Fama Walet Idal refuse de recevoir des ordres. La touareg, originaire du nord-Mali, revendique sa liberté et milite depuis de nombreuses années pour la promotion des femmes africaines. Elle est aussi élue communale à Kidal, contrôlée par les islamistes. Rencontrée à Dakar, lors du Forum Africités, elle refuse l’intervention militaire et prône le dialogue. Portrait.
Elle est toujours couverte de la tête au pied d’un voile au tissu fin. Enroulée tout autour de son corps, il laisse entrevoir que son visage et ses bracelets dorées. Fama Walet Idal a de l’allure quand elle marche. Sa tête est haute. Ses pas lents, comme si elle marquait une pause à chaque enjambée. Il parait qu’une femme élégante marche lentement dans le nord-Mali, d’où elle est originaire. Et lorsqu’elle parle, elle vous fixe de son regard perçant et fier jusqu’au bout. Cela peut à la longue devenir gênant pour ceux qui viennent tout juste de la rencontrer.
La Touareg a 50 ans. Mais n’en reste pas moins charismatique. D’ailleurs, elle ne passe pas inaperçue au forum des femmes africaines leaders, lors du sommet Africités, à Dakar, où tous les regards sont tournés vers elle. Son discours sur la situation du Mali enflamme l’assistance : « Nous refusons l’intervention militaire dans le nord-Mali. Il faut dialoguer avec les rebelles pour rétablir la paix ».
« Le dialogue ». Un mot que Fama répète plus de dix fois devant une cinquantaine de femmes originaires de tout le continent, suspendue à ses lèvres. « Il faut continuer les pourparlers car s’il y a la guerre, se sont les populations qui seront les premières à souffrir ! Et nous ne voulons pas de la violence ! », lance-t-elle de sa voix rauque et trainante qui résonne dans toute la salle. Elle rappelle également la souffrance des femmes dont la liberté est brimée par les islamistes qui ont pris le contrôle du nord-Mali. « Cette religion qu’ils veulent nous imposer, nous ne la connaissons pas ! »
« Les femmes touaregs sont libres ! »
Seulement, les femmes révoltées comme Fama, les nouveaux maîtres de la région amputée de Bamako ne veulent pas en entendre parler. Raison pour laquelle, la Touareg s’est réfugiée au Burkina Faso. « Je suis partie car la situation est devenue invivable dans le nord-Mali ». Elle s’en est aussi allée pour préserver l’avenir de ses enfants qui « sont encore très jeunes et ont besoin d’être dans de bonnes conditions pur étudier ».
La touareg est tout le temps en colère et préoccupée par la situation dans sa région d’origine. C’est une rude épreuve pour celle qui n’a pas l’habitude qu’on lui donne des ordres. La soumission, elle ne connait pas. Et le voile, elle ne le porte que pour des raisons culturelles. « Les femmes touareg portent le voile car cela fait parti des traditions. On ne nous l’impose pas ».
Or maintenant, les islamistes exigent que les femmes obéissent à « toutes leurs règles. Elles souffrent beaucoup ». Fama, elle, a toujours été une femme très active. « Lorsque j’étais jeune, je faisais beaucoup de sport : de la danse, du basket, de l’athlétisme », dit-elle fièrement, esquissant un sourire. Elle a aussi réussi à décrocher le brevet des collèges et gravit peu à peu les échelons avant de devenir élue municipale à Kidal. Une fonction rare dans la région, où les femmes sont sous-représentées en politique.
La cinquantenaire n’est en effet pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Elle est divorcée depuis de nombreuses années. Et ne s’est pas remariée depuis. « Je suis une femme touareg », rappelle-t-elle. « Chez les touaregs, les femmes sont libres ! Si elles ont un problème avec leur mari, c’est à lui de plier bagage pour partir et non l’inverse ! Les femmes sont très respectées et écoutées par les hommes ». D’ailleurs, chez nous, tient-elle à préciser, « c’est la femme qui fixe le montant de la dote. Si elle souhaite que son futur époux donne 15 millions pour la marier, il doit obéir, sinon il n’y a pas de mariage ! » La promotion des femmes en Afrique est très importante pour la touareg, qui milite dans plusieurs associations féminines. Elle est aussi présidente de la filiale de l’ONG Manau-River à Kidal. L’insoumise, refuse que les femmes laissent les hommes diriger leur vie. Et elle compte bien continuer à œuvrer dans ce sens.