A la requête de l’Urd de Soumaila Cissé et défendue par me Demba Diallo, la Cour suprême a annulé hier le décret n°2014-0218/P-Rm du 24 mars 2014 du gouvernement de la République du mali fixant la répartition de l’aide financière de l’Etat aux partis politiques au titre de l’année 201. Nous vous proposons en intégralité le compte-rendu du jugement.
REQUETE – MEMOIRE AUX FINS D’ANNULATION DU DECRET N°2014-0218/P-RM DU 24 MARS 2014 DU GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DU MALI FIXANT LA REPARTITION DE L’AIDE FINANCIERE DE L’ETAT AUX PARTIS POLITIQUES AU TITRE DE L’ANNEE 2013
A MESSIEURS LES PRESIDENT ET CONSEILLERS COMPOSANT LA SECTION ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME DU MALI
Le Parti Politique l’Union pour la République et la Démocratie ( U.R.D ) ayant son siège à Badalabougou, Rue 105 Porte 483 ; Tel : 20 22 86 42 / 20 22 86 40 Bamako, représenté par son Président , Monsieur Younoussi TOURE et ayant pour conseil Maître Demba TRAORE, Avocat à la Cour en l’étude duquel domicile est élu pour la présente et ses suites à Niaréla Rue 428, Porte 1336, près de l’Hôtel le Campagnard ; Tel : 20 21 01 46/ 75 25 80 99 Bamako- Mali ;
A l’Honneur de vous Exposer
Attendu que par décret n°2014-0218/P-RM du 24 mars 2014, le conseil des Ministres du Mali a fixé le montant de l’aide publique attribuée aux partis politiques au titre de l’exercice 2013 à 1.927.363.502 FCFA ; (pièce n°1)
Attendu que la clef de répartition annexée audit décret attribue la somme de 253.372.593 FCFA à l’URD ; (pièce n°2)
Attendu que l’URD n’a appris l’existence dudit décret qui ne lui a jamais été notifié qu’à travers le virement n°62649 en date du 17 avril 2014 de la somme sus visée dans son compte ouvert à la Banque Commerciale du Sahel SA ;( pièce n°3)
Attendu que le décret querellé, en indiquant qu’il concerne l’aide financière de 2013 et en tenant compte dans la clef de répartition des fonds des résultats des élections législatives de 2013, a manifestement violé la loi n°05-047 du 18 aout 2005 portant charte des partis politiques ;
Attendu qu’au terme de l’article 45 alinéa 1er de la loi n°96-071/ANRM du 16 décembre 1996 fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle : « La section administrative de la Cour Suprême ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée, sauf en matière de travaux publics… »
Attendu que la date du virement des fonds dans le compte de l’URD, c’est à dire le 17 avril 2014, pouvant être considérée comme la date de notification du décret querellé, il convient de recevoir en la forme le recours de l’URD pour avoir été exercé dans les délais conformément à l’article 45 précité ;
SUR LES IRREGULARITES CONSTATEES DANS LA REPARTITION DE L’AIDE FINACIERE :
Attendu pour éclairer la lanterne de la cour sur le processus du financement public des activités des partis politiques, il convient de rappeler certains articles de la loi n°05-047 du 18 Août 2005 portant Charte des Partis Politiques ;
Attendu que l’article 26 stipule que : « Tout parti politique doit tenir une comptabilité régulière et un inventaire de ses biens meubles et immeubles conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
Les documents et pièces comptables doivent être conservés pendant dix ans au moins.
Le délai de conservation commence à la clôture de l’exercice comptable. » ;
Attendu que l’article 27 rappelle : « Les partis politiques sont tenus de déposer au plus tard le 31 mars de chaque année leurs comptes annuels de l’exercice précédent auprès de la Section des comptes de la Cour suprême.
Cette juridiction établit au plus tard le 31 décembre de l’année en cours, un rapport annuel de vérification des comptes de l’exercice précédent qui est rendu public.
Ce rapport doit faire ressortir le compte général des recettes des activités lucratives du parti et l’état de déclaration des dons, legs et libéralités.
La Section des comptes procède à la vérification de la moralité des recettes et des dépenses, ainsi que de la sincérité des comptes du parti. Elle peut exiger toutes justifications et explications nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle a accès à tous documents, états de caisse et livres journaux.
La vérification peut s’étendre à toutes les structures du parti. » ;
Attendu que l’article 29 précise en ces termes: « Les partis politiques bénéficient d’une aide financière de l’Etat inscrite au budget de l’Etat à raison de 0,25 % des recettes fiscales.
Le montant annuel des crédits affectés au financement des partis politiques est divisé en quatre fractions :
une première fraction égale à 15 % des crédits est destinée à financer les partis ayant participé aux dernières élections générales législatives ou communales ;
une deuxième fraction égale à 40 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre des députés ;
une troisième fraction égale à 35 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre des conseillers communaux.
une quatrième fraction égale à 10 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre de femmes élues à raison de 5 % pour les députés et 5 % pour les conseillères communales.
Le nombre de députés, de conseillers communaux et de femmes élues de chaque parti est celui obtenu lors du dernier renouvellement général des mandats, sous réserve des cas de réajustements consécutifs à des élections partielles. » ;
Que l’article 30 évoque les obligations des partis politiques en ces termes : « Les obligations des partis politiques éligibles à ces différentes subventions sont les suivantes :
justifier la tenue régulière des instances statutaires du parti ;
disposer d’un siège national exclusivement destiné aux activités du parti distinct d’un domicile ou d’un bureau privé ;
disposer d’un compte ouvert auprès d’une institution financière installée au Mali ;
tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles et présenter les comptes annuels à la Section des comptes de la Cour suprême au plus tard le 31 mars de chaque année ;
justifier dans les conditions prévues à l’article 27, d’un compte dont la moralité et la sincérité sont établies par le Rapport de vérification de la Section des comptes de la Cour suprême ;
justifier de la provenance de ses ressources financières et de leur utilisation ;
avoir participé aux dernières élections générales législatives ou communales.
La production de faux bilan par tout parti politique entraîne la perte du droit au financement public pour l’année suivante, sans préjudice de poursuites judiciaires. » ;
Attendu que l’article 31 de ladite loi explique que : « La répartition des aides auxquelles a droit chaque parti politique sera retracée dans un tableau annexé à un décret pris en Conseil des Ministres. Les montants non affectés seront reversés au Trésor Public à la clôture de l’exercice budgétaire. » ;
Attendu qu’une simple analyse de ces articles permet aisément de comprendre les conditions d’éligibilité au financement public. Lesdites conditions doivent être respectées dans leur intégralité ;
Attendu que le non-respect d’une seule de ces conditions entraîne l’inéligibilité du parti concerné ;
Attendu, aussi bien en fait qu’en droit, que le financement public de l’année 2012 se rapporte à l’exercice comptable de 2012 ;
Que ce financement ne peut être disponible en réalité que courant 2014 dans la mesure où les comptes annuels de 2012 sont déposés à la Section des Comptes de la Cour Suprême au plus tard le 31 Mars 2013 ;
Qu’il faut également attendre le rapport de vérification de la Section des Comptes de la Cour Suprême qui établit la moralité et la sincérité des comptes, l’une des conditions d’éligibilité au financement ;
Que ce rapport doit être disponible au plus tard le 31 Décembre 2013. Dans ce cas, il est évident que l’octroi de la subvention n’est possible que courant 2014 ;
Que dès lors, le Décret pris en Conseil des ministres et qui fait référence à l’aide financière de l’Etat accordée aux partis politiques au titre de l’année 2013, viole manifestement la charte des partis politiques. Les documents comptables relatifs à 2013 doivent être déposés au plus tard le 31 Mars 2014, lesquels doivent être vérifiés par la Section des Comptes de la Cour Suprême et faire l’objet d’un Rapport à publier au plus tard le 31 décembre 2014 ;
Attendu que si le rôle de la section des comptes de la cour suprême se limite in fine à proclamer la liste des partis politiques éligibles au financement public de l’Etat, la gestion dudit financement relève de la Délégation Générale aux Elections conformément à l’article 25 de loi n°06-044 du 04 septembre 2006 modifiée portant loi électorale;
Attendu que la Délégation Générale aux Elections doit procéder à la répartition de l’aide en tenant compte uniquement de la liste de partis politiques déclarés éligibles par la section des comptes après examen de documents comptables qui ignorent les résultats des législatives de 2013 ;
Que le Décret querellé, en retenant les résultats des élections législatives tenues en fin 2013 dans la répartition de l’aide, certainement sur proposition de la Délégation Générale aux élections, a également péché dans la mesure où logiquement et sur le plan purement comptable, les résultats desdites élections ayant permis aux élus de la Nation de débuter officiellement leur mandat à compter du 01er janvier 2014 au sens de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle n° 2013-12 /CC-EL du 31 décembre 2013 portant proclamation des résultats définitifs du deuxième tour de l’élection des députés à l’Assemblée Nationale (pièce n°4), ne peuvent être combinés avec le reste des conditions d’éligibilité énumérées dans la Charte des Partis, entre autres le dépôt des comptes annuels de 2012 ;
Que le terme « dernier renouvellement général des mandats » contenu dans l’article 29 de la charte des partis, doit être forcément lié à la période afférente à l’exercice comptable. C’est pourquoi, s’il était possible de situer le renouvellement général des mandats des élus en dehors de l’exercice comptable concerné, des partis politiques ayant participé aux dernières élections législatives tels que les FARE allaient bénéficier de la subvention ;
Que le mandat des députés ayant débuté leur fonction en 2014 doit être pris en compte dans l’exercice de 2014 ;
Que de tout ce qui précède il convient de constater que la subvention octroyée cette année aux partis politiques est relative à l’année 2012 et la répartition qui en a été faite doit tenir compte des résultats des élections législatives de 2007 en application de la loi n°05-047 du 18 août 2005, laquelle loi a été purement et simplement ignorée par le décret puisque absente parmi les textes y visés;
Attendu qu’ aux termes de l’arrêt de la cour constitutionnelle n° 07-179 CC-EL du 10 août 2007 portant proclamation des résultats définitifs du deuxième tour de l’élection des députés à l’Assemblée Nationale, l’URD a obtenu 34 députés ;(pièce n°5)
Que le nombre officiel de député de l’URD étant de 34 au 31 décembre 2013, la clef de répartition de l’aide devait plutôt tenir compte de ce nombre au lieu des 17 sièges obtenus par le parti au sortir des législatives de 2013 ;
Attendu que la cour suprême doit nécessairement corriger cette volonté du gouvernement à la fois d’enrichir indument certains partis politiques tel que le Rassemblement Pour le Mali (RPM), parti du Président de la République, qui n’avait que 11 députés en 2007, et de priver d’autres tel que l’URD de la totalité de la subvention qui doit leur revenir de droit ;
Que dès lors, le décret querellé doit être purement et simplement annulé ;
PAR CES MOTIFS
Et tous autres à déduire ou à suppléer au besoin d’office ;
En la forme : Recevoir le recours de l’URD ;
Au fond : Annuler le décret n° 2014-0218-PRM du 24 mars 2014 et son annexe ;
Statuant à nouveau : Dire et juger que l’aide publique accordée à l’URD suivant le virement n°62649 en date du 17 avril 2014 dans son compte n°01251107007118 ouvert à la Banque Commerciale du Sahel est relative à l’année 2012 ;
Dire et juger que le montant de ladite aide sera revu en tenant compte des résultats des élections législatives de 2007 proclamés par la cour constitutionnelle suivant arrêt n°07-179/CC-EL du 10 aout 2007 ;
Sous toutes réserves
Bamako, le 09 juin 2014
POUR L’URD
LE CONSEIL
Maitre Demba TRAORE