Bamako - La France a promis lundi de peser de tout son poids pour le succès de l’accord de paix au Mali, qui reste suspendu au bon vouloir d’acteurs déchirés par des décennies d’antagonisme, deux ans après avoir mis fin au règne jihadiste sur le nord du pays.
Deux jours seulement après la signature par la rébellion à dominante touareg du Nord de l’accord de paix avec Bamako, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a fait le voyage pour montrer la détermination de la France à en garantir l’application.
"C’est un grand moment, même si demain c’est une nouvelle étape qui s’ouvre", a déclaré M. Le Drian à l’issue d’un entretien avec le président malien Ibrahim Boubacar Keïta.
"La France, avec la communauté internationale, veillera à ce que le déroulé (de suivi de l’accord, ndlr) se passe bien. Elle est au service de l’accord", a-t-il ajouté.
Avec 1.350 soldats déployés au Mali dans le cadre de sa force Barkhane, qui opère sur cinq pays du Sahel (soit 3.000 hommes au total), la France constitue le fer de lance de la lutte contre les groupes jihadistes dans la région.
"Elle se maintient, elle reste là telle qu’elle est", a assuré le ministre, coupant court aux interrogations sur son éventuelle réduction après la signature de l’accord, "parce que des groupes terroristes continuent à exister".
Illustration de cette menace, le site privé mauritanien Sahara Médias a affirmé avoir reçu dimanche une vidéo d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) montrant deux otages du groupe jihadiste, un Sud-Africain et un Suédois, enlevés en novembre 2011 dans le nord du Mali.
"L’effort que nous portons auprès de nos partenaires doit se poursuivre", avait auparavant insisté M. Le Drian devant les forces françaises stationnées à Gao (nord).
- ’Resserrer les liens avec la Minusma’ -
Paris veillera aussi au respect du volet politique de l’accord, qui prévoit à la fois une décentralisation au profit du Nord et la démobilisation des groupes rebelles qui intègreront en partie l’armée malienne.
"Il faut pousser politiquement pour la mise en oeuvre de l’accord, ne pas lâcher", relève-t-on dans l’entourage du ministre.
Le pouvoir central, basé dans le Sud, est historiquement très attaché à la centralisation face aux revendications autonomistes, voire séparatistes, des minorités, notamment touareg, du Nord.
En vertu de l’accord, les mouvements rebelles vont établir des listes de combattants - estimés à plusieurs milliers - qui seront cantonnés dans des camps et ensuite démobilisés puis intégrés en priorité aux forces armées redéployées dans le Nord.
Les groupes pro-gouvernementaux vont aussi devoir rentrer dans le rang, notamment le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), qui "doit clarifier sa nature: dans les forces armées maliennes ou à l’extérieur", précise-t-on de même source.
Les frontières sont en outre souvent poreuses entre les groupes armés signataires de l’accord, les jihadistes et les trafiquants en tous genres (armes, drogue, cigarettes) qui écument la région.
"Il y aura beaucoup de vigilance sur le respect de cet accord, que ce soit du côté de la France, de l’Algérie ou de l’ONU. Tout le monde aura à coeur d’éviter que quelques +spoilers+ viennent gâcher la fête", souligne-t-on.
Concrètement, la France va accroître son soutien militaire à la Mission de l’ONU au Mali (Minusma - 11.000 soldats et policiers), cible de nombreuses attaques mortelles ces derniers mois. L’armée malienne reste de son côté faible, peu formée et quasiment absente du Nord.
"L’échec de la Minusma serait aussi notre échec", a déclaré M. Le Drian.
"Il faut que les liens entre la Minusma et Barkhane soient plus resserrés", a-t-il ajouté.
La France va ainsi porter à une dizaine le nombre de ses officiers affectés à l’état-major de la Minusma, et demander à d’autres pays européens de l’imiter.
Il s’agit d’accroître les interactions, d’encourager les Casques bleus à augmenter leur présence sur le terrain, indique-t-on de source militaire française. "Il faut redonner de l’assurance", relève une autre source française.
Paris ne manquera pas non plus de rappeler au président Keïta ses engagements. "Les Maliens ont une chance de régler une question qui se pose depuis l’indépendance", avec la force de l’ONU et "une mobilisation plus importante des bailleurs de fonds en perspective", selon l’entourage du ministre français.
"Pour l’avenir il y a encore beaucoup de travail à faire ensemble", a concédé le ministre malien de la Défense, Tieman Hubert Coulibaly.
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