Au cours des 50 dernières années, la température a augmenté de 0.3°C et la pluviométrie a diminué en moyenne de 20% dans notre pays, entraînant un déplacement des isohyètes de 200 km vers le Sud.
Kalaban coura : un enfant emporté par les flots L’isohyète 1200 mm (ligne qui représente les précipitations) n’existe plus sur la carte du Mali. C’est l’une des informations les plus frappantes à retenir de la journée sur la surveillance climatique et environnementale organisée par l’AEDD et l’IRD le 30 juin 2015.
La présentation de Birama Diarra, Directeur des Applications Météorologiques et Climatologiques à Mali Météo, dont sont tirés ces chiffres, fut en effet des plus parlantes. Cet éminent chercheur malien et ses collègues se sont attelés à faire comprendre à l’assistance les défis auxquels notre pays est confronté en matière de changements climatiques et les stratégies d’adaptation et d’atténuation mises en œuvre pour en limiter et en maîtriser les impacts.
Le Dr Ingénieur Famouké Traoré a pour sa part présenté les scénarios du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts du climat) sur l’évolution du climat sur les 50 prochaines années au Mali, en privilégiant le canevas A2, le plus pertinent pour notre pays, caractérisé par une forte croissance démographique, un faible développement économique et de lents progrès technologiques. Il a longuement expliqué les logiciels et les modèles statistiques élaborés par le GIEC et leur application à notre contexte, œuvre de spécialistes de haut niveau!
Mais le Dr Traoré rappellera que «le climat est un système complexe, qui peut être influencé par l’homme. Les causes, les conséquences et les changements sont donc très difficiles à appréhender et à prévoir».
Il ajoutera «actuellement, les modèles climatiques ont fait d’énormes progrès: ils sont en mesure de reproduire dans les grandes lignes l’évolution du climat et fournissent des résultats cohérents », avant de conclure que «la plus grande incertitude (env. ± 2.5°C) vient du fait que nous ne savons pas quelles quantités de GES (Gaz à effet de serre) nous allons émettre dans les années à venir».
D’où l’importance de la surveillance environnementale, qui a pour objectifs «d’analyser et de comprendre le fonctionnement des systèmes écologiques, sociaux et économiques et leurs interactions et d’identifier les solutions optimales en ce qui concerne l’utilisation des ressources naturelles, la satisfaction des besoins des populations et la prévention et la réparation des dégâts environnementaux», comme l’expliqueront Alain Gerbe et Fadiala Dembélé.
Les données écologiques et socio-économiques sont recueillies sur le terrain, dans des sites choisis pour leur représentativité de zones plus vastes, dans le cadre du Réseau d’Observatoires de Surveillance Écologique à Long Terme – ROSELT – un ensemble d’observatoires fonctionnant en réseau à l’échelon régional de la zone géographique de l’Observatoire du Sahara et du Sahel dans 21 pays du continent africain né en 1995.
Au Mali, il a été effectué une division du territoire en 49 zones écologiques, sur la base de 14 régions naturelles caractérisées par leurs spécificités géologiques géomorphologiques. Au sein d’une région naturelle les zones écologiques résultent du regroupement des mêmes unités sol / végétation.
S’en est suivi une seconde division du territoire en 6 zones agro-climatiques, sur la base des régimes d’humidité et de température du sol (déterminés en utilisant la taxonomie des sols du Service de conservation des sols des USA) et de la longueur de la saison agricole.
Les deux zonages donnent un total de 53 zones agro-écologiques, chacune d’elles étant caractérisée par ses ressources en sols, par ses ressources végétales et par ses ressources en eau. Cinq observatoires sont opérationnels et couvrent toutes ces zones, ceux de Bourem, du Baoulé, du Delta central du Niger, du Gourma et de Sikasso.
C’est au Dr Sidi Konaté qu’il reviendra de mettre fin à la série de présentations, en expliquant l’état des lieux de la rédaction de la 3ème Communication nationale du Mali, qui est Partie à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qu’il a signée le 22 septembre 1992 et ratifiée le 28 septembre 1994.
Il rappellera que «la Communication nationale (Article 12 de la CCNUCC) est le principal vecteur au travers duquel toutes les Parties à la Convention notifient les mesures prises pour la mettre en œuvre» et que «la Communication nationale est de ce fait un document qui présente les efforts fournis par un état signataire de la CCNUCC en matière de lutte contre les changements climatiques».
Le Mali a effectué sa 1ère communication nationale en 2000 et la 2ème en 2012. Il ressort de celles-ci que «pour l’année 2000, on constate que le Mali est un puits de carbone avec une marge de 42 318,5 Gg de capacité de séquestration». Ce qui signifie que notre pays souffre des effets néfastes des changements climatiques sans être un pays pollueur, et est donc plutôt une «victime» en la matière.
Mais cela ne doit pas nous amener à relâcher nos efforts, notamment en œuvrant pour des aménagements forestiers et la restauration des écosystèmes dégradés, par le reboisement, la promotion de la régénération naturelle, la lutte contre l’ensablement et la protection des aires protégées.
La 2ème stratégie adéquate est le développement d’une agriculture résiliente aux changements climatiques par la restauration des terres, le renforcement de l’efficacité des eaux de surface, l’adaptation des variétés culturales et les aménagements hydro-agricoles.
Enfin, l’avenir climatique du Mali sera aussi tributaire du développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.
Cette journée du 30 juin, date de célébration de la Journée de la Renaissance Scientifique de l’Afrique depuis 1987, était placée sous le parrainage du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement Durable, représenté par son Secrétaire Général, Mamadou Gakou, et de l’Ambassadeur de France au Mali, SE Gilles Huberson, en présence du Directeur de l’IRD au Mali, Bruno Sicard.
Elle était co-organisée par l’AEDD (Agence pour l’environnement et le développement durable) et l’IRD (Institut français de recherche pour le développement), sur le thème «La surveillance environnementale, outil d’aide à la décision pour la gestion des changements climatiques». Objectif : sensibiliser le public dans la perspective de la 21ème COP (Conférence des Parties) à la CCNUCC, qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015.
La COP 21, comme on l’appelle, a pour objectif ambitieux d’aboutir à un accord universel et contraignant, permettant de lutter efficacement contre les changements climatiques et remplaçant le Protocole de Kyoto, ce que la COP 20 de Copenhague avait échoué à faire.
Ramata Diaouré