Depuis plusieurs mois, des informations distillées dans la presse font état de livraisons d’engrais frelatés aux paysans. Elles indexent de façon grossière le ministre du Développement Rural, Bocari Tréta, comme étant à l’origine de cette forfaiture.
Une véritable campagne médiatique a été lancée contre lui. Des associations des jeunes et de la société civile ont été mises à contribution pour tenter de souiller l’honneur d’un homme dont le seul tort est d’être l’homme fort du parti majoritaire, voire de la mouvance présidentielle.
Cela n’a pas suffit. Des députés ont été touchés pour porter haut le mensonge, la diffamation et lintoxication. Les premiers contactés ont décliné l’offre, mais finalement, elle a trouvé un preneur au sein du groupe parlementaire ADEMA, parti allié au RPM, mais jugé peu sincère dans ses rapports politiques. Il s’agit d’un député qui fréquente peu l’Assemblée nationale et qui assiste peu aux débats parlementaires: l’Honorable Bakary Koné de Koutiala.
Pour les besoins de la cause, il a été amené à écrire au Président de l’Assemblée Nationale, dans le cadre des questions orales, pour interpeller le ministre du Développement Rural, Bocari Tréta, sur les fameux engrais frelatés.
Dans ses nombreuses questions, il voulait savoir comment les marchés ont été attribués? Leurs montants? Leurs bénéficiaires…?
Malheureusement pour lui, le pot-aux-roses a été découvert, puisque tout le monde a rapidement su que c’était bien Toguna Agro-industries qui était à l’origine de ce branle-bas de combat.
Cette société, créée sous le régime défunt, et qui a amassé des milliards en un clin d’œil, dans les conditions que l’on sait, n’a pas compris que la situation a changé. Elle voulait obtenir le monopole de la production et de la livraison d’engrais au Mali, comme de par le passé.
Ses dirigeants refusent de comprendre que d’autres Maliens puissent également partager avec eux les 99 000 tonnes d’engrais complexe coton et les 37 000 tonnes d’engrais pour les céréales nécessaires à un bon déroulement de la présente campagne agricole. Car, 136 000 tonnes d’engrais, c’est le pactole! Toguna Agro-industries voulait pour lui seul tout le marché. Ce qui est inacceptable dans le contexte actuel.
Ce qu’il faut savoir, ce que les appels d’offres pour la fourniture des engrais ne sont pas lancés par le ministère du Développement Rural. En clair, ce n’est pas lui qui attribue les marchés. C’est un Groupement d’Intérêt Economique (GIE), dirigé par un Président, Bakary Togola, par ailleurs Président de l’APCAM, qui a en charge ce dossier.
Ce GIE a une Commission des Appels d’Offres compétente pour la fourniture des engrais. C’est elle qui gère tout le processus, jusqu’au paiement. C’est dire que le ministre Tréta ne «donne» aucun marché, contrairement à ce que l’on veut faire croire à l’opinion publique.
Ce GIE a attribué une quantité d’engrais à fournir à une quinzaine de sociétés: Afrique auto (4000 t), Agro Tropic (400 t), Ciwara (1500 t), OPA (11 000 t), GDCM (17 325 t), Mamadou Simpara (2 396 t), Partenaire agricole (4 000 t), SAD (1 500 t), Sangoye (1 060 t), Satracom (600 t), SMIAS (500 t), Sogefert (5 569 t), SOMADECO (21 000 t), Sapam (500 t), Souad distribution (2 340 t) et Toguna Agro-industries (25 310 t).
Comme vous le constatez, la dernière société, Toguna Agro-industries a obtenu la plus grande quantité d’engrais à livrer. Mais elle demeure insatisfaite et boulimique. C’est pourquoi, de façon peu loyale, elle prétend avoir fait des prélèvements sur les engrais de ses concurrents, qu’elle a fait analyser. A quel prix? Objectif: obtenir ce qu’elle veut parce que «les autres engrais sont frelatés». Voilà comment l’affaire des engrais dits frelatés est née au Mali.
Le document que Toguna Agro-industries a obtenu à l’issue de cette analyse commanditée a été distillé dans la presse et distribué à des agents de la sécurité d’Etat et à des hommes politiques, notamment des députés.
Ce qu’il faut également savoir à ce niveau, c’est que Toguna Agro-industries vend son engrais au Mali plus cher qu’en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Pour preuve, le Complexe coton coûte au Mali, 317 000 FCFA la tonne, prix unitaire TTC; au Burkina Faso, 305 000 FCFA la tonne, prix unitaire TTC; en Côte d’Ivoire, 260 000 FCFA la tonne, prix unitaire TTC.
Pourtant, voilà que c’est ce même Toguna Agro-industries, qui a remporté la part du lion, qui crée la zizanie, en pensant creuser un trou pour les autres. Mais la société se retrouve elle-même également dans ce gouffre, puisqu’au Burkina Faso comme en Côte d’Ivoire de sérieux doutes pèsent désormais sur les engrais livrés par les Maliens, notamment Toguna Agro-industries.
Dans son propre pays, Toguna Agro-industries a en outre osé livrer, sur 25 310 tonnes de Complexe coton, 411 tonnes hors normes (136 t à Kignan et 90 à la CMDT Bamako). Elle a donc été invitée à enlever le stock et à le remplacer, comme beaucoup d’autres sociétés.
Le Président du GIE, Bakary Togola, conformément aux cahiers de charges des appels d’offres au titre de la campagne 2015 / 2016, a fait procéder à des analyses contradictoires, qui ont confirmé que «certaines quantités d’engrais livrées par des fournisseurs sont non conformes à la norme». Par conséquent, le GIE a invité les intéressés à prendre les dispositions utiles pour leur retrait et leur remplacement.
Il s’agit de la société Souad distribution (95 t à Dioïla et 80 t à Fana), de la société Doucouré Partenaire SA (35 t à Kignan, 29 à Kimparana, 35 à Dioila, 28 à Fana, 58 à Kita, 109 à Bamako), de la société Partenaire agricole (98 t à Karangana), de la société Agro Tropic (70 t à l’OHVN et 53 à la CMDT BKO), de la société Afrique Auto (70 t à Kignan), de la société CIWARA SARL (37 t à Kignan et 80 à Kimparana), de la société SOPAM SARL (80 t à la CMDT Bamako), de la société SOMADECO (139 t à Bougouni, 180 t à Koutiala, 144 à Dioila et 42 à la CMDT Bamako), de la société SOGEFERT (100 t Sikasso), de la société SMIAS (26 t à la CMDT Bamako) et de la société SAD (94 t à la CMDT Bamako).
Depuis le 21 mai 2015, ces sociétés, qui ont livré des engrais hors normes, ont été invitées à les enlever et à les remplacer par d’autres, de bonne qualité, parce qu’il s’agissait sûrement d’une fraude savamment orchestrée.
Les fournisseurs qui se sont correctement exécutés ont été payés et les autres se sont vu défalquer de leurs factures la quantité d’engrais non conforme. Mais la rivalité entre opérateurs économiques en a fait une affaire d’Etat, au point qu’on en a voulu à un ministre qui n’avait rien à avoir avec ces marchés, en dehors du contrôle qualité, qui a été effectué. Alors, laissez Tréta tranquille! A suivre.
Chahana Takiou