Il est de coutume qu’après chaque crise, s’ouvre logiquement une bataille pour les places. Ainsi et après la signature du 20 Juin à Bamako par la CMA de l’accord pour la paix et la réconciliation, l’ère des petits arrangements et des positionnements s’installent. A ce jeu très embarrassant, il faut, à la fois pour le gouvernement et la médiation, avoir le sens de la mesure et de l’équilibre. Car, en définitive, c’est la survie du Mali qui est en jeu avec cette forte interrogation : Renaitre ou exploser après le 20 Juin.
La nécessaire renaissance
Le 20 Juin dernier fut le jour des grandes émotions. La grande joie de se retrouver en famille avec surtout l’espoir, oui le grand espoir de retourner à la norme démocratique et rembarrer pour de bon le fusil. Malgré les colères et les déceptions récentes, les bamakois ont plutôt toléré la présence de frères « égarés » qui, ont pu faire des emplettes sans être insulté et sans risqués quoi que ce soit. Encore une fois, on aura eu l’occasion d’apprécier la grande magnanimité du peuple malien. Aujourd’hui plus qu’hier, et malgré les barrières très factices invoquées, les maliens s’il le veut peuvent vivre ensemble. Ce vivre ensemble, bien qu’étant plausible, devra voir l’accord sur le papier se matérialiser dans les faits. L’urgence serait de mettre en application les dispositions sécuritaires et le reste attendra une éventuelle révision constitutionnelle, un referendum et une promulgation présidentielle. Au même moment, il nous faut obtenir des ressources sans précédents pour le développement du Nord. Sans être grotesque, adopté un Plan Marshal pour citer Adama Thiam, éditorialiste. Il s’agirait d’offrir des opportunités d’emploi à la jeunesse du Nord pour qu’elle cesse d’être un réservoir de main d’œuvre pour le crime organisé. C’est pourquoi, il apparait évident pour tous que la mise en œuvre de cet accord sera bien plus ardue que les péripéties de sa signature.
Quelques raisons qui expliquent la difficile mise en œuvre de l’accord
En premier lieu, la complexité et la délicatesse de l’accord. Oui cet accord est complexe et délicat. C’est pourquoi, il lui faut franchir l’étape des explications aux antipodes des applaudissements provoqués pour affronter le test de l’appropriation via la conférence nationale prévue et le référendum obligée. Donc il nous faut continuer avec le débat. Après le déploiement d’un effort louable pour le développement du nord, il faudrait nécessairement l’étendre à tout le pays pour donner plus de chance à la paix. Car, des populations entières dans le sud tirent le diable par la queue, se nourrissent de cueillette en période de soudure et regardent désespérément les bras valides déserter les champs pour d’hypothétiques richesses aurifères, ou d’hypothétiques eldorados européennes parfois au prix de leurs vies. Aussi, n’a-t-on pas l’impression que l’Etat s’arrête au poste de contrôle de Niamana (Poste de contrôle policière à la sortie Est de Bamako en direction de Ségou, symbolisant la limite géographique de la ville) comme l’a fait remarquer une bouche venimeuse. Autre raison, peut-être la principale, celle se rapportant à la question de la représentativité au sein du comité de suivi et plus tard dans les instances nationales. Donc avant l’ultime bataille, celle de la représentation au comité de suivi a belle et bien commencé. Elles semblent reprendre les mêmes voies que celles complexes qui ont mené aux accords d’Alger. Cette bataille prématurée plonge Bamako et Alger dans l’embarras. L’embarras de savoir qu’on reprend avec les vieilles habitudes. De vielles et vilaines habitudes qui ont émaillé la phase II des pourparlers d’Alger lorsque les représentants de la CMA (la Coordination des Mouvements de l’Azaouad) avaient refusé de s’asseoir à la même table que ceux de la plateforme. A cette époque, les mouvements rebelles revendiquaient l’exclusivité de la légitimité à négocier avec le gouvernement malien et exigeaient de faire tenir à distance ces derniers à qui ils reprochaient d’être « proches de Bamako ». Aujourd’hui donc, à l’entame des discussions à l’intérieur du comité de suivi de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation des querelles similaires refont surface. Elle s’est surtout déportée sur la constitution de la délégation de cinq membres extensibles à laquelle à droit chaque partie. Et à ce niveau, chacun est à l’évaluation des enjeux, sauf que l’enjeu est de taille. Pour la simple raison que la présence à la table de négociation représente aussi la garantie des acquis figurants dans l’accord. Pour l’heure, ces petits arrangements de couloir et les positionnements au sein du comité de suivi font jaser et font perdre le temps. C’est pourquoi, nous espérons tous à une reprise des discussions fixée pour après la fin du Ramadan. Car il y a obligation d’avancer dans ce processus d’application. Et les échos feutrés de ces batailles de procédures ne sont que désagréablement perçus par le malien lambda qui ne voit dans ce qui se passe au CICB (Centre International des conférences de Bamako) que les prémices des batailles pour le partage d’un gâteau qui reste encore à confectionner.