Tout porte à croire que l’ancien ministre de la santé, Oumar Ibrahima Touré, sera acquitté à l’issue du procès des détournements du Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. En tout cas, tout au long des débats, aucun des accusés n’a l’a chargé.
Et mieux, la partie civile, représentée par le Conseiller technique du ministère de la Santé, chargé des questions institutionnelles et juridiques a affirmé que les équipements médicaux, objets des deux marchés litigieux, ayant été livrés, que son service n’a pas suivi de préjudices reprochables à Oumar Ibrahima Touré. En effet, l’ancien ministre de la Santé était accusé «de favoritismes dans l’attribution deux marchés de fournitures de matériels médicaux et du détournement pour un montant de 299 420 000 F CFA». Les enquêteurs du Fonds Mondial ont estimé que c’est «l’ancien ministre de la Santé qui est le principal signataire (autorité contractante) du contrat liant le Programme National de Lutte contre la Tuberculose à la société AKAMA‑SA dans les marchés N‑0261DGMP/2009 (75.850.OOOF CFA) et N‑ 0741/DGMP/2009 (223.570.00 OF CFA)». Ces marchés avaient été passés sous le prétexte de l’urgence. L’inspecteur du fonds a supposé que c’était en fait un moyen de dilapider les fonds publics. Il ressort de l’arrêt de renvoi que les marchés ont été accordés à AKAM-SA par entente directe sans que la partie contractante n’énumère les équipements et les produits dont elle a besoin dans son laboratoire. L’arrêt ajoute que c’est plutôt le fournisseur (AKAMA‑SA) auquel les marchés ont été attribués qui a dressé une liste des équipements et produits et fixé les prix. La partie contractante a accepté sans discuter ces prix et payé le fournisseur en violation des règles du code des marchés publics. Il apparaît également que le service bénéficiaire en l’occurrence le Programme National de Lutte contre la Tuberculose n’a pas fait de commande en urgence. Ce haut responsable de l’Etat a ainsi manqué de sens de responsabilité pour contrôler, par lui-même, une sortie d’argent ayant causé un grand préjudice à l’Etat malien. L’inspecteur a estimé que c’est un manque de vigilance assimilable à une négligence coupable, toute chose qui ne saurait écarter sa responsabilité pénale pour atteinte aux biens publics d’un montant de 299 420 000 F CFA et délit de favoritisme.
A la barre, aucun des accusés n’a fait cas de l’implication de l’ancien ministre Touré dans la gestion de ces deux marchés. Bien avant son intervention, l’ancien Directeur administratif et financier du ministère de la santé, Ousmane Diarra, aussi accusé des mêmes faits reprochés Oumar Touré, avait expliqué le processus de passation des marchés publics: «D’abord la Direction nationale de la santé exprime ses besoins par une lettre adressée à la DAF. Cette lettre est reçue à la division approvisionnement de la DAF qui l’examine pour former le marché et suggère au Directeur administratif et financier le genre de marché qui sied. C’est quand le marché est constitué que la DAF envoie à la Direction générale des marchés publics et des délégations de services publics pour approbation. Quand elle trouve que le marché est bon, elle autorise sa conclusion en l’envoyant à la DAF. Quand il arrive à notre niveau, c’est en ce moment que nous envoyons au contrôleur financier pour vérifier les pièces et s’il correspond aux crédits disponibles. Lui aussi après vérification, il l’envoie au conseiller technique du ministre, chargé des questions économiques et financières. A son niveau, il procède également à la vérification, s’il n’y a pas de problème, il met «bon à signer ou n’appelle pas d’observation de la part du ministre». C’est en ce moment le ministre signe le marché et son exécution commence. Je crois que ces deux marchés ont observé toutes étapes et on n’y a jamais signalé de problèmes à ma connaissance». Le Directeur administratif et financier a aussi expliqué que c’est l’urgence invoquée par le PNLT qui a fait que ces deux marchés ont été passés par entende directe. Il a également déclaré que le gré à gré n’est pas contraire aux dispositions à notre Code des marchés publics. Pour preuve, il a martelé que le Conseil des ministres a souvent passé par entende directe des marchés d’une valeur de plusieurs milliards de F CFA. Avant de dire que, pour lui, ces derniers n’ont pas été passés dans les conditions douteuses.
Concernant le délit de favoritisme reproché au ministre, il a déclaré à son tour qu’il ne connaissait pas AKAMA-SA. Son intention n’était donc pas de favoriser cette société. Pour la petite histoire, le ministre Touré a rappelé que le gros de notre pays est l’utilisation des financements extérieurs. Il a précisé que le Mali n’utilise pas 80% de ces financements extérieurs. C’est pourquoi, dès qu’il a pris fonction il a instruit à ces agents de tout faire pour utiliser ces fonds. C’est pour cette raison, qu’il a déclaré à la cour ne pas douter de la moralité de ces marchés. Que ses agents ont eu pour souci de sauver le Mali et ses populations. Oumar Ibrahima Touré a déploré le fait qu’il n’a jamais reçu l’Inspecteur du Fonds Mondial pour l’entendre. Selon le ministre, il est venu faire son rapport, on dirait quelqu’un qui était en mission. «Au moment opportun, on verra les gens qui sont à la base et quels étaient les visées de cette mission. En ce qui concerne le comptable principal du Fonds Mondial, c’est nous-mêmes qui sommes à l’origine de son interpellation», a-t-il rappelé.
Mais c’est surtout de la partie civile, notamment le conseiller technique, agissant au nom du ministère, qui a presque blanchi le ministre dans cette affaire. Il a déclaré que le besoin exprimé a déjà été satisfait. Donc, que son département n’a subi du fait de la conclusion de ces marchés litigieux. Mais rien n’est moins sûr, attendons son délibéré.