NATIONS UNIES (Reuters) - Français et Américains ont une approche divergente sur la façon de régler le conflit dans le nord du Mali, une région qui constitue, à en croire lundi les Nations unies, "l`une des contrées potentiellement les plus explosives au monde".
Cette région enclavée et semi-désertique en bordure du Sahara est aux mains de rebelles touaregs alliés à des groupes armés islamistes, pour certains proches d`Al Qaïda, qui tentent d`imposer la "charia" (loi coranique).
D`après l`Onu, près de 350.000 Maliens ont dû fuir leurs foyers, dont 40% environ se sont réfugiés dans les pays voisins, exacerbant une crise humanitaire dans le pourtour sahélo-saharien - un arc de cercle d`une dizaine de pays déshérités et dévastés par la sécheresse allant de l`Atlantique à la mer Rouge.
"L`insécurité devient préoccupante, avec des informations généralisées sur de graves violations des droits de l`homme comme des violences sexuelles, le recrutement d`enfants, la lapidation et la mutilation de suspects", a déclaré le Haut-Commissaire des Nations unies aux Réfugiés, Antonio Guterres.
"Le nord du Mali (...) est l`une des contrées potentiellement les plus explosives de la planète", a-t-il lancé devant le Conseil de sécurité.
En novembre, le secrétaire général de l`Onu, Ban Ki-moon avait prudemment recommandé aux Quinze du Conseil de sécurité de donner leur aval à une intervention militaire de l`Union africaine (UA) visant à reconquérir le nord du Mali à condition qu`un certain nombre de critères soient remplis portant sur la situation politique, les droits de l`homme et la formation de l`armée malienne.
La France a fait circuler un projet de résolution visant à donner le feu vert à semblable mission mais les Etats-Unis ont opposé une contre-proposition établissant une opération en deux volets - un politique et un militaire.
Washington souhaite que le Conseil de sécurité adopte d`abord une résolution sur l`entraînement de l`armée malienne et que soit enclenché un processus politique avant de délivrer un mandat pour une intervention militaire.
Des diplomates ont précisé que les Américains doutent de la capacité de la Cédéao à fournir la formation appropriée aux troupes maliennes dans une zone désertique de combat.
L`ancienne puissance coloniale, dont sept ressortissants sont actuellement retenus en otages au Sahel, souhaite que le conseil vote en décembre une résolution.
Sous couvert de l`anonymat, un diplomate de haut rang siégeant au Conseil de sécurité a déclaré que les Etats-Unis "faisaient preuve de beaucoup de scepticisme sur l`approche voulue par les Français" et doutaient énormément qu`une mission militaire puisse être un succès.
"UNE ROUTE LONGUE ET TORTUEUSE"
"Les Américains sont mécontents de l`état des préparatifs de la mission menés par la Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest (Cédéao); ils ne croient pas beaucoup que les pays africains contributeurs de troupes pourront accomplir leur tâche et ils ont très peu confiance dans l`armée malienne."
"Nous ne sommes qu`au début d`un très long, voire très tortueux et difficile chemin vers un règlement (de la question)", a ajouté ce diplomate.
La Cédéao a accepté d`affecter environ 3.300 soldats -venant principalement du Nigeria, du Niger et du Burkina Faso- à la formation d`une force internationale au Mali. D`après le président ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Cédéao, d`autres pays de la sous-région ainsi que deux ou trois nations non africaines pourraient les rejoindre.
Mais Ban Ki-moon n`a pas offert de soutien financier des Nations unies pour une force de combat initiale au Mali. Or, l`UA avait fait savoir qu`elle aurait besoin d`"un appui de l`Onu financé par des contributions fixées pour garantir un soutien durable et prévisible de la mission".
Devant les Quinze, la représentante permanente des Etats-Unis, l`ambassadrice Susan Rice, a déclaré que la communauté internationale devait faire attention de traiter la crise malienne sans déstabiliser l`ensemble de la région du Sahel.
L`émissaire spécial de l`Onu pour cette région, l`Italien Romani Prodi, a pour sa part déclaré: "Tous les efforts militaires au Mali doivent être entrepris après une analyse précise et des préparatifs approfondis, et ces efforts doivent s`intégrer dans le cadre d`un processus politique convenu traitant des racines du conflit".
Le Conseil de sécurité a publié un communiqué exprimant ses graves préoccupations quant à l`insécurité et à la crise humanitaire au Sahel et condamnant les atteintes aux droits de l`homme, y compris les exécutions, les prises d`otages et le recrutement d`enfants-soldats.
A Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l`Union européenne ont approuvé lundi l`envoi de 250 instructeurs pour aider l`armée malienne à lutter contre les insurgés islamistes qui contrôlent le nord du pays.
Les instructeurs formeront quatre bataillons de l`armée malienne, soit 2.600 hommes, notamment dans le domaine de l`artillerie, mais ils ne participeront pas aux combats, avait indiqué un responsable de l`UE en novembre.
Jean-Loup Fiévet et Pierre Sérisier pour le service français