L’ancien Premier ministre du Mali, Moussa Mara, a-t-il été victime du syndrome des Premiers ministres présidentiables qui frappe l’Afrique depuis ses premières heures de démocratie ? Cette question mérite bien d’être posée. Pour plusieurs raisons.
À l’image des démêlées stériles à l’époque entre un certain Alpha Oumar Konaré et un certain IBK, les proches du premier lui avaient forcé la main contre le second, au grand soulagement d’une opposition embastillée. Cependant, Alpha O. Konaré a résisté contre les trimards aux oreilles, durant 6 années (1994 à 2000) et cela, malgré toutes les crises connues dans la période dont celle du COPPO, le lynchage d’un policier au Hampaté Ba, la répression scolaire, le Nord qui a vu le Premier ministre de l’époque se rendre sur un champ de guerre à proximité de Tombouctou ou taper du poing sur la table des partenaires techniques et financiers suite à une crise avec la Suisse…
En effet, c’est le constat que dégage un politologue qui se base sur une dizaine de faits. Selon ce grand observateur enseignant dans une Faculté publique de la place, les régimes se succèdent sans parvenir à s’affranchir des tares des précédentes équipes. Primo, il fait allusion au score exceptionnel obtenu par IBK à la présidentielle. Selon lui, ce score exprime la soif des Maliens pour sortir de la crise, peu enclins à endurer l’insécurité, à contrario des Ivoiriens, Angolais, Algériens, Marocains, Sénégalais, Soudanais, Libériens, Rwandais, Burundais…qui ont connu une ou plusieurs dizaines de crises en les affrontant de sang-froid et avec les moyens de bord.
Secundo, il estime que malgré cette victoire, IBK aurait absolument dû mettre en place un gouvernement très ouvert à la société civile et aux non-apparentés avec un Premier ministre technocrate pour coordonner l’équipe gouvernementale avec une dose moins politicienne. Les choix d’Oumar Tatam Ly et de Moussa Mara, selon lui, sont donc bien inspirés, mais ont manqué du soutien du président.
Tercio, il analyse que si on constate qu’au lendemain de la nomination de Modibo Kéïta, le président IBK a lancé un avertissement aux ministres pour le respect dû à son Premier ministre, il a manqué de le faire aux ministres sous Oumar Tatam Ly et Moussa Mara qui ont souffert du mépris de plusieurs de leurs ministres et de plusieurs élus de la majorité qui n’ont pas manqué, surtout sous Mara, d’envenimer les médias contre eux. Il estime donc que le président IBK a manqué d’équité indéniablement.
Quinto, il estime que si le Premier ministre Mara s’est plié à toutes les injonctions du président et de l’Assemblée nationale, plusieurs camps de la majorité n’ont jamais avalé sa nomination qui est certes constitutionnelle, mais inacceptable pour ces bords qui voyaient en toutes les actions régaliennes et ordinaires du Premier ministre Mara des actions de campagne pour être président ou renforcer son parti avec les ressources de la Primature. Même persuadés que l’intéressé a réussi des économies importantes pour le pays tout en se gardant d’abuser des fonds de la Primature dont on a vu le budget baisser. Il cite des anciens agents de la Primature qui parlaient de sevrage d’argent qui circulait certainement auparavant. Ainsi, il reconnaît que Mara a pris des risques pour le collectif en posant les pieds à Kidal sur accord du président et de l’Assemblée nationale ainsi que sur les foyers Ebola jusque sur les lits d’hôpital et les localités frontières et les familles affectées à Bamako.
Sexto, notre interlocuteurs estime que les médias ne rendent pas facile l’environnement des autorités, s’estimant avoir le droit de les démoraliser par des attaques, chantages et des diffamations au quotidien et sans aucun fondement. Toute chose dont les politiciens et arrivistes usent pour régler des comptes.
Septimo, il pense aussi que la gestion des politiques publiques, la corruption, l’évaluation des performances du gouvernement dont Ly et Mara avaient fait leur cheval de bataille, ne semble plus être la priorité aujourd’hui, au détriment du devenir du pays et de son avenir dans le concert des Nations.
Octavo, sur la visite de Mara à Kidal, il relève que c’est la communauté internationale qui a indiqué que Kidal était malien, après les accords de Ouagadougou et que toute autorité pouvait s’y rendre. Il caricature qu’on ne doit ni empêcher, ni critique le fait que quelqu’un rentre dans son domaine, même s’il y aurait des dangers. Il estime que cette visite a permis de faire bouger les lignes de la négociation, à l’instar de l’affaire de Ménaka où les partenaires du Mali cachent mal leur jeu partisan pro-rebelles. Il relève que l’actuel Premier ministre, suspecté de complexer par son âge, n’apportera rien d’utile à l’état du pays et à son devenir par manque de vision et de méthodes, l’âge n’étant point un critère déterminant en politique.
Decimo, il estime que le Mali, pays pauvre, doit plus reconnaître ses fils les plus méritants et ne plus persévérer dans les questions moyenâgeuses de personnes et de médisances professionnelles dans les oreilles des décideurs pour les éloigner des vraies préoccupations des populations. Selon lui ces comportements éloignent le Mali d’un vrai Etat dans sa définition, en faisant place à une monarchie où chaque président de la République est adulé et complimenté, sans aucune réalité de changement pour les populations.
Harouna COULIBALY