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Chef de file de l’opposition politique : Piège ou ingrédient pour la vitalité de la démocratie ?
Publié le jeudi 18 juin 2015  |  L’Indépendant
Conférence
© aBamako.com par André
Conférence de presse du candidat Soumaila Cissé
Bamako, le 13 Août 2013 à l`hôtel Salam. Le candidat de l`URD, Soumaila Cissé a tenu une conférence presse au cours de laquelle il a déclaré solennellement accepter les résultats que le gouvernement proclamera pour le 2è tour de la présidentielle.




Aux termes de la loi qui l'institue, le chef de file de l'opposition peut être consulté par le président de la République et/ou le Premier ministre sur les grands sujets de préoccupation nationale. Il peut même effectuer des missions ou faire partie des missions du président de la République. Il s'en suivra une grande proximité voire une complicité entre le chef de l'Etat et celui qui est censé incarner le contre-pouvoir de son régime. Un rôle bien difficile à jouer !

Le président de la République a informé, le 10 juin dernier, le Conseil des ministres de la nomination de l’honorable Soumaila Cissé en qualité de chef de file de l’opposition politique. Le décret fixant la composition et les avantages des membres du Cabinet du chef de file de l’opposition politique devrait être adopté lors d’un prochain Conseil des ministres. Mais avant l’entrée en fonction de ce Cabinet, des questions se posent quant à l’impact réel que cette institution aura sur la démocratie malienne.

Il faut rappeler d’abord que c’est la loi N°2015/ 007/du 4 mars 2015 portant statut de l’opposition politique qui est le fondement juridique de cette institutionnalisation du contre-pouvoir. Le texte dispose en son article 1er que » l’opposition a un statut juridique dans un cadre démocratique et pluraliste aux fins de contenir le débat politique dans les limites de la légalité « . Aussi, dans l’article 4, est-il indiqué que « l’opposition demeure un élément fondamental de la démocratie pluraliste, par conséquent à ce titre, elle est politiquement reconnue, juridiquement protégée et a également des droits et devoirs « .

Calmer le jeu politique

Il s’ensuit que l’esprit du texte est de parer à tout radicalisme qui ferait de l’opposition un élément pouvant conduire à des manifestations susceptibles d’entrainer des émeutes, voire des insurrections. Ainsi analysée, cette loi, à n’en point douter, constitue une avancée certaine pouvant contribuer à calmer le jeu politique, étant donné que l’opposant en chef a voix au chapitre.

En effet, désigné par le parti de l’opposition ayant le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale, le chef de file du contre-pouvoir au régime en place se considère comme une alternative au peuple, dans la perspective des nouvelles joutes électorales.

Or, la nouvelle loi lui confère non seulement des avantages liés à une forme de gouvernance de veille. Son Cabinet apparaît véritablement comme… » un département ministériel des contre-propositions « . Et ces contre-propositions doivent être soumises au président de la République et/ou au Premier ministre.

Ceux-ci peuvent s’en approprier donc pour améliorer la gouvernance. Ce qui affaiblit, par conséquent, la stature d’alternative crédible que cet opposant en chef détient par rapport aux grands sujets de la nation.

Conseiller occulte du président

En outre, l’on évoque l’hypothèse des invitations spéciales que le président de la République viendrait à adresser au chef de file de l’opposition afin de participer en sa compagnie à des conférences et rencontres à l’extérieur.

Il devient une sorte de consultant ou un conseiller occulte du chef de l’Etat. Il en naîtra une complicité réelle entre le détenteur du pouvoir et celui qui aspire à lui succéder. Un schéma compliqué pour cet opposant qui verrait l’électorat lui reprocher avoir quasiment cogéré le pays avec le chef de l’Etat en place.

Par ailleurs, consulté par les deux responsables de l’exécutif sur les sujets brûlants de la nation, le chef de file se retrouve plus ou moins redevable des actions menées par le président de la République et son Premier ministre. Ceux-ci évoqueront aisément son implication dans la gestion du pays.

De même, les responsables politiques du parti au pouvoir ne se feront pas prier pour crier sur tous les toits que ce porte-parole de l’opposition est associé à toutes les étapes de la gouvernance. Du coup, soutiendront-ils, il n’est plus du tout une alternative pour gérer le pays.

Un garde-fou pour

renforcer la démocratie

Enfin, bénéficiant d’avantages certains (environs 2 millions F CFA d’indemnités mensuelles, trois véhicules administratifs, etc) près de 2 milliards F CFA par an, murmure-t-on pour son Cabinet, comment cette personnalité, qui devrait dénoncer les dérives de la gouvernance, pourrait-elle le faire, elle qui aurait si bien bénéficié de certaines libéralités du président de la République ou de son Premier ministre ?

A titre illustratif, l’opposant en chef pourrait-il évoquer des marchés frauduleux dans lesquels son Cabinet aurait été…intéressé ? Ce sont là des questions qui méritent réflexion au moment où le décret d’application de cette loi est dans le circuit.

Il s’agit de prendre des dispositions pour qu’au-delà de l’honorable Soumaïla Cissé, la loi sur le chef de file de l’opposition soit renforcée avec des garde-fous afin que l’institution contribue à renforcer la démocratie en étant véritablement autonome. Plutôt que d’en faire une structure trompe-l’œil.

Bruno D SEGBEDJI
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