La crise au Mali depuis 2012 a donné lieu à de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. C’est dans ce contexte que nombreuses étaient les initiatives entreprises depuis 2012 visant à amorcer le processus de justice transitionnelle au Mali afin que ces crimes ne puissent rester impunis. Parmi ces initiatives, la tenue hier lundi 29 juin 2015 au Cicb, de la ‘’conférence internationale sur le rôle et la complémentarité des différents mécanismes dans le processus de la justice transitionnelle’’, organisée par la Division des droits de l’homme de la Minusma en partenariat avec le gouvernement malien. L’un des objectifs de cette conférence est de mener une réflexion, tout à la fois politique, conceptuelle et pratique, sur les enjeux de la justice transitionnelle au Mali.
La MINUSMA condamne l’attaque terroriste contre les forces armées et de sécurité du Mali à MisséniLe sujet est d’un intérêt particulier et surtout d’une actualité brulante à la sortie de la crise multidimensionnelle que vient de traverser notre pays. Et les personnalités présentes à la cérémonie d’ouverture présidée par le ministre de la justice, Mahamadou Diarra traduisaient cet intérêt. On notait aussi la présence du ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed, du représentant spécial adjoint du Secrétaire général chargé des questions politiques Arnauld Akodjénou et du Directeur de la Division des droits de l’homme de la Minusma, Guillaume Ngefa, le procureur général Daniel Tessougué, les députés Alkaïdi M Touré et Oumar Mariko, l’ancien directeur de cabinet de la primature, Abraham Bengaly, les juristes, les organisations de la société civile, les éléments de la plateforme et de la Coordination des mouvements de l’Azawad (Cma) et de nombreuses autres personnalités. Durant trois jours, les 80 participants de cette conférence vont mener des réflexions sur la justice transitionnelle qui se veut un cadre indéniable pour la réconciliation nationale au Mali. « la justice transitionnelle qui désigne une approche compréhensive et multiforme, à la fois judiciaire et non judiciaire, intégrant l’établissement des responsabilités pénales, la recherche de la vérité, les programmes de réparations, les reformes des institutions et les politiques de mémoire, est en effet un élément essentiel pour le rétablissement d’une paix durable et pour la réconciliation nationale », c’est par ces mot que le directeur de la Division des droits de l’homme de la Minusma, Guillaume N’Gefa a commencé son allocution. Avant d’ajouter que la lutte contre l’impunité, sous toutes ses formes, la condition d’une paix durable et la réconciliation, prévue par les accords de paix ne saurait advenir qu’au terme d’un processus complet de recevabilité d’établissement de la vérité, et de réparations pour les victimes du passé. A l’en croire, l’Accord de Ouagadougou du 18 juin 2013 avait déjà consacré le principe de la lutte contre l’impunité et l’obligation de rendre des comptes pour les crimes du passé. Et de poursuivre que d’autres éléments sont aussi à considérer, notamment l’octroi de réparation monétaires et symboliques pour les victimes des violations les plus graves, ou encore l’inclusion de pratiques coutumières ou religieuses de règlement des conflits au processus de justice transitionnelle. Guillaume N’Gefa a fait savoir que conformément aux normes et standards internationaux, la justice transitionnelle doit inclure en effet, de manière coordonnée et holistique, les quatre piliers que sont la recevabilité, la recherche de la vérité, les réparations et les garanties de non-répétition. « Seule une stratégie complète et conforme aux normes et standards internationaux fera de la justice transitionnelle une garantie réelle pour la stabilité future du Mali, et une réelle alternative au cycle sans fin de la vengeance », a-t-il dit. Enfin, il a indiqué que cette conférence vise non seulement à présenter et familiariser les participants aux notions et aux principes de la justice transitionnelle mais aussi à soutenir un échange sur les outils pratiques pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie nationale pour la justice transitionnelle au Mali. Pour sa part, le représentant spécial de la Cedeao, Cheaka A Touré a fait savoir que la justice est une des conditions sine qua non de la réconciliation en ce qu’elle permet d’identifier les auteurs des faits, de les traduire devant les juridictions compétentes nationales ou internationales, de les sanctionner le cas échéant si leur culpabilité est reconnue, et enfin d’offrir une réparation aux victimes. C’est à cette condition, dit-il, que les populations peuvent entamer le processus de pardon qui est nécessaire à une véritable réconciliation. En outre, il a mis l’accent sur l’indépendance, la crédibilité et l’impartialité de la justice transitionnelle. « Le Mali a résolument choisi le chemin de la paix et de la réconciliation nationale en prenant en compte la nécessité de mettre en place le cadre formel d’une justice transitionnelle dont la volonté politique a été manifestée par la création de la commission vérité justice et réconciliation qui devra jouer un rôle central dans le processus de réconciliation nationale. Bien sûr, beaucoup d’embuches jalonneront le long chemin de la réconciliation par le biais de la justice transitionnelle au Mali », a-t-il conclu.
La clef de voûte de l’accord
Quant au représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies au Mali, Arnauld Akodjénou, dans le cadre de la mise œuvre de l’Accorde de paix, la justice transitionnelle représente une des clefs de voûte essentielle. « C’est dire l’importance que revêt la justice transitionnelle, qui ne s’oppose ni à la justice formelle, ni à la justice traditionnelle. Elle s’inscrit en complément, en synergie dans un système plus large qui englobe des mécanismes aussi bien judiciaires que non judiciaires. Ce solide ancrage aux droits de l’homme est impératif et doit prévenir toute tentative de politisation qui mènerait inéluctablement à un échec patent du processus», a-t-il dit. Aux dires du ministre de la justice et des droits de l’homme, garde des sceaux, le PM Modibo Keïta a réaffirmé dans la déclaration de politique générale que «le gouvernement entend mettre en place une justice transitionnelle qui vise à concilier le besoin de justice avec l’exigence d’une paix durable, en vue de parvenir à une véritable réconciliation nationale ». Enfin, le ministre a défini la justice transitionnelle comme étant l’ensemble des divers processus et mécanismes, judiciaires et non judiciaires, mis en œuvre par un pays, sortant d’un conflit ou d’un régime de dictature, pour tenter de faire face aux violations massives des droits de l’homme commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation nationale.
Aguibou Sogodogo