DAKAR - Le capitaine Amadou Haya Sanogo, en forçant le Premier ministre malien Cheick Modibo Diarra à démissionner mardi, a de nouveau démontré un pouvoir de nuisance jamais démenti depuis qu`il a dû rendre le pouvoir après son coup d`Etat de mars qui a plongé le Mali dans le chaos.
Pour justifier son putsch du 22 mars ayant renversé le président Amadou
Toumani Touré, le capitaine Sanogo avait invoqué l`impuissance du régime à
faire face aux groupes armés qui avaient lancé l`offensive dans le nord du
pays en janvier, souhaitant redonner sa dignité à une armée défaite et
humiliée.
Mais le coup d`Etat a eu l`effet contraire: il a accéléré la mainmise des
groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda qui, quelques jours après, prenaient
le contrôle des trois régions formant le Nord: Tombouctou, Kidal et Gao,
marginalisant la rébellion touareg à l`origine de l`offensive.
Sous la pression de la Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest
(Cédéao), le capitaine Sanogo était alors contraint début avril de rendre
officiellement le pouvoir à des autorités civiles de transitions dirigées par
un président, Dioncounda Traoré, et un Premier ministre, Cheick Modibo Diarra.
L`arrestation dans la nuit de lundi à mardi à Bamako de M. Diarra, sur
ordre d`Amadou Haya Sanogo, suivie de l`annonce mardi à l`aube de la démission
du Premier ministre, est le dernier coup de force de cet obscur capitaine
d`une quarantaine d`années, quasiment inconnu jusqu`au 22 mars.
"Ce dernier épisode dans la crise malienne apparaît comme un quasi coup
d`Etat mené par l`ancienne junte militaire, toujours influente, et ses
alliés", a estimé Samir Gadio, analyste spécialiste de l`Afrique basé à
Londres.
Selon lui, "l`objectif est très probablement d`empêcher" une intervention
militaire étrangère au Mali afin de chasser les islamistes armés qui occupent
le Nord, car "elle pourrait saper le pouvoir dominant du capitaine Sanogo et
de ses alliés".
En dépit de son retrait officiel du pouvoir, Sanogo est en effet toujours
resté extrêmement influent à Bamako, au point qu`il avait reçu dans un premier
temps le statut d`ex-chef d`Etat pour avoir occupé le pouvoir illégalement
pendant deux semaines. Ce statut privilégié lui a été retiré, mais le
président Traoré l`a ensuite désigné à la tête d`une structure chargée de
réformer l`armée.
Impunité
Les hommes de Sanogo, ayant leur quartier général dans la ville-garnison de
Kati, près de Bamako, ont multiplié les descentes sur la capitale pour
procéder à de très nombreuses arrestations de civils et de militaires proches
du président renversé.
Nombre d`entre eux ont été torturés, ont disparu où ont été tués à Kati,
selon les organisations locales et internationales de défense des droits de
l`Homme.
"Depuis mars 2012, le capitaine Sanogo et ses hommes ont été clairement
impliqués dans une série de violations des droits humains", selon Corinne
Dufka, une responsable de l`organisation Human Rights Watch (HRW).
"Disparitions forcées, torture, arrestations arbitraires, extorsion de
fonds, intimidation et maltraitance de journalistes, d`artistes et de
personnes opposées à eux, aucun de ces incidents n`a fait l`objet de la
moindre enquête", note-t-elle, ajoutant: "A la place, Sanogo a été rétribué
par une position gouvernementale de haut niveau pour réformer les forces
armées".
Il n`a jamais été prouvé qu`il a été directement impliqué dans l`agression,
fin mai, du président Dioncounda Traoré dans son bureau près de Bamako.
Mais c`est une foule surexcitée se disant favorable aux putschistes qui
avait frappé et gravement blessé le chef de l`Etat, contraint d`aller se faire
soigner en France pendant deux mois.
Le capitaine Sanogo avait, fin avril, réussi à enrayer une tentative de
contre-coup d`Etat de militaires restés fidèles au président Toumani Touré, à
l`issue de violents combats meurtriers dans la capitale.
Ce militaire, qui aime à se comparer au général Charles de Gaulle en
résistance contre l`occupant allemand et ses collaborateurs français pendant
la seconde guerre mondiale (1939-1945), joue sur les profondes divisions de la
société malienne face à la crise dans le Nord.
Il est lui-même farouchement opposé à une intervention armée étrangère dans
le Nord pour en chasser les islamistes armés, estimant contre toute évidence,
que l`armée malienne a les moyens et la volonté de reconquérir seule cette
vaste région qui occupe les deux-tiers du territoire malien.
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