L’équipe des moins de 20 ans du Sénégal a frappé fort. Pour sa première participation, elle atteint le dernier carré de la compétition grâce à sa victoire sur l’Ouzbékistan (1-0) en quart de finale. Le continent africain comptera un second représentant : le Mali, qui s’est courageusement qualifié au détriment de l’Allemagne (1-1, 5-3 aux t.a.b), et qui égale sa performance de 1999 dans la plus prestigieuse des compétitions de jeunes.
Peut-on pour autant parler enfin de réussite en matière de formation africaine footballistique ? Au Sénégal et au Mali, celle-ci a très fortement évolué depuis les années 2000 avec deux principaux modèles qui se concurrencent et se complètent à la fois. Le premier adapte le meilleur de la formation européenne aux réalités africaines : c’est l’institut « Diambars » (guerriers en wolof), un centre « sport étude » mis en place au Sénégal notamment par Patrick Vieira, ancien international français né à Dakar.
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Le second modèle, qui a fait ses preuves à Abidjan en lançant notamment les frères Kolo et Yaya Touré, transpose la vision sophistiquée du football de l’ancien joueur Jean-Marc Guillou à travers des académies qu’il dirige. « C’est pour cela que l’on ne peut pas parler de formation à la sénégalaise, explique Babacar Khalifa Ndiaye, spécialiste du football africain. Même s’il y a une centaine de centres de formation, rien n’a fondamentalement changé. »
Du côté de Bamako, c’est le même son de cloche. « Il n’y a pas des formations spécifiques mais des initiatives ponctuelles en fonction des clubs », indique Mahamet Traoré, fondateur du site malifootball.com. Pourtant, la réussite des équipes africaines dans les catégories de jeunes est bien une réalité. « Elle s’explique par la détection des talents précoce », indique Patrick Juillard, journaliste à footafrica365.fr. Contrairement aux pays plusieurs fois vainqueurs de la CAN junior comme le Nigeria (6), l’Egypte (4) ou bien le Ghana (3), le Sénégal n’était pas en avance dans les catégories de jeunes. La formation a même souvent été considérée comme son maillon faible.
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« Il n’y a eu que deux qualifications à des CAN junior [en 1993 et en 1995], précise Babacar Khalifa Ndiaye. Il aura fallu attendre que le Sénégal organise la compétition en 2015 pour revoir les « Lionceaux » finir vice-champions d’Afrique, et ainsi décrocher l’une des quatre places à la coupe du monde des moins de 20 ans en Nouvelle-Zélande.
Le Mali a une tradition plus ancienne dans la réussite de ses équipes de jeunes. Elle est la première équipe africaine à se hisser en demi-finale d’une coupe du monde des moins de 20 ans (1999) avec une génération dorée conduite par l’emblématique Seydou Keita, premier Africain à remporter le titre de meilleur joueur d’un mondial. Le milieu de terrain avait fini sa formation à Marseille avant de rejoindre Lens. Le nord de la France est aussi la direction qui fut prise avec Adama Traoré, Dieudonné Gacklé et Youssouf Koné, autres membres de l’équipe de 2015 et tous sous contrat avec Lille.
Ces trois piliers de l’équipe malienne font partie des huit joueurs issus du centre de formation de Jean-Marc Guillou sur les 21 sélectionnés. Du côté sénégalais, l’essentiel des joueurs ont été formés au pays excepté Mamadou Thiam, l’auteur du but vainqueur en quart de finale.
« En Birmanie, les deux tiers des joueurs viennent d’Afrique »
Les réussites sénégalaise et malienne ont également en commun l’expertise locale. Joseph Koto (Sénégal) et Fanyeri Diarra (Mali) sont d’anciens internationaux de leurs pays respectifs et se sont bien reconvertis dans l’encadrement et la formation des jeunes footballeurs. Dans les deux cas, le changement majeur vient du nombre de jeunes joueurs évoluant très tôt dans l’équipe première de leurs clubs. « On a compris que ce n’est pas avec un championnat national junior, qui d’ailleurs n’existe même pas au Sénégal, que l’on arrivera à sortir des garçons compétitifs sur la scène africaine et mondiale, constate Babacar K. Ndiaye. L’institut Diambars a son équipe en Ligue 1 sénégalaise et l’académie de Jean-Marc Guillou est en partenariat depuis huit ans avec l’AS Real de Bamako, équipe de l’élite malienne. Mais l’objectif premier des fondateurs de ces structures n’est pas forcément de développer le football local, mais de “vendre” leurs meilleurs éléments en Europe ou en Asie. »
« Si tu regardes un match du championnat birman, les deux tiers des joueurs viennent d’Afrique », constate Alain Devalpo, l’auteur de Chair à ballons (Ed. Gründ), un roman inspiré de faits réels qui retrace les trafics de jeunes footballeurs africains.
Une finale 100 % africaine entre Maliens et Sénégalais en coupe du monde des moins de 20 ans ne lèverait pas tous les doutes concernant la formation africaine. Mais elle ferait quand même taire certaines critiques.