La démission au forceps de Cheick Modibo Diarra dans un camp militaire n’est que l’épilogue d’un feuilleton qui a défrayé la chronique au Mali en ce début de semaine.
Tôt le lundi matin, l’information circule : «il semblerait que la junte de Kati a intimé à l’Ortm de faire un embargo sur le Premier Ministre Cheick Modibo Diarra». En présage de quoi ?
Une information qu’on tente de vérifier toute la journée durant, mais en vain. Joints, certains proches de Cheick Modibo Diarra balayent d’un revers de main cette information. Ils nous traitent même d’oiseaux de mauvais augures, à la solde de ses adversaires. Ils nous invitent, en outre, à rester devant le petit écran dans la soirée, parce qu’une déclaration importante sera faite par le Premier Ministre avec pleins pouvoirs. Mais contre toute attente, vers 18 heures 50 minutes, le même jour, un autre message venant d’une des instances actuelles de la transition nous informe que ‘’ le PM a été empêché de faire son adresse à la nation pour faute de cassettes à l’Ortm’’. Cette information qui confirme donc la première qu’on a reçue tôt le matin ne fait que susciter davantage notre curiosité. Dans le même temps, nous apprenons que quelque chose se passait à l’Aéroport International de Bamako Sénou où Cheick Modibo Diarra doit prendre son avion (Air France) dans la soirée pour Paris (France). Effectivement, quand nous nous rendons sur les lieux, nous sommes reçus par de jeunes gens en civil (des militaires en réalité) qui contrôlent systématiquement tous les véhicules qui passent. Ce qui frappe surtout notre attention, c’est l’agitation de ces jeunes et le véhicule de transport en commun, une Sotrama de couleur verte, qui barre carrément l’accès à l’Aéroport. L’autre fait remarquable étant la présence d’hommes armés devant le salon d’honneur et d’autres qui se pavanent fièrement dans l’enceinte de l’Aéroport.
C’est après certains recoupements qu’on apprend que Cheick Modibo Diarra vient d’être conduit au camp militaire de Kati. L’information nous est d’ailleurs confirmée par un de ses amis qui nous fait savoir qu’il a été effectivement arrêté par des hommes armés et conduit à Kati. Vers le petit matin du mardi 11 décembre 2012, le monde entier suit en direct sa fameuse déclaration de démission.
Qu’est ce qui s’est réellement passé ?
De sources sûres, dans la soirée du lundi 10 décembre, Cheick Modibo Diarra est chez lui avec son grand frère et non moins ancien Vérificateur Général et conseiller à la primature, Sidy Sossoh Diarra, et son beau frère Idi Traoré, fils de l’ancien dictateur Moussa Traoré.
Selon les mêmes sources, ces derniers sont venus lui demander d’annuler son voyage à Paris malgré son rendez-vous avec son docteur. Ayant accepté cette demande pressante de son grand frère, nous indique t-on, il aurait envoyé son attaché de cabinet, un certain Tall récupérer non seulement ses bagages à l’Aéroport, mais aussi et surtout amener sa fille ainée arrivée de New-York (Etats-Unis). Après le départ de ses visiteurs, Cheick Modibo Diarra se retire dans son salon. Peu après, vers 23 heures, un groupe de militaires lourdement armés débarquent chez lui. Après avoir désarmé sa garde rapprochée et tous ceux qui sont chargés de veiller sur sa sécurité et sur celle de sa famille, ils frappent à la porte de son salon. Précision de taille de notre source : la porte n’a jamais été défoncée. Cheick Modibo Diarra demande ‘’ qui est à la porte ? ‘’. Les militaires répondent ‘’ on a besoin de toi’’. Et Cheick Modibo Diarra de répliquer ‘’j’arrive’’.
Après avoir ouvert la porte, explique notre source, il est arrêté manu-militari devant sa femme et ses enfants, et conduit vers Kati. Là, au cours d’un entretien avec le capitaine Amadou Haya Sanogo, il apprend les griefs qui sont nourris contre lui. A savoir, son incapacité à mener à bien la mission à lui confiée. Pire, il aurait été accusé de vouloir déstabiliser le pays par le biais des concertations nationales qu’il veut coûte que coûte imposer à la Nation. Selon les mêmes sources, le capitaine Sanogo détient, et les lui a montrées, toutes les preuves de ces accusations, y compris les noms des acteurs, les modes opératoires et l’agenda de ces actions de déstabilisation et de violence programmées. De plus, le capitaine lui aurait rappelé toutes les fautes qu’il a commises contre l’intérêt du pays depuis sa nomination à la primature.
Mais tout cela a été fait sans aucune brutalité. En effet, le Premier ministre lui-même aurait révélé, plus tard, à un de ses proches qu’il n’a jamais été violenté. Seulement, ses enfants ont été traumatisés, surtout sa fille aînée, qui vient tout juste d’arriver de New-York, et son petit garçon de 10 ou 12 ans. Selon la même source, les militaires l’obligent à démissionner de son poste sous le coup de menaces. Aux dernières nouvelles, après sa démission, l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique au Mali aurait récupéré tous les trois enfants de Cheick Modibo Diarra parce qu’ils ont tous la nationalité américaine. Son parti, le Rassemblement pour la Démocratie au Mali (RpDM) et ses partisans à l’intérieur du Mali ne décolèrent point. Son parti est plus qu’indigné non pas pour sa démission forcée, mais par la manière dont il a été nuitamment agressé avec des armes de guerre. Quant à ses partisans à l’intérieur du pays, et Dieu seul sait qu’ils sont très nombreux, ils sont très remontés contre le sort qui a été réservé à leur mentor.