Le discours bien tourné n’est pas la tasse de café du Premier ministre. A l’occasion, il sait se montrer caustique. Précédé à la tête du gouvernement d’une solide réputation d’incorruptible, Modibo Keïta a du mal à digérer les casseroles que traînent le ministre du Développement rural, Bocari Tréta, fût –il la cheville ouvrière du Rassemblement pour le Mali (RPM), parti au pouvoir.
A croire que les dieux sont tombés sur la tête. Sinon comment comprendre qu’il défait la nuit la toile qu’il a tissée le jour. Lui dont la mission principale est de booster la production agricole se rend coupable de présumée complicité dans l’importation d’engrais frelatés. A moins qu’il soit arrivé à la conclusion qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente il restera en fonction. Sous d’autres cieux, il allait rendre le tablier, quitte à ce qu’il soit ou non blanchi par la suite. Seulement voilà au Mali, suggérer à une personne mise en cause de démissionner, on vous traite de méchant. Ce n’est pas le poste qu’on lui demande de quitter. Mais c’est sa vie qu’on veut lui prendre. Il rentre dans une colère noire, prononce des grossièretés, voit des ennemis partout, des envieux. Décidément, on ne veut pas voir l’eau dans le fleuve. Et se rendre compte que le rallye est possible entre le dire et faire.
L’autre, le ministre des Domaines de l’Etat et des affaires foncières, Mohamed Bathily, est passé maître dans l’art du maniement du verbe. Il a colonisé les antennes radio et télé. Se prenant pour un messie dont le triste privilège est de rétablir la justice dans un monde corrompu. Qu’on ne s’y trompe guère : ce qu’il est parle plus haut que ce qu’il dit. Par sa faute le Trésor a accusé un manque à gagner estimé à plusieurs milliards de nos francs découlant du gel sans raison des attributions de parcelles. Or, le moindre sous récolté sur la vente des parcelles serait d’un apport appréciable pour les finances de l’Etat. D’abord du fait que le pays a des impératifs de sécurité, confronté qu’il est à une rébellion. Enfin, presque tout est à refaire. La mesure a du coup relancé la spéculation foncière que le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta a déclaré vouloir combattre au début de son mandat. Peut-être que l’agenda a changé. Le sait-on jamais. Puisque le chef aussi est englué dans des affaires de voiture Range Rover, de costumes de luxe voire de lunette avec un sulfureux corse du nom de Tomi. Les explications d’IBK ont été trop courtes pour être convaincantes.
Yattara Ibrahim