Invité par le Parena à venir s’expliquer sur ses responsabilités dans l’importation et la distribution d’engrais de mauvaise qualité dans notre pays, le président des producteurs de coton, Bakary Togola, président de l’APCAM, président de l’Union nationale des sociétés coopératives de producteurs de coton (UNSCPC), et à ce titre président du GIE chargé de la gestion des engrais dans les zones CMDT, OHVN depuis 2006, il n’a pas répondu seul à cette invitation. Il était avec certains producteurs de coton.
La conférence-débats était organisée par le Parena, le samedi 4 juillet 2015, au CICB. Dans la salle, il y avait cultivateurs, paysans, hommes politiques, agronomes, universitaires et chercheurs. C’est Tiébilé Dramé, président du Parena, qui a fait l’exposé basé sur le mémorandum de son parti. Il a expliqué que c’est le ministre du Développement rural, Bocary Tréta, qui, commentant les résultats des tests en laboratoire, a été le premier à parler à la télévision nationale de cette affaire d’engrais de mauvaise qualité, appelée par d’autres «engrais frelatés» (soit 40% des engrais importés) et que l’expression a été reprise par le président de la République et le Premier ministre.
Tiébilé Dramé de rappeler que depuis le 14 janvier 2014, le ministre ivoirien de l’Agriculture, Mamadou Sangafori Coulibaly, avait déjà prévenu son homologue malien, Bocary Tréta, sur ces engrais de mauvaise qualité et que le 21 mai 2015, le président du GIE (Bakary Togola) s’est vu obligé d’écrire à une vingtaine de fournisseurs bénéficiaires du marché qui s’élève à 60 milliards de Francs CFA, pour les inviter à prendre les dispositions utiles pour le retrait et le remplacement des quantités d’engrais hors normes.
«Ce qui veut dire qu’il y a bel et bien des engrais de mauvaise qualité qui ont été importés au Mali», a expliqué M. Dramé. Le président du Parena a aussi évoqué la crise qui sévit au niveau de l’Union nationale des sociétés coopératives de producteurs de coton (UNSPC). Il a tiré la conclusion selon laquelle le président du GIE, Bakary Togola, et le ministre du Développement rural, Bocary Tréta, doivent tous rendre le tablier.
Il n’en fallait pas plus pour susciter la colère noire de Bakary Togola. «Je remercie le Parena pour cette initiative, mais je dis à Tiébilé Dramé que je ne démissionne pas. Ce n’est pas toi qui m’as installé à la tête de l’UNSCPC. Ce sont les paysans du Mali qui m’ont élu et c’est eux seuls qui peuvent me faire partir. Le processus a commencé depuis la base. Tu n’es pas paysan. Le jour où ils diront qu’ils n’ont plus besoin que je sois leur président, j’irai cultiver chez moi. Je suis paysan et je resterai paysan. Ceux qui sont derrière cette cabale ont eu à diriger les cotonculteurs du Mali de 1992 à 2005. On les a vus ici, on était là. Tiébilé, les paysans du Mali ont du respect pour votre personne et tu peux être président de la République demain…On se retrouvera ici après la fin de ces mandats…».
«Les engrais sont déjà utilisés par les paysans»
Bakary Togola dit n’être rien dans cette affaire. Certes, il dirige le GIE chargé du dépouillement de l’Appel d’offre, mais il n’a pas compétence à savoir que les composantes nutritives des engrais sont déficitaires. Ce travail revient à la Direction nationale de l’Agriculture (DNA). M. Togola dit que c’est lui-même qui a instruit à la DNA de réaliser des tests sur la qualité de ces engrais, dès qu’il a eu vent de l’affaire. «Après que les résultats ont confirmé qu’une bonne partie desdits engrais était déficitaire, j’ai demandé à tous les fournisseurs (une vingtaine) de retirer ces engrais déficitaires, au lieu d’engrais frelatés ou toxiques comme prétendent certains. Mais, je ne peux pas vous dire si tous ces engrais ont été retirés ou pas. En la matière, le GIE avait trois types de sanctions contre les coupables. Soit leur exiger de combler le déficit en éléments nutritifs, ou retirer lesdits engrais, ou encore compenser au niveau du prix. Le GIE a opté pour le retrait des engrais», a expliqué Bakary Togola sous les ovations de ses partisans.
À en croire le président du GIE, on est en train de dramatiser cette affaire d’engrais comme si c’était la première fois que des produits de mauvaise qualité sont importés au Mali. «Notre pays est inondé de produits de mauvaise qualité importés tels que le sucre, l’huile, les batteries….». D’autres intervenants, notamment des paysans, ont tenu à préciser qu’il n’y a pas d’engrais frelatés ou toxiques au Mali, mais qu’il y a des engrais dont les composantes nutritives sont déficitaires.
En conclusion, le président du Parena, Tiébilé Dramé, a trouvé qu’il y a la nécessité pour tous les Maliens de s’unir pour faire face à la situation. Il se dit réconforté en cela par les propos du même Bakary Togola quand il dit que «notre pays est inondé de produits de mauvaise qualité».
Oumou DIAKITE