Les acteurs de la crise sociopolitique et sécuritaire du Mali continuent d’être divisés sur des questions majeures comme l’organisation des assises nationales des forces vives de la nation. Ils ne semblent avoir des vues convergentes qu’autour de la nécessité de recouvrer dans les plus brefs délais l’intégrité territoriale du pays. C’est pourquoi des voix s’élèvent pour demander, au jour J moins cinq, de ranger ces assises de la division dans les placards.
Après avoir été reportées à plusieurs reprises, les concertations nationales vont-elles finir par se tenir les 11, 12 et 13 décembre prochains ? La question meuble les discussions dans Bamako. Plusieurs observateurs jugent aujourd’hui inopportunes ces assises ; au motif qu’elles exacerberont des antagonismes qui sont en train de se dissiper au sein des forces vives du pays. Si le FDR tient à renforcer l’ordre constitutionnel auquel le pays est laborieusement parvenu, la COPAM veut mordicus aller à un régime d’exception, pour mener la transition vers un nouveau régime politique. C’est pourquoi la commission d’organisation des assises, que dirige le Directeur de Cabinet du Premier ministre, Pr Oumar Kanouté, tient aussi à conserver les deux schémas institutionnels prévus. Le schéma 1 pour compléter les institutions existantes. Le schéma 2 avec deux variantes : la « variante classique » propose deux organes, le Conseil national de transition et le chef de l’Etat; la « variante réaménagée » suggère la création du Haut conseil d’Etat et du Conseil national de transition. Les responsables du FDR exigent que le schéma 2 soit simplement ôté du document. Le président de la République par intérim a aussi demandé à la commission d’organisation d’écarter cette deuxième hypothèse des discussions prévues au menu des assises. Ce que Pr Kanouté et ses amis n’ont pas fait au motif qu’en le faisant, la COPAM (les pro-putschistes en général) aussi refusera de participer à la rencontre.
Comme on le voit, les potentiels participants à la rencontre ne s’accordent toujours pas sur l’ordre du jour de ce forum de trois jours dont le budget estimatif est évalué à près de 80 millions de nos francs. Si la COPAM a fini par accepter que ces assises ne soient pas souveraines, elle tient en revanche à la possibilité « pour le peuple souverain réuni à cette occasion « de débarquer le Premier ministre Cheick Modibo Diarra et le président de la République par intérim « pour mettre en place un dispositif véritablement transitoire en vue d’aller à la reconquête du Nord et organiser les premières élections libres, transparentes et démocratiques au Mali », commente un cadre de la COPAM.
S’il est souhaitable que le peuple malien évolue aujourd’hui au plan institutionnel sur un minimum de consensus pour sortir de la crise, ce n’est pas par l’organisation de ces concertations qu’on retrouvera ce modus vivendi dont le pays a besoin, chaque camp campant sur sa position.
D’où la nécessité, à défaut de ranger le projet d’organisation de ce forum dans les oubliettes, se résoudre courageusement à ne les tenir qu’après la libération du Nord. Comme l’a suggéré l’ADPS du Dr Soumana Sako. Cette analyse est corroborée par la déclaration du Bureau de l’Assemblée nationale à l’issue de sa réunion extraordinaire du mardi 4 décembre. « L’Assemblée Nationale souhaite, à un moment où les 2/3 du territoire national sont occupés, que lesdites concertations – si elles doivent se tenir- se déroulent dans des conditions et autour d’un ordre du jour acceptés et partagés par toutes les forces vives de la Nation « . Ce qui est impossible aujourd’hui tant les antagonismes sont profonds.
L’Hémicycle, poursuit cette déclaration, « au regard des énormes risques pesant sur la cohésion nationale et la crédibilité des autorités nationales devant la communauté internationale, rappelle que ces concertations doivent viser à renforcer les organes de la transition pour atteindre l’objectif essentiel autour duquel tous les fils du pays doivent s’accorder en ces moments extrêmement difficiles de la vie nationale à savoir, la libération des régions du Nord et le retour à l’ordre constitutionnel normal à travers l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes« .
Au total, ces assises devraient permettre aux participants de se prononcer sur la feuille de route de la transition et sur les propositions faites par le président de la République par intérim dans son message à la nation du 29 juillet 2012. Or, le Premier ministre annonçait récemment que la feuille sera bientôt transmise à l’Assemblée nationale pour son examen.
Et le chef de l’Etat dispose pourtant de prérogatives constitutionnelles pour créer, par décret, les organes qu’il faut, notamment la Commission nationale aux négociations (CNN). Mais, certains acteurs politiques sont hostiles à cette option pour… insuffisance de légitimité du président intérimaire.
En effet, la diplomatie est ce que les juristes appellent « un domaine réservé avec pouvoir discrétionnaire » du président de la République. Et cela, le « Premier ministre de pleins pouvoirs » doit l’inscrire définitivement dans son livre de chevet. Lui qui n’aurait pas mandaté la délégation malienne, partie à Ouaga pour rencontrer les bandits armés le mardi 4décembre dernier! Que Dieu garde le Mali !