Signé en deux actes et sous un matraquage médiatique sans précédent, l’accord de paix montre déjà des signes d’essoufflement. Les travaux de sa mise en œuvre, la phase la plus cruciale, peinent à démarrer. L’insécurité galopante a atteint son paroxysme dans le septentrion. Et pour ne rien arrangé aux choses, elle s’est déplacée vers l’Ouest et le Sud du pays. Le nouveau mandat de la Minusma adopté par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 29 juin 2015, censé accompagné la mise en œuvre de l’accord, fait l’omerta sur la plus grande menace née de la crise : le terrorisme.
Annoncé juste après la signature de l’accord de paix, le comité de suivi calendrier de mise en œuvre tarde à voir le jour. Apres une première réunion, terminée en queue de poisson, et une seconde réunion qui n’a pas pu établir un règlement intérieur, les travaux ont été suspendus et programmés pour le 20 juillet.
Malgré l’accord de paix, l’insécurité au Nord du Mali a atteint son paroxysme. Les populations ne savent plus à quel saint se vouer. Elles assistent, impuissamment, au pillage de leurs villes par les bandits armés. Rien que dans la région de Tombouctou, le cercle de Goundam a souffert le martyr dès l’annonce de la signature de l’accord de paix. D’abord, le 13 mars, 6 personnes ont été assassinées, puis le 24 avril il y a eu des enlèvements de véhicules. Le 30 avril, la localité de Bintangougou a essuyé des attaques violentes lors desquelles des commerces et des bâtiments publics ont été pillés.
C’est le triste bilan fait par les ressortissants de cette région du Nord du Mali lors d’une assemblée générale tenue le samedi 11 juillet 2015 à Bamako. Et même avec la signature de l’accord, le septentrion continue d’être la proie de l’insécurité. Une ambulance a été la cible, le jeudi 2 juillet, d’attaques terroristes entre Ansongo et Gao. L’ambulancier qui a été tiré par balle par des assaillants circulant sur des motos a succombé à ses blessures le vendredi 3 juillet. Aussi, le même jeudi 2 juillet, six casques bleus burkinabés ont été tués dans la région de Tombouctou. Neuf autres soldats burkinabés ont également été blessés dans l’attaque. Des attaques revendiquées par les terroristes.
Dix jours après la signature de l’accord de paix par les séparatistes, l’insécurité s’est déplacée du Nord au Sud et à l’Ouest du pays. Misseni, Nara ou encore Fakola, du Nord la terreur a bougé vers le Sud et l’Ouest. Dans la nuit du mardi au mercredi 10 juin, la localité de Misseni dans le cercle de Kodiolo (région de Sikasso) a fait l’objet d’une attaque d’assaillants armés faisant un mort, deux blessés et un autre porté disparu. Le samedi 27 juin, des assaillants lourdement armés ont attaqué la ville de Nara, en deuxième région. Auparavant, le Centre du pays a subi la fureur de Amadoun Kouffa.
Cette généralisation de l’insécurité dans tout le pays est due aux insuffisances de l’accord de paix signé au forceps. En effet, comme l’a expliqué le Pr Joseph Brunet-Jailly, enseignant à Sciences Po, dans une contribution sur le Mali datant du 04 juillet « le pouvoir actuel manque cruellement d’inspiration, le jeu politique montre à l’évidence que ce régime ne se soucie que de perdurer, comme si la maison ne brulait pas toujours au Nord et comme si le Sud n’était pas lui aussi prêt à s’embraser ».
Et malheureusement, le Sud est déjà en feu. Et des risques d’attentats terroristes planent sur Bamako. Des alertes venus des représentations diplomatiques coupent le sommeil aux habitants de la ville des trois caïmans et les obligent à limiter les déplacements. « Les cérémonies du 15 mai et du 20 juin ne sont que des promesses, et beaucoup ont trouvé exagérées les protestations de fraternité et les exhortations à la paix qui y ont été prononcées : à vrai dire chacun tremble devant l’avenir. La paix n’est pas dans les cœurs, elle a été achetée au prix fort, un prix que l’on ne mesure pas encore d’ailleurs », ajoute plus loin l’éminent chercheur. Que vaut alors une paix achetée ?
Au lieu d’être attentive aux propositions de sortie de crise des acteurs politiques qui préconisent une conférence nationale inclusive pour une sortie de crise, l’Etat continue à faire la sourde oreille.
En effet, Soumana Sako, ex Premier ministre du Mali et Tiebilé Dramé, ex ministre des affaires étrangères du Mali…continuent à demander une « maliennalisation » du processus de paix à travers une concertation véritable, des concertations nationales inter maliennes. L’Etat Malien semble plus occupé à autre chose qu’à chercher une solution véritable de sortie de crise. Il est empêtré dans des problèmes de mal gouvernance. Après l’affaire de l’avion présidentiel, de l’équipement de l’armée, la presse fait ses choux gras de deux nouveaux problèmes de mal gouvernance à savoir : le dossier de l’engrais frelaté et la pénurie de passeport en plus de l’insécurité.
Dans le premier dossier, le ministre du développement rural Bocary Tréta a été interpellé deux fois de suite par les députés. Et dans le second, le ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile Sada Samaké est à sa troisième interpellation en trois mois par l’honorable Oumar Mariko. A quand la fin de cette impasse ?
Madiassa Kaba Diakité