« Quand on fait une réforme à laquelle tout le monde adhère sans résistance, il y a lieu de s’interroger si l’on a fait le bon choix ». Cette conviction est du directeur national du Commerce et de la Concurrence Modibo Kéïta pour expliquer les réticences quant à l’interconnexion entre sa structure et la direction générale des douanes. Selon lui, en empruntant la voie du changement en profondeur, la DNCC marche forcement sur des intérêts pécuniaires colossaux. « C’est dire donc, que nous nous attendions naturellement à des résistances. Et c’est pour mieux éclairer la lanterne des usagers que nous avons entrepris de communiquer sur le système » a indiqué Modibo Kéïta. Lisez notre analyse.
Pour Modibo Keita, cette innovation de l’outil de travail a pour but d’améliorer la qualité de l’offre de services. Il a consisté à reprendre entièrement le parc informatique pour établir un réseau d’interconnexion entre le service informatique de la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence (DNCC) à celui de la Direction Générale des Douanes (DGD), d’une part et entre celles-ci à celui des Impôts. Le but ultime de cette innovation est d’empêcher, sinon de réduire au maximum le risque d’utilisation des faux documents dans le circuit des administrations de recettes.
Il permet de régler en même temps deux problèmes. D’abord le déficit fiscal, obligeant parfois l’Etat à mettre la main à la poche pour compléter le PVI à régler la note de BIVAC. Et en second lieu, l’épineux problème de concurrence déloyale entre les opérateurs économiques.
Le nouvel outil de travail s’appelle donc le Système de Gestion Intégré des Opérations du Commerce Extérieur (SYGOCE). Il offre d’énormes avantages aux utilisateurs à savoir la possibilité d’accéder à temps réel aux informations disponibles pour les utilisateurs ayant un profil. Ainsi, les utilisateurs de l’administration des Douanes de façon spécifique peuvent accéder à la base de données de la DNCC et de vérifier l’authenticité des intentions d’importation et d’exportation au cours des opérations de dédouanement. Les commissionnaires agréés en douane peuvent de leur côté par anticipation saisir leur demande d’intention dans le système, joindre les documents requis et les soumettre aux agents de la DNCC pour vérification et validation sans se déplacer (donc économie de temps et de moyens). Le comptable et les caissiers du PVI peuvent à leur niveau suivre l’état des versements et des paiements des contributions (donc il leur assure le recouvrement des dus en temps réel). Il permet à la société BIVAC d’accéder aux données des intentions d’importation émises par les services de la DNCC. Ce qui lui permet d’établir un tableau réel des intentions d’importations émises, réduisant le risque de fraudes à ce niveau. Au niveau de la DNCC, le système SYGOCE permet à l’administration locale de disposer de son propre système informatique comme recommandé par une mission du bureau du Vérificateur général. Enfin, le système est ouvert à tous les requérants impliqués dans la gestion du commerce extérieur et réduit le contact physique tout en assurant la transparence dans les opérations.
Il apparait donc que le SYGOCE est un intégrateur de solutions, qui permet à chaque partie de trouver son compte dans le circuit du commerce extérieur et améliorer ses performances.
Au regard des avantages qu’il offre, l’on peut dire que le SYGOCE s’inscrit en droite ligne de la facilitation des échanges par la réduction des coûts des transactions commerciales, la prévisibilité et la transparence dans les flux des échanges entre le Mali et l’extérieur. Sa mise en service a contribué à la modernisation des opérations au sein de la DNCC par une plus grande utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).
Il vise un échange dynamique et rationnel des données et informations en temps réel entre les administrations impliquées dans la gestion du commerce extérieur d’une part et entre celles-ci et le secteur privé d’autre part. Il contribue aussi à améliorer les recettes fiscales des services d’assiette.
La transparence instituée par le système permet d’empêcher certaines pratiques illégales dont l’objectif principal est la violation des dispositions des textes législatifs et réglementaires régissant le commerce extérieur et la fraude sur les droits et taxes qui sont essentiels pour le développement économique et social de notre pays.
L’exploitation des intentions apurées au cordon douanier et les recoupements avec d’autres sources d’informations ont permis de constater l’existence de circuits parallèles d’émission d’intentions.
Il s’agit donc d’éclairer l’opinion sur la pertinence du SYGOCE en mettant l’accent sur un certain nombre de points, notamment : le circuit d’émission d’intentions parallèles et ses conséquences sur les recettes du Programme de Vérification des Importations (PVI) ; la violation de la réglementation par le non respect des lieux d’exercice des commissionnaires en douane agréés (transitaires) ; le défaut de patente import-export ; le non respect de la réglementation en matière d’assurance transport ; les avantages du nouveau système pour les utilisateurs.
Le circuit d’émission d’intentions parallèles et ses conséquences sur les recettes du PVI
Pour échapper au paiement de la contribution du Programme de Vérification des Importations (PVI) qui représente 0,75% de la valeur FOB de la marchandise à l’importation, les faussaires émettent des intentions parallèles avec des faux cachets et signatures des administrations impliquées dans les émissions des titres du commerce extérieur (DNCC, Trésor, Impôts).
A titre d’illustration, en 2011, une mission, commanditée par le Conseil National du Patronat au niveau des bureaux des douanes de Kayes et de Diboli, a décelé pour les années 2009 et 2010, quatre cent seize (416) fausses intentions d’importation, uniquement pour le ciment, avec une perte de recette de 376 491 276 FCFA pour le PVI.
En outre, des minorations intentionnelles sont pratiquées sur les valeurs FOB des intentions d’importation par certains opérateurs pour payer le minimum de contribution PVI.
A titre d’exemple, pour une importation d’une valeur FOB réelle de 100 millions, l’opérateur économique indélicat fournit une fausse facture pro forma d’une valeur FOB de 10 millions. Après l’émission de l’intention, il falsifie la valeur de 10 millions à 100 millions et fait ainsi perdre au PVI un montant minimum de 675 000 FCFA.
La multiplication des telles manœuvres peut conduire à un déficit du budget PVI que l’Etat est obligé de combler pour payer les honoraires de la société d’inspection.
Les manœuvres frauduleuses au niveau des titres du commerce extérieur restent également importantes pour les intentions d’exportation notamment celles de l’or.
En 2014, suite aux opérations de vérification par la DNCC, des intentions d’exportation apurées d’or, 41 fausses intentions d’exportation ont été découvertes avec des centaines de millions de FCFA de droits et taxes éludés au détriment de l’Etat. Ces contrevenants sont actuellement poursuivis et sanctionnés conformément aux textes en vigueur.
Dans le cadre de la sécurisation des recettes du PVI, il apparait dans le rapport du Vérificateur Général, à l’issue de la vérification financière du PVI, que l’absence d’un dispositif de vérification adéquat des intentions d’importation après leur émission, permet à des commissionnaires en douane agréés de ne pas payer la contribution complémentaire PVI, lorsque la valeur Fob de l’intention est jugée minorée par la société d’inspection BIVAC ou la douane.
Le SYGOCE qui dote le Guichet Unique du Commerce Extérieur d’un système d’information adéquat permet d’éviter un tel contournement. Il met donc fin à l’utilisation des faux documents dans le circuit du commerce extérieur et permet de sécuriser les recettes de l’Etat et du PVI.
La violation de la réglementation par le non respect des lieux d’exercice des commissionnaires en douane agréés (transitaires)
Conformément aux dispositions de la Note N° 0152 / MEF-DGD- DRCRI du 20 avril 2015 de la Direction Générale des Douanes, un commissionnaire en douane exerce exclusivement dans le(s) bureau(x) qui figure(nt) sur sa décision d’agrément. Cependant, dans la pratique, il est courant de constater la violation de cette obligation, ce qui constitue une concurrence déloyale à l’endroit d’autres professionnels du secteur et une exonération des commissionnaires en douane du paiement de la caution exigée par bureau.
En violation de la réglementation en vigueur, des commissionnaires en douane agréés profitent de la faiblesse de la communication d’informations entre les administrations pour utiliser le numéro d’identification fiscal d’un opérateur économique au profit d’un autre. Cela empêche la Direction Générale des Impôts de cerner les activités commerciales menées par un contribuable faisant l’objet de vérification. En conclusion, avec le nouveau système, aucun commissionnaire en douane agréé ne peut plus bénéficier d’une intention lorsqu’il envisage d’exercer dans un bureau de douane pour lequel il n’est pas agréé.
Le défaut de Patente import-export
Avant la mise en œuvre de l’interconnexion des systèmes informatiques des Douanes et de la DNCC, des opérateurs économiques pouvaient lever des intentions d’importation et d’exportation sans disposer d’une patente, car le système ancien ne permettait pas leur suivi correct.
L’exploitation de l’etat des opérateurs économiques disposant de patente import-export en cours de validité en 2015 transmis par la DGI à la DNCC a permis de dénombrer 873 opérateurs détenteurs d’une patente Import-export en cours de validité contre 3167 opérateurs dans la base de données du Guichet Unique de la DNCC.
L’analyse de cette situation fait ressortir le nombre impressionnant de 2294 opérateurs économiques qui exerçaient l’activité d’import-export sans en avoir la qualité. Il convient de rappeler que le montant de la patente pour un import-export est de 1 200 000 FCFA pour la 1er classe, 800 000 CFA pour la 2ème classe, 600 000 FCFA pour la 3ème classe, 400 000 FCFA pour la 4ème classe et de 200 000FCFA pour la 5ème et dernière classe.
Le paiement correct de la patente par tous les opérateurs répertoriés dans la base de données du Guichet Unique de la DNCC contribuerait à augmenter substantiellement les recettes du Trésor Public au compte des impôts.
Avec le SYGOCE, aucun opérateur économique ne peut exercer la profession d’importateur exportateur sans détenir une Patente import-export en cours de validité.
Le Non respect de la réglementation en matière d’assurance des marchandises à l’importation
Les assurances sont régies au Mali par le code des assurances de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance ( CIMA), la Loi N° 81-78/ANRM du 15 août 1981 rendant obligatoire l’assurance des marchandises ou facultés à l’importation, la Loi N° 85-37 du 21 juin 1985 portant additif à la Loi N° 81-78 du 15 août 1981 rendant obligatoire l’assurance des marchandises ou facultés à l’importation, le Décret N° 314 PGRN du 5 décembre 1983 fixant les conditions d’application de l’obligation d’assurance des marchandises ou facultés à l’importation et l’Arrêté N° 3364 /MF-DNTCP portant application du Décret N° 314 PGRN du 5 décembre 1983 fixant les conditions d’application de l’obligation d’assurance des marchandises ou facultés à l’importation.
L’article 1er de la Loi N° 85-37 du 21 juin 1985 stipule : « les personnes physiques ou morales de droit public ou privé sont assujetties à l’obligation d’acheter FOB ou Coût et Fret et de souscrire une assurance auprès d’une société agréée au Mali pour toute importation de marchandises ou facultés sur le territoire de la République du Mali.»
L’article 7 du Décret N° 314 PGRN du 5 décembre 1983 fixant les conditions d’application de l’obligation d’assurance des marchandises ou facultés à l’importation dispose : « la délivrance de tout titre d’importation est subordonnée à la production de l’attestation d’assurance. »
Le SYGOCE intègre donc les dispositions des textes législatifs et réglementaires ci-dessus évoqués pour être conforme aux textes en vigueur.
L’esprit de ces textes vise à préserver les ressources en devises du Mali, à améliorer le déficit de la balance de paiements, à préserver et créer les emplois pour réduire la pauvreté.
Par contre, l’achat des services d’assurance dans les pays étrangers est une source de fuite de devises qui contribue à favoriser le développement économique de ces pays.
Note de synthèse de Mohamed A. Diakité
(Source DNCC)