«La MINUSMA, suivant son mandat, ne répond pas aux préoccupations des Maliens» «Il y a un laisser aller de la part de la MINUSMA à Kidal»
«La MINUSMA, suivant son mandat, ne répond pas aux préoccupations des Maliens»
«Il y a un laisser aller de la part de la MINUSMA à Kidal»
Ménaka : Le dilemme de la Minusma
Des soldats de la Minusma dans le nord du Mali. © AFP
Rarement les préoccupations des populations maliennes ont retenti à l’Assemblée nationale comme ce fut le cas le mardi 30 juin dernier Place de la République. En effet, les députés se sont fait les porte-paroles du peuple du Mali pour dénoncer le comportement de la MINUSMA dans le processus de sortie de crise. Ce fut un véritable récital de coups de gueule à l’endroit de la mission onusienne.
C’était à l’occasion d’une séance de présentation de son mandat à l’Assemblée nationale, première du genre depuis l’installation de la MINUSMA au Mali. Cette séance, présidée par le 1er Vice-Président de l’Assemblée nationale, Mamadou Tounkara, a regroupé les députés des 4 groupes parlementaires Place de la République à Bagadadji. Ils étaient tous là, curieux de connaitre le mandat de la MINUSMA. Mais, très vite, la rencontre a tourné au procès de la MINUSMA, très critiquée dans l’opinion au Mali.
«La MINUSMA étant une opération de maintien de la paix, je voudrais insister sur le caractère unique de ce type d’opération. Son action se limite à conduire des patrouilles, surveiller le respect du cessez-le-feu et vérifier la mise en œuvre des arrangements sécuritaires. La MINUSMA n’est pas mandatée pour faire usage de la force. Cet usage ne peut intervenir qu’en cas de danger imminent contre la MINUSMA ou les civils.
Notre mandat ne nous donne pas la possibilité de conduire des opérations conjointes avec les forces armées maliennes. En outre, il ne nous permet pas non plus de lutter contre les groupes jihadistes et terroristes, une mission confiée par le Conseil de sécurité à la force française Barkhane». Cette déclaration du Chef adjoint de la MINUSMA, Arnauld Akodjenou, a eu l’avantage d’éclairer les lanternes des députés.
Mais elle a également suscité le courroux des élus de la Nation contre la mission onusienne de maintien de la paix au Mali. Tour à tour, chaque intervenant, tout en reconnaissant ses efforts dans le processus de sortie de crise au Mali, a dénoncé l’inaction et le parti pris de la MINUSMA.
Le premier intervenant, le 1er Questeur de l’Assemblée nationale, l’Honorable Mamadou Diarrassouba, député élu à Dioïla, a interrogé la MINUSMA en ces termes: «quelle est la crise, dites-nous une seule crise, que les Nations unies ont résolue dans le monde. Si la MINUSMA refuse de tirer sur les jihadistes, les gens qui ne veulent pas la paix, comment a–telle a pu tirer sur les jeunes de Gao? La confiance entre le Mali et la MINUSMA a pris un grand coup. Comment instaurer cette confiance?».
De son côté, l’Honorable Dédeou Traoré, élu à Niafunké, a fait savoir que les députés du Nord sont quotidiennement interpellés par leurs populations pour savoir pourquoi la MINUSMA est là. «Vous dites que vous ne tirez pas sur les terroristes, comment comptez-vous protéger les populations sans agir? Comment assurer la protection des agents de l’Etat, dans le cadre de la restauration de l’Etat. L’exemple c’est Goundam, où le préfet a été tué au nez et à la barbe des forces de la MINUSMA, sans qu’elles agissent. Kidal est-il devenu un Etat dans un Etat? Comment gérer ce cas?», s’est-il interrogé.
Pour sa part, l’Honorable Bakary Fomba, élu à Dioïla, a plaidé qu’il était temps d’opérer des réformes au niveau des Nations Unies. «La MINUSMA, suivant son mandat, ne répond pas aux préoccupations des Maliens. S’il y a un autre mandat, pour faire la guerre, c’est de cela dont le Mali a besoin. Vous avez dit que le Mali est face à son destin. Alors, s’il doit assurer sa sécurité, qu’on ne l’empêche pas de le faire», a-t-il déclaré. Au fur et à mesure, les débats étaient rythmés de dénonciations du comportement de l’organisation onusienne au Mali. Et les propos donnaient l’impression de venir directement de la bouche du peuple malien.
Ce fut le cas du député élu à Kidal, Ahmoudène Ag Iknass, qui a invité la représentation de l’ONU au Mali à changer de comportement. «Si la MINUSMA ne change pas de comportement, on ne s’en sortira pas. Il y a un laisser aller de la part de la MINUSMA à Kidal. Elle laisser les séparatistes faire tout ce qu’ils veulent. Les soldats de la MINUSMA ne faisaient aucune fouille des véhicules qui entraient et qui sortaient. La MINUSMA n’a pas été impartiale. Il faut que cela change.
Un jour, dans notre quartier, nous avons été harcelés par les éléments du MNLA, parce que nous sommes pro-Maliens. Des éléments de la MINUSMA étaient là, seulement pour faire des photos», a-t-il déploré.
De son côté, l’Honorable Idrissa Sankaré, élu à Bankass, a déploré la manière dont l’ONU dressait ses rapports. «On se débrouille toujours pour mettre l’armée malienne en cause, alors qu’on ne nous a jamais montré de preuve», a-t-il regretté. A sa suite, l’Honorable Issa Togo, élu à Koro, a déclaré que si l’on résolvait le problème des jihadistes et celui des narcotraficants, le Mali n’aurait plus aucun problème. «Le problème, c’est eux. Il n’y a pas de démarcation possible entre le MNLA, le HCUA, le MAA, etc … les jihadistes. Nous vous invitons à vous engager aux côtés du Mali. La MINUSMA n’a pas été juste. Si vous êtes venus pour régler le problème, faites-le, au lieu d’en rajouter», a-t-il martelé.
Visiblement très atteint par ces propos, le Chef adjoint de la MINUSMA n’a pas pu cacher son malaise. «L’ONU, c’est nous, c’est vous. Il y a un idéal à défendre», a-t-il déclaré, avant de s’engager à corriger ces imperfections et à travailler dans la neutralité et l’impartialité.
Youssouf Diallo