La France a promis lundi de peser de tout son poids pour le succès de l’accord de paix au Mali, qui reste suspendu au bon vouloir d’acteurs séparés par des décennies d’antagonisme, deux ans après avoir mis fin au règne jihadiste sur le nord du pays.
Deux jours seulement après la signature par la rébellion à dominante touareg du Nord de l’accord de paix avec le pouvoir central, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a fait le voyage pour montrer la détermination de la France à en garantir l’application.
« Aujourd’hui, la perspective d’une unité retrouvée, et retrouvée de manière pacifique, s’ouvre devant nous. C’est une grande fierté pour la France que d’avoir participé au retour à l’unité d’un pays ami », a-t-il déclaré devant les forces françaises stationnées à Gao (nord) avant de rencontrer le président malien Ibrahim Boubacar Keïta à Bamako.
Les succès enregistrés contre les jihadistes et pour la paix « ne doivent cependant pas nous faire baisser la garde. L’effort que nous portons auprès de nos partenaires doit se poursuivre », a ajouté Jean-Yves Le Drian.
Avec 1.350 soldats déployés au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane (sur un total de 3.000), qui opère sur cinq pays du Sahel, la France constitue le fer de lance de la lutte contre les groupes jihadistes.
Elle veillera aussi au respect du volet politique de l’accord, qui prévoit à la fois une décentralisation au profit du Nord et la démobilisation des groupes rebelles qui intègreront en partie l’armée malienne.
« Il faut pousser politiquement pour la mise en oeuvre de l’accord, ne pas lâcher », relève-t-on dans l’entourage du ministre.
Le pouvoir central, basé dans le Sud est historiquement très attaché à la centralisation face aux revendications autonomistes, voire séparatistes, des minorités, notamment touareg, du Nord.
L’accord vise à « parvenir à une solution juste et durable à un conflit qui perdure depuis 1963″, a rappelé samedi au nom de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, rébellion) Mahamadou Djeri Maïga, juste avant la signature.
« Nous n’avons pas pris les armes par préoccupation capricieuse », a-t-il affirmé, « nous les avons prises parce que excédés dans tous les domaines de notre existence ».
– « Redonner de l’assurance » à l’ONU –
Les mouvements rebelles vont établir des listes de combattants qui seront cantonnés dans des camps et seront ensuite démobilisés puis intégrés, en partie, dans les forces armées.
Les groupes pro-gouvernementaux vont aussi devoir rentrer dans le rang, notamment le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), qui « doit clarifier sa nature: dans les forces armées maliennes, ou à l’extérieur », précise-t-on dans l’entourage du ministre.
Les frontières sont en outre souvent poreuses entre les groupes armés signataires de l’accord, les jihadistes et les trafiquants en tous genres (armes, drogue, cigarettes) qui écument la région.
« Chacun va devoir faire preuve de sa bonne foi. Mais il y aura beaucoup de vigilance sur le respect de cet accord, que ce soit la France, l’Algérie ou l’ONU. Tout le monde aura à coeur d’éviter que quelques +spoilers+ viennent gâcher la fête », souligne-t-on au ministère de la Défense.
Concrètement, la France va accroître son soutien militaire à la Mission de l’ONU au Mali (Minusma – 11.000 soldats et policiers), cible de nombreuses attaques mortelles ces derniers mois et qui peine encore à s’imposer sur le terrain. L’armée malienne reste de son côté faible, peu formée et quasiment absente du Nord.
« L’échec de la Minusma serait aussi notre échec. Mais notre succès est lié à son succès », a déclaré Jean-Yves Le Drian à Gao.
La France va ainsi porter à une dizaine le nombre de ses officiers affectés à l’état-major de la Minusma ou à la liaison auprès de la force onusienne, et demander à d’autres pays européens de l’imiter.
Il s’agit d’accroître les interactions entre la Minusma et Barkhane, d’encourager les Casques bleus à augmenter leur présence sur le terrain, indique-t-on de source militaire française. « Il faut redonner de l’assurance », relève une autre source française.
Paris ne manquera pas non plus de rappeler au président Keïta ses engagements. « Les Maliens ont une chance de régler une question qui se pose depuis l’indépendance. Ils ont 10.000 soldats de la Minusma pour les y aider et une mobilisation plus importante des bailleurs de fonds en perspective », note-t-on dans l’entourage du ministre.
AFP