«La rébellion des populations du Nord du Mali avait pour objectif légitime la renégociation des conditions de leur participation à la nation malienne. Leur combat était d’essence démocratique. C’était un combat pour l’honneur et le développement. C’était un combat pour une manière de gérer les affaires de notre pays, dont tous les Maliens ont souffert. En son temps, nous avons soutenu ce combat».
Ces propos ne sont pas d’un rebelle, mais du président de la République du Mali d’alors, au Palais de Koulouba, le 28 mai 1994 devant tout le gouvernement, le corps diplomatique, tous les ambassadeurs et le corps constitué. Peut-on trouver une meilleure justification, un soutien politique à l’idéologie de la rébellion que ça ? C’est à partir de cette vision-là qu’on a cessé d’équiper l’armée malienne, parce qu’on ne voulait plus faire la guerre contre la rébellion. Il fallait un faible (ATT) qui ne peut pas se battre.
Hormis cette citation du président de la République d’alors, il y a une autre qui nous vient d’un grand homme politique du 20ème siècle : Wilson Churchill. Ce Premier ministre anglais, en 1942, en pleine guerre mondiale, disait : «Lorsque des gens pacifiques, en temps de paix, ne se préoccupent nullement de leur défense ; lorsque des nations et des peuples, sans soucis et confiants, je dirais imprudents, méprisent l’art militaire et croient que la guerre ne puisse jamais revenir ; lorsque ces nations sont attaquées par des conspirations hautement armées, lourdement armées et lourdement organisées qui, depuis des années, complotent en secret, célébrant la guerre comme la forme la plus élevée de l’effort humain, glorifient le meurtre et l’agression, préparent jusqu’aux limites permises par la science et la discipline, il est dans l’ordre normal des choses que ces nations imprévoyantes souffrent terriblement et que les agresseurs intrigants et cruels donnent libre cours à leurs exaltations sauvages».
Avec ces propos de Churchill, on croirait qu’il parle du Mali de 2012 en pleine guerre. Cela veut dire qu’avec ce qui est arrivé au Mali depuis longtemps, un chef d’Etat doit d’abord se préoccuper de son armée. Tout chef d’Etat, tout président de la République qui ne considère pas la sécurité et la défense comme priorité N°1, ne travaille pas ; c’est un chef d’Etat léger, parce que la guerre, on ne peut jamais la prévoir.
En fait, la doctrine militaire de 1960 à 1991 de nos chefs d’Etat qui se sont succédé était la logique suivante : le Mali a 7 frontières sur 5000 km. Théoriquement, c’est avec des pays amis, mais chacun d’entre eux pouvait nous déclarer la guerre à tout moment. Donc, le Mali était équipé pour faire la guerre en même temps sur ses 7 frontières. C’est pourquoi il avait la flotte aérienne la plus dense, 36 avions de combat et de chasse, alors qu’aucun pays de l’Afrique de l’Ouest n’en avait 1 ou 2, à part le Nigéria.
En 1986, pendant la guerre civile au Tchad, quand la France a installé l’opération «Epervier», on a levé une escadrille de mirages de Dakar qui voulait aller au Tchad en survolant le Mali sans l’autorisation du président, en 8 minutes, l’armée malienne a levé des MIGUES, une escadrille de mille décennies. Celle-ci est allée intercepter l’escadrille de mirages levée à Dakar à l’entrée du Mali, à Kayes et l’a escortée jusqu’en dehors du territoire malien pour dire qu’on ne traverse pas le pays sans l’autorisation du président de la République du Mali. C’est après cela que l’autorisation a été demandée et le Mali a donné son feu vert. C’était dans les années 1980. Depuis lors, toute notre flotte a été détruite, les pilotes envoyés précipitamment à la retraite. Voilà comment on a tué l’armée malienne. Ceux qui ont fait cela sont ceux qui sont à la base de ce qui nous est arrivé et nous arrive encore.
Pour rappel, au terme de la guerre de 1986 avec un pays voisin, non seulement l’armée malienne l’a vaincu, mais après, notre diplomatie a amené l’affaire à la Cour internationale de la Hayes. La superficie du Mali a été augmentée de 1325 km2. C’est ce qui nous a manqué : cette puissance guerrière et cette diplomatie dynamique ! Raison pour laquelle on a subi la grande humiliation qu’on connaît aujourd’hui.
Ousmane Oumar KANTE