ançar Eddine, Mujao, Aqmi, le Mnla et ses satellites.
Par conséquent, torpiller le processus de paix est l’option privilégiée par Ançar Eddine et le Mujao, qui constituent aujourd’hui une véritable centrale terroriste face au Mali, parce que n’ayant manifesté aucun signe de cessation des hostilités. En effet, ces deux groupes qui se proclament «djihadistes» ne peuvent avoir les mêmes revendications que la CMA et les autres groupes armés qui ne remettent pas en cause le principe de la laïcité de l’Etat qui constitue un des socles de la République.
Par conséquent, cette centrale terroriste déploie ses tentacules jusque dans les autres paisibles localités du pays pour essayer d’y installer une psychose de terreur. C’est pourquoi, l’histoire est en train de donner raison aux forces spéciales chargées de lutter contre le terrorisme. Lesquelles forces avaient commencé à retourner la logique des terroristes contre eux en installant la peur dans leur camp par des opérations d’investigations qui, forcément parfois, passaient par des interpellations de leaders de quelques groupes activistes fichés au départ à cause de leur irrédentisme.
C’est le cas de la secte des « pieds nus » dont le guide s’est évadé de la prison de Tombouctou lors de l’occupation de la ville sainte par Ançar Eddine et Aqmi. Il y purgeait une peine, suite à l’exécution froide par ses disciples du juge de Dioïla, Oumar Ba.
Après la libération de Tombouctou, il a disparu sans laisser de trace. Mais des informations insistantes faisaient état de son compagnonnage avec Iyad Ag Ghali. Les mêmes informations laissaient entendre qu’il était en train d’user de son influence pour faire recruter, au sein d’une nouvelle branche d’Ançar Eddine au sud du Mali, des combattants qui feraient allégeance à Iyad Ag Ghali. Raison pour laquelle l’attaque armée de Kadiolo – localité reconnue comme fief de la secte des «pieds nus» – revendiquée par «Ançar Eddine au sud du Mali», refait parler de ce chef islamiste en fuite. Et naturellement, c’est une des pistes que les enquêteurs sont en train d’explorer.
Nouhoum DICKO