Le samedi dernier, le parti pour la renaissance africaine (PARENA), a organisé, au Cicb, une conférence débats consacrée à l’affaire des engrais frelatés. Une sulfureuse affaire qui défraie actuellement la chronique. Mais la rencontre s’est terminée en queue de poisson. Et pour cause : des paysans visiblement à la solde de Bakary Togola, président de l’APCAM, ont vivement pris à partie Tiébilé. Ainsi, ont-ils provoqué des incidents dans la salle pour empêcher le bon déroulement de la conférence. Un acte de sabotage en règle.
Après avoir mené ses propres investigations sur la question, le Parena a élaboré un mémorandum, au centre de la conférence débats du samedi. Thème choisi : «la question des engrais frelatés et la crise des organisations de producteurs de coton».
Plusieurs personnalités politiques et de la société civile, des experts du monde agricole, les organisations et associations de producteurs, ont été invités. En somme, du beau monde !
En voyant la configuration de la salle, l’on pourrait présager d’intenses échanges sur le menu de la conférence. Mais, les minutes suivantes étaient édifiantes. Invité à la rencontre, Babary Togola a pris soin de mobiliser un bataillon de paysans (acquis à sa cause). Dans quel esprit ? Empêcher que la vérité soit dite sur l’affaire des engrais frelatés ? Comme ce fut le cas avec le ministre Tréta, il y a quelques jours à l’Assemblée Nationale.
La conférence n’aura pas la chance de suivre son cours normal qui prévoyait, après l’introduction de Tiébilé Dramé, l’intervention de Bakari Togola, ensuite l’assistance devait être invitée à se prononcer sur le sujet…Les difficultés sont apparues dès la fin du mémorandum (diffusée en langue bamanan) dans la salle. Il souleva de vives protestations au sein des partisans du président de l’APCAM. Tous dénonçaient un document considéré comme une «malice de politiques » qui, selon eux, n’a d’autre but que de s’immiscer dans les secrets de la production cotonnière. Le mémorandum du Parena a d’autant déplu qu’il conclut en demandant la démission du ministre Tréta et de Bakari Togola, pour permettre que les enquêtes soient bien menées.
«Tiébilé, je ne démissionne pas ! Ce n’est pas toi qui m’as mis à cette place. Je suis là grâce au soutien des paysans. S’ils ne veulent plus de moi, dès demain je retournerai dans mon champ d’où je viens… », a martelé Togola. Après cette intervention accueillie par les applaudissements nourris de ses partisans, le président de l’APCAM s’est laissé aller dans une longue explication sur la procédure de la passation du marché relatif à l’achat des engrais incriminés. Il va jusqu’à proférer des menaces à peine voilées: «Tiébilé, vous pourrez être appelé demain aux fonctions suprêmes du pays. Mais si vous devez avoir les paysans sur le dos, vous risquez de mettre suffisamment de temps avant d’y arriver», a déclaré Bakari Togola, refusant le terme «engrais frelatés». «Il y a une partie de l’engrais qui est hors normes parce que des éléments manquent. Ce n’est pas la même chose quand on parle d’engrais frelaté», a-t-il indiqué.
Constatant l’impossibilité de poursuivre les échanges dans une telle atmosphère, Tiébilé a eu de la peine à prononcer la fin de la rencontre. Même pour ça, il a fallu faire encore recours à Bakary Togola pour qu’il prenne la parole et calmer les paysans qui ne voulaient laisser personne parler de cette question, à leur place.
Finalement, c’est dans un grand tohu-bohu et un désordre indescriptible que la rencontre a pris fin…
Après les scandales de l’achat de l’avion présidentiel et du sulfureux contrat d’équipements militaires, une nouvelle affaire, celle de l’engrais frelaté risque d’éclabousser, à son tour, la République. En effet, dans ce nouveau scandale, de forts soupçons de corruption et d’enrichissement illicite pèsent sur des « gros poissons » du régime. Ils sont accusés d’avoir profité de leur position pour pomper des milliards dans les fonds mobilisés pour soutenir la campagne agricole, en subventionnant l’importation de 40 000 tonnes d’engrais.
Parmi ceux dont les noms sont cités, figurent notamment le ministre du développement rural Bocari Tréta, et le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agricultures (APCAM) Bakari Togola.
Le lièvre (dans cette affaire) a été levé par un député de la majorité présidentielle, l’honorable Bakary Koné. Qui a été jusqu’à interpeller le ministre du développement rural, Bocari Tréta. Mais, même cette interpellation du ministre n’a pas permis d’élucider une affaire entourée d’une très grande opacité, en ce qui concerne les conditions de passation du marché, les quantités d’engrais qui ne respecterait pas les normes, les pots de vins…
Oumar Diamoye