Tous ceux qui pensaient que le capitaine Amadou Haya Sanogo s’était rangé sagement se sont royalement trompés. Le capitaine putschiste vient de leur administrer la preuve du contraire en contraignant, hier 11 décembre, le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra (CMD), à démissionner. Si ce n’est pas au Mali et dans la république imaginaire du Gondwana, on n’a jamais vu pareille situation ubuesque. Généralement, le Premier ministre remet sa démission et celle de son gouvernement au chef de l’Etat qui l’accepte ou la refuse. Ici, rien de tout cela. Le chef du gouvernement a été amené comme un manant à Kati, le quartier général du capitaine putschiste. Et la suite on la connaît : une démission annoncée à une heure indue, 4h du matin, à la télévision nationale. C’est également un coup d’arrêt brusque donné au parcours de l’astrophysicien, ancien employé de la NASA, nommé chef du gouvernement le 17 avril 2012 et qui claironnait qu’il ne démissionnerait pas, en août dernier, au lendemain du retour au pays du président par intérim. A-t-il été dépassé après par les événements pour jeter ainsi le manche avant la cognée ? Certes, le porte-parole du capitaine se défend qu’il y ait eu un coup d’Etat, mais on peut dire que le maître de Kati vient de commettre un autre putsch en débarquant le Premier ministre.
Sanogo aime se comparer au général de Gaulle qui a sauvé la France, mais, au regard de ce qui vient de se passer, il rappelle beaucoup plus le mercenaire Bob Denard qui faisait et défaisait les chefs d’Etat aux Comores. Après avoir déposé Amadou Toumani Touré (ATT), il vient de faire partir, sous la contrainte, un Premier ministre aux pouvoirs exceptionnels, parce que nommé dans une situation exceptionnelle. C’est sans doute cette (trop ?) grande assurance de ses pouvoirs qui a fini par perdre celui que l’on disait avoir toujours la tête dans les étoiles au point de devenir un obstacle à la résolution de la crise, à la concertation nationale qui devait s’ouvrir le 11 décembre. Les militaires ont fini par s’agacer de l’attitude de celui dont on disait pourtant qu’ils s’entendaient comme larrons en foire. Peut-être a-t-il cherché à s’émanciper de la tutelle militaire et à résoudre, à sa façon, la crise. Mais qu’il ait démissionné de lui-même ou qu’il ait été « démissionné », une chose est sûre aujourd’hui : c’est bien fini pour CMD, au grand dam du président intérimaire, Dioncounda Traoré, dont on mesure toute l’impuissance dans la situation. Et aussi à celui de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de son médiateur et de la France qui s’est contentée de condamner « les circonstances » de la démission du Premier ministre. Et quid de ses partisans ? Accepteront-ils sans broncher le dégommage de leur champion ? En attendant les jours à venir pour être situé, le constat est que la page CMD a été violemment tournée et qu’il faut tout reprendre à zéro. Le premier acte à poser est de trouver un nouveau chef du gouvernement « consensuel », rassembleur, humble et, surtout, qui ne contrarierait pas l’ex-junte. La table de négociation péniblement dressée par le médiateur s’est subitement vidée d’occupants venus de Bamako. Il faut rapidement former un nouveau gouvernement qui prendra la relève, au cas où l’option du dialogue avec Ansar Dine et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) serait toujours maintenue.
C’est une pause forcée sur tous les plans dont on se demande ce qu’elle apporte au pays.
Pas grand-chose, sinon une perte de temps et des souffrances supplémentaires surtout pour les populations du Nord sous occupation des illuminés et des trafiquants de tous ordres. Actuellement, qu’il s’agisse du dialogue ou de l’intervention militaire, tout est gelé. La priorité est à la nomination d’un nouveau Premier ministre. Combien de temps cela prendra-t-il ? Et combien de temps mettra le nouveau Premier ministre pour former un gouvernement qui va s’atteler à la résolution de la crise ? Il y a trop d’interrogations qui viennent compliquer davantage la situation politique au Mali.