La France, "préoccupée par la situation à Bamako", a condamné mardi 11 décembre les "circonstances" de la démission du premier ministre malien, cheick Modibo Diarra, forcé au départ sous la pression d'anciens officiers putschistes.
"L'ancienne junte doit cesser ses interventions dans les affaires politiques du pays", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot. "Nous appelons chacun à la responsabilité dans l'intérêt du Mali. Un nouveau gouvernement représentatif et qui recueille le plus large soutien au sein de la population malienne doit être rapidement formé par le président Traoré", a-t-il poursuivi.
"PAS UN NOUVEAU COUP D'ÉTAT"
Cheick Modibo Diarra a annoncé sa démission et celle de son gouvernement mardi matin après avoir été arrêté dans la nuit sur ordre du capitaine Amadou Haya Sanogo, chef de l'ex-junte qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré en mars.
"Moi, cheik Modibo Diarra, je démissionne avec mon gouvernement", a-t-il déclaré lors d'une brève allocution à l'Office de radio-télévision du Mali sans donner d'explication à sa décision. L'air grave et les traits tirés, M. Diarra, vêtu d'un costume et d'une cravate sombres, a simplement remercié ses collaborateurs et souhaité que "la nouvelle équipe" qui lui succédera réussisse sa mission.
"Ce n'est pas un nouveau coup d'Etat", a affirmé sur France 24 quelques heures plus tard Bakary Mariko, le porte-parole de l'ex-junte qui a reproché à M. Diarra de ne pas avoir agi en "homme de devoir" face à la crise au Mali mais en fonction d'"un agenda personnel". "Le premier ministre sera remplacé dans les heures qui viennent par le président de la République", Dioncounda Traoré, a-t-il affirmé.
INCERTITUDE
Cette démission plonge encore un peu plus dans la crise et l'incertitude le Mali, dont la moité nord du territoire est entièrement occupée depuis juin par des islamistes armés liés à Al-Qaida.
M. Diarra s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur de l'intervention rapide d'une force militaire internationale dans le nord du Mali, intervention à laquelle est farouchement opposé le capitaine Sanogo. Sa démission survient après le report de "concertations nationales" convoquées par son gouvernement de transition qui devaient se tenir pendant trois jours à partir de mardi.
La concertation avait pour but de tenter d'établir une "feuille de route" pour les mois à venir entre tous les acteurs – politiques, militaires, sociaux, organisations de la société civile – qui restent divisés face à la crise et la manière de tenter de la résoudre.
DÉBATS AUTOUR D'UNE INTERVENTION ARMÉE
Le nord du Mali est contrôlé depuis fin juin par trois groupes islamistes armés : Ansar Eddine, mouvement essentiellement composé de Touaregs maliens, et les djihadistes surtout étrangers d'Al-Qaida au Maghreb islamique et du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest. Ils y appliquent la charia (loi islamique) avec une extrême rigueur qui se traduit en lapidations, amputations ou coups de fouet aux "déviants" (voleurs présumés, couples adultères, fumeurs, buveurs d'alcool).
Ce nouveau coup de force des ex-putschistes survient alors que Bamako et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont demandé au Conseil de sécurité de l'ONU d'autoriser rapidement le déploiement d'une force internationale de 3 300 hommes afin de reconquérir le nord du Mali occupé par des islamistes armés. Une initiative qui bute sur le scepticisme de Washington, qui doute de la capacité de Bamako et de ses voisins à mener à bien l'opération.
Le porte-parole du Quai d'Orsay a insisté mardi sur le fait que les développements de la nuit venaient "souligner la nécessité du déploiement d'une force africaine de stabilisation".