LE 20 JUIN, GRANDE A ETE LA JOIE DE REVOIR DES FRERES retourner à la norme démocratique et rembarrer, on l’espère pour de bon, le fusil. A Bamako, malgré les colères et les déceptions récentes, nombre de ces frères ont pu faire des emplettes sans être insultés. D’autres sont tombés dans les bras de leurs amis. Nul doute, ces frères doivent aujourd’hui plus qu’hier, apprécier la magnanimité de ce peuple.
Aujourd’hui plus qu’hier, ils doivent réaliser que les barrières invoquées sont factices et qu’un peuple qui veut être ensemble le peut. Mais l'accord n’est qu’un papier. Il doit être traduit en actes. Certaines de ces dispositions -notamment sécuritaires sont pour tout de suite. D'autres, parce qu'elles doivent être conformes à la constitution attendront une révision de la constitution par le parlement, le quitus référendaire et la promulgation par le président de la République.
Dans le même temps, il faudra obtenir des ressources sans précédent pour le développement du Nord. N'ayons pas peur du mot: un Plan Marshall ni plus ni moins si l'on veut que le Nord où les opportunités d'emploi de la jeunesse sont encore plus faibles qu'au Sud cesse d'être un réservoir de main-d'oeuvre pour le crime organisé. La mise en oeuvre de l'accord sera donc bien plus ardue que les péripéties de sa signature. Pour trois raisons.
D'ABORD, L'ACCORD LUI-MEME EST COMPLEXE ET DELICAT: il lui faudra franchir l'étape de la vraie explication qui est totalement différente des applaudissements provoqués pour affronter le test de l'appropriation via la Conférence nationale prévue et le référendum obligé. Donc le temps du débat n'est pas épuisé. Ensuite, s'il est compréhensible d'investir massivement dans le Nord dans l'espoir de le ramener dans un cercle vertueux, le mouvement de développement que déclenchera l'application de l'accord n'a de chance d'être adoubé que s'il est national.
Des populations entières de régions méridionales tirent le diable par la queue, se nourrissent de cueillette en période de soudure et regardent les bras valides déserter les champs pour d'hypothétiques migrations. La vérité est que l'Etat s'arrête au péage de Yirimadio comme l'a dit une bouche amère. Troisième raison: quelle que soit la générosité de ce pays, il est impossible d'imaginer un fonctionnement fluide pour le Comité de Suivi justement crée par l'accord avec une "sanctuarisation" des membres même avant les termes de référence précis de cette structure.
On sait que sa présidence est théoriquement assurée par l'Algérie. Par contre, nul ne sait ce que concrètement cette responsabilité comporte. Et cela était d'autant plus important à anticiper que l'accord est d'envergure et d'application nationale. Boutef dans le Tanezrouft ou de le Timetrine, ça passe. Mais boutef au guidimakan ou dans le kenedougou? Question valable pour tous les pays membres de cet accord de suivi.
DONC, OBLIGATION SAUF HUMILIATION PROGRAMMEE DU MALI, donc de l'échec du processus de paix, de valider au plus vite le rôle et la place de chacun dans ladite structure. Mais l'anticipation, disons-le, réduira mais ne gommera pas l'asymétrie caractéristique du processus où ce sont, curieusement, les chefs de diplomatie qui s'occupent de questions de stabilité intérieure. Quatrième raison: la mise en oeuvre efficiente de l'accord sera la résultante de la compétence globale du gouvernement, de l'Etat et des collectivités.
Car les articles de l'accord s'imbriquent, car le train de mesures institutionnelles ou développementales qu'il induit font exploser ou renaître le pays, le gouvernement ne peut pas être un archipel de Premiers ministres mais une équipe. De celle-ci, l’indicateur de performance ne peut pas être la taille mais la cohésion, la fluidité. Le gouvernement de l’enjeu est une somme, celle des talents et des synergies et pas un catalogue d'individualités.
Or nous sommes dramatiquement mauvais quand il s'agit de rationaliser - exemple un ministère prend la reconstruction du Nord et un autre la réconciliation alors que l'économie d'échelle doit être la règle-. Et c'est souvent que notre coeur prend le pas sur l'esprit. Nous traînons une tare : celle d’être peu performants quand il s’agit d’appliquer les bons process et de conduire les bonnes réflexions. Le Mali ne doit pas être seulement sur nos lèvres.
Le Mali est une carte avec ses vies, ses réalités et ses valeurs. La carte est désormais à plus verdir y compris sur ses tristes flaques de sang. Elle est à désormais surveiller dans ses moindres lézardes. Et elle est à transmettre à la postérité, intacte dans ses limites et se tenant droit parmi ses pairs. Le défi est alors celui de la sincérité et de l’efficacité. Celles-ci ne se proclament pas, elles se constatent.
Adam Thiam