Les participants à la cérémonie de signature du «Manifeste pour la nation» ont profité de l’occasion pour demander au gouvernement de publier en toute transparence les termes de référence des concertations nationales. A leurs dires, ces assises sont organisées dans le flou le plus total, personne ne connaissant les thèmes qui doivent être débattus. Or, le gouvernement semble maintenir son calendrier.
En effet, les concertations se tiendront en principe les 11, 12 et 13 décembre à Bamako. Mais déjà, elles semblent vouées à l’échec. Outre le fait qu’il serait extrêmement difficile de débattre de grandes questions nationales en seulement trois jours par des participants qui n’ont pas eu connaissance au préalable des termes de référence et des thèmes à débattre, nombreux regroupements sociopolitiques manqueront à l’appel. Ce qui jouera forcément sur la qualité de la participation donc des travaux. Le Fdr (Front de sauvegarde de la démocratie et de la République) a déjà fait connaitre depuis longtemps sa position: il ne participera pas. Or ce regroupement compte deux des plus grands partis politiques du pays, en termes d’élus locaux, nationaux et parlementaires, à savoir l’Adéma, dont le président est également le chef de l’Etat par intérim, et l’Urd. Il est presque certain que si les décisions des concertations nationales devaient être validées par l’Assemblée nationale, elles ne passeraient pas. En outre, le Fdr compte également dans ses rangs la plus grande centrale syndicale, l’Union nationale des travailleurs du Mali, dont on connait l’activisme et le volontarisme du président.
Quant à sa grande rivale, la Copam (Coordination des organisations patriotiques du Mali) elle est fortement divisée depuis que son président, Hammadoun Amion Guindo, également secrétaire général de l’autre centrale syndicale, la Confédération syndicale des travailleurs du Mali, a unilatéralement accepté de figurer dans un gouvernement constitué avant les concertations nationales. Aujourd’hui, la principale composante de la Copam, le Mouvement populaire du 22 mars (MP 22), amené essentiellement par le parti Sadi d’Oumar Mariko, serait prêt à bouder ce qu’ils appellent désormais les concertations nationales de Cheick Modibo Diarra, le Premier ministre, et de Dioncounda Traoré, le président de la République par intérim. Si le Fdr est anti putschiste et la Copam pro junte, des regroupements se sont constitués sur la neutralité. Il s’agit de l’Adps (Alliance des démocrates patriotes pour une sortie de crise), de la Csm (Convergence pour sauver le Mali) et d’Ibk-Mali 2012.
Pour le premier, il n’est pas question de participer à des concertations nationales qui se révèlent tronquées et parcellaires car devant se tenir sans la participation des populations des régions du nord sous occupation ennemie. En outre, les amis de Soumana Sako ne voient pas la nécessité de telles assises, organisées de cette façon, à un moment où toutes les énergies doivent être concentrées sur la défense de l’intégrité territoriale et le recouvrement de l’unité nationale.
Quant à la Csm, on l’avait longtemps dit proche de la Primature et du gouvernement. Animée essentiellement par la Codem et le Cnid, la Convergence pour sauver le Mali a de solides griefs contre la tenue des concertations nationales, avec les mêmes termes de référence décriés par la classe politique, tout comme ses modalités d’organisation.
Selon un de ses responsables, les missions de la transition sont clairement définies par l’Accord-cadre du 06 avril: il s’agit de la libération des régions du nord et de l’organisation des élections. Si la première mission ne dépend plus véritablement du seul Mali, les préparatifs des élections vont bon train, des dates ont même été avancées. Pour ce chef de parti politique donc, avec les prochaines élections qui se tiendront bientôt, il est inutile d’organiser ces assises coûteuses et inutiles. Tout comme il est inutile et coûteux de créer de nouveaux organes de la transition. Les institutions qui sont déjà là, notamment le président de la République par intérim, le Premier ministre, le gouvernement, l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle, la Cour suprême, sont largement suffisantes pour mener les missions confiées à la transition. Toujours selon lui, la tenue d’assises nationales a toujours été source de polémique et de division au sein de la classe politique et de la société civile. «On fait des concertations nationales pour régler des problèmes et voir dans quelle mesure on peut sortir de la transition et non pour soulever de nouvelles questions et vouloir s’installer et s’éterniser dans la transition» a-t-il martelé.
A Ibk-Mali 2012 également, on est contre une transition interminable. Les amis d’Ibrahim Boubacar Kéita ne sont que pour les deux missions essentielles assignées à la transition, surtout l’organisation des élections, et ne sont pas près d’approuver la nouvelle architecture proposée par le président de la République au retour de son exil parisien.
Ces cinq regroupements étant les principales forces vives de la nation, leur absence aux travaux de concertations nationales présage d’un échec certain. Et le Premier ministre pourrait faire l’économie de leur tenue, et de l’économie aussi pour des caisses publiques de plus en plus vides.