Après l’Aid el Fitr (Ramadan) que la Communauté musulmane vient de fêter, pointe actuellement à l’horizon, l’Aid El Kebir (Tabaski). Pour cet évènement sacxré, ceux d’entre nous ayant les moyens préparent voyage pour la Mecque. Ce lieu sacré, situé à des milliers de kilomètres du Mali, est un mythe pour tous les musulmans. Mais, là, une autre pratique a pris de l’ampleur : La recherche du profit Chercheurs de Dieu et chercheurs d’argent vont bientôt s’y télescoper.
Tout musulman doit s’acquitter obligatoirement de ses cinq prières quotidiennes, donner la zakkat et se rendre au moins une fois à la Mecque (pèlerinage) dans sa vie. C’est ce que dit en substance le saint Coran. Si la prière et la zakkat sont une question de foi, le pèlerinage est quant à lui une question de moyen financier. Hier et plus que jamais aujourd’hui, le nombre des pèlerins est élevé dans les milieux nantis. Nous ignorons l’existence des voyages de charité.
Aujourd’hui, le coût d’une prière à la Mecque s’élève à plus de 2.000.000 millions F CFA. En dépit de cette cherté, les pèlerins se bousculent de part le monde à la satisfaction des compagnies de transport aérien. Ils se caractérisent par leur âge souvent très avancé d’où les cas de décès et de maladies au moment de prières. La vieillesse est l’âge recommandé pour se purifier l’âme et le corps au pied de la Kaaba. Cette pierre géante tombée du ciel et vénérée par tous les musulmans. La période de la vieillesse s’oppose à celle de la jeunesse, qui est le moment de toutes les folies et de tous les interdits. Cependant, une nouvelle race de pèlerins a fait son apparition depuis plusieurs années. Ce sont les Hadj et Hadja jeunes. Ils n’y vont pas tous dans le même but, mais la plupart rejoignent dans l’objectif certains vieux pèlerins : implorer Dieu pour avoir de l’argent. La foi est reléguée au second plan, ce fait trouve sa justification dans une croyance selon laquelle Dieu n’exauce qu’un seul vœu. Alors, vu la cherté du voyage, les demandeurs d’argent ne peuvent se permettre de lui soumettre d’autres doléances. Ce droit est réservé aux nantis qui peuvent se rendre aux différentes éditions et multiplier les vœux. Comme les autres, les pèlerins commerçants effectuent le pèlerinage, c’est au retour qu’ils font la différence. Entre deux prières, ils rasent les magasins, raflent les bijoux et les tissus généralement appelés tissus légers et tissus brodés (dentelles). Des articles très sollicités par les femmes. Parmi les articles, quelques objets fantômes tels le bracelet doré et les boucles d’oreille réputés guérir la tension artérielle. Plusieurs personnes les portent encore. Le concours des autres pèlerins est sollicité pour échapper au surplus de bagages.
Parallèlement à la Mecque où le grand pèlerinage n’a lieu qu’une seule fois, l’Arabie Saoudie, notamment la ville de Djeddah est pris d’assaut par les commmerçants constitués en majeur partie par les femmes. A la différence des pèlerins commerçants, ils ne se couvrent pas du manteau de la religion. Les articles importés sont sensiblement les mêmes à la différence de l’or saoudiens. Ils concernent les bijoux, d’une cherté légendaire, ils sont vendus entre 30 et 40 000 F CFA la boucle d’oreille (la paire), 75 000 à 100 000 F CFA la chaînette et les boucles et à près de 300 000 pour une parure complète (baguer, bracelet, chaînette, boucle…). L’or saoudien est arrivé à s’imposer sur le marché malien (surtout celui de Bamako) compte tenu de l’insuffisance de l’approvisionnement national. Malgré les mines d’or de Sadiola, de Siama et de Kalama réputées être parmi les plus importantes du monde, l’or demeure rare et très précieux pour les Maliens.
Mieux s’informer pour réussir
Comment emprunter le chemin de la Mecque ou de l’Arabie Saoudie pour faire du commerce ? Dans les deux cas, affirme Mme Hadja Bocoum, il faut avoir le minimum en poche (Ndir. 4 millions) compte tenu des frais (le billet, les marchandises, les frais de transit….). Elle précise que l’information est indispensable à la réussite du commerce, car pour cela dit-elle, il faut dans un premier temps traiter avec des habitués, avoir une parfaite connaissance du marché des pays d’accueil et au préalable de celui du Mali. Malgré le mesure de prudence, elle pense qu’il existe de multiples aléas, tels les vols de marchandises, l’insolvabilité des clients, la lenteur dans les paiements. Le paiement au comptant est un lointain souvenir au Mali pour ce qui concerne les marchandises vendues sur les lieux du travail ou dans les familles. La vente à crédit est partout utilisée dans ce système. Il consiste à éclater la dette en plusieurs mensualités.
Pour Mlle Aïssata Touré, « les jeunes filles rencontrent le plus de difficultés quand il s’agit du pèlerinage. Le poids des regards est lourd à supporter. Tous les jeunes ne vont pas à la Mecque dans le but de faire du commerce, certains sont animés d’une foi profonde tout comme tous les vieux n’y vont pas aussi tous pour implorer le pardon de Dieu. Je trouve que j’ai le droit de faire ce que je veux et c’est à Dieu de me juger ? ». Alors que pense réellement Dieu des pèlerins commerçants ?
L’amalgame est pêché, Dieu punira !
Selon M. Dahirou Haïdara, maître coranique à Ouolofobougou, cette pratique fait partie des éléments annonçant la fin du monde. Il s’interroge « comment peut-on substituer l’argent à Dieu ? Comment peut-on contraindre le saint Coran qui fait obligation à tout musulman ayant les moyens de se rendre au moins une fois de sa vie au pied de la Kaaba pour implorer Dieu. Oui implorer Dieu dans la mosquée de Médine, dans le couloir de Safa et Marwa, sur le mont de Mina… Comment avoir cette chance exceptionnelle et ne pas réellement en profiter ? Il conclut : l’argent dérivé du pèlerinage travesti est haram (péché), les coupables finiront dans les flammes de l’enfer le jour du jugement dernier ».
Pour Bakary Timbo, ancien professeur d’arabe, il n’est pas interdit de faire du commerce entre la Mecque, l’Arabie et le pays de son choix car dit-il, dans ces pays, les Arabes tiennent le commerce. Ce qui est condamnable, dit-il, c’est l’amalgame. Il est un péché. C’est lorsqu’on transforme le but du pèlerinage. Si dès au départ le but est défini, il n’y a aucun mal. C’est la fraude que condamne la religion musulmane.
Malgré les avis des leaders religieux et malgré la menace, des sanctions divines, le commerce entre la Mecque, l’Arabie Saoudite et le Mali (d’autres pays sont concernés) existe et est même florissant. Devant l’ampleur, l’on peut se demander si à l’avenir il y aura de vrais pèlerins, des pèlerins qui partent pour se purifier et si cette activité ne tuera pas à la longue la foi. Quelle pourra être dans ce cas la conséquence dans un pays réputé être à 90% musulman ? L’Amupi (Association malienne pour l’unité et le progrès de l’islam) et les autres associations religieuses pourront étudier la question en organisant des débats à travers la presse et surtout nous dire si ce phénomène était « Mectoub » (c’était écrit).
Djibril Kayentao