La visite à Kidal du nouveau chef d’état major de la Force de la Minusma, a été une opportunité pour des journalistes maliens de fouler cette terre malienne, dont beaucoup de Maliens sont nostalgiques, depuis les évènements de mai 2014. Après avoir passé deux jours et une nuit dans la capitale du Teghareghare, et rencontré des responsables des groupes armés de la CMA, et après une longue balade dans les rues de cette ville, nous vous ouvrons les portes de Kidal et vous livrons en exclusivité la ‘’récolte’’ que vous attendez. Reportage !
Ce mercredi 22 juillet à 11h 50 mn atterrît à Kidal l’hélicoptère RA 25 542 des Nations-Unies, transportant le Général français Hervé Gomart, nouveau chef d’état major de la Force de la Minusma. Le chef du Bureau de la Minusma à Kidal, Christophe Sivillon et ses collaborateurs ont réservé un accueil chaleureux au Général Hervé Gomart. Les visiteurs civils, les quatre journalistes (L’Essor, France 24, Radio Mikado et Le Républicain), ont eu comme premier interlocuteur, l’officier régional de sécurité, Vincent Malle, qui a eu un langage dénué de toute ambiguïté : c’est qu’il peut y avoir une attaque à tout moment, ou des tirs de mortiers et de roquettes, venant des groupes armés.
Il prévient les visiteurs civils, juste à leur arrivée, sans attendre et leur donne des consignes en cas d’attaques armés contre le camp, ou de tirs de roquettes, auxquels tout le monde s’attend à tout moment, dans ce camp 2 où se trouve la Force des Nations-Unies à Kidal. L’entretien avec ce responsable a eu lieu dans son bureau (Bureau de sécurité) où il a briefé les quatre journalistes dans cette mission de prise de contact du chef d’Etat major de la Force de la Minusma. A l’aide d’un bâton, il montre sur une carte de la ville de Kidal, les différents quartiers : Centre ville, Etambar, Aliou, Intidbane. Vincent Malle explique qu’il y a les deux camps de Barkhane et le camp 2 qui abrite la Force de la Minusma.
Danger de mort
Le camp de la Force étant sous menace permanente avec, par intermittence, des tirs de mortiers et de roquettes, vous devez vous attendre à toute éventualité. Les attaques du camp sont arrivées chaque cinq à six semaines, mais ça peut arriver à tout moment, en général entre 4 et 5 heures du matin. Il est prévu pour chacun une veste (gilet pare-balles) et un casque qu’il faut toujours avoir porté ou à portée de main.
« Si jamais, ça arrive demain matin restez dans votre conteneur et enfilez votre gilet, vous vous couchez par terre et ne bougez pas, jusqu’à ce qu’on vienne vous chercher. Mais si c’est la roquette qui tombe sur votre conteneur, vous êtes morts », explique sans détour à ses hôtes, l’officier régional de Sécurité, Vincent Malle. Selon lui ces attaques durent généralement 30 mn et les assaillants se replient, mais tout dépend des munitions à leur disposition, précise-t-il.
Les mines constituent la deuxième menace dans cette zone de guerre. « Ils posent des mines et n’attendent pas les résultats », explique Vicent Malle. Faites attention là où vous mettez les pieds, soyez vigilants.
La troisième menace qui vous guette à Kidal est le kidnapping, comme ce fut le cas de nos confrères Ghislaine et Claude en novembre 2013. « Le risque de kidnapping est très important. Pendant le tour de la ville, il est interdit de sortir de la voiture blindée. Je ne prends pas le risque avec vous, après le cas de Ghislaine et Claude. La situation est tendue et ça peut dégénérer à tout moment», selon l’officier régional de sécurité. Enfin la dernière menace est le climat, indique-t-il. Le temps était devenu clément ce mercredi, avec une température de 40 °. No comment.
Au pas de charge
L’Etat major du Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad) se trouve au nord du quartier d’Etambar. Il y aura une rencontre des journalistes avec le bureau de la CMA, et une balade dans la ville, après un briefing de la Coordination de sécurité des forces, dans la principale salle de réunion du camp de la Minusma, une rencontre avec Unpol (la Police des Nations-Unies). Tour à tour, les différentes unités seront visitées par le chef d’Etat major de la Force de la Minusma, le Général Hervé Gomart, en compagnie du Colonel Adoum Ramadane Baroua, Commandant du Secteur nord.
A noter que la Force militaire de la MINUSMA opère dans le nord du Mali dans les secteurs nord (Kidal, Tessalit et Aguelhoc), secteur Est (Gao, Ménaka et Ansongo) et le secteur Ouest (Tombouctou, Diabaly, Douentza, Goudam, Gossi, Mopti et Sévaré). Mais celui de Kidal sous le Commandement du Colonel tchadien Baroua, est sans doute « le secteur le plus délicat » pour les Nations-Unies, car comportant des implications politiques complexes. Une phase importante de la visite du chef d’état major de la Force de la Minusma, sera celle de l’aéroport international de Kidal pour programmer sa réouverture.
Hop... en ville !
C’est l’heure de sortir du camp pour aller dans la ville. Les derniers tirs de mortiers (mortiers de 120 mm) datent du 6 mai dernier, nous précise Christophe Sivillon, le chef du Bureau de la Minusma, ou le représentant de Mongi Hamdi à Kidal. Sur un ton humoristique, il nous apostrophe : « et le dernier journaliste en visite dans la ville de Kidal, c’est depuis quand ? Ça fait un évènement quand même ! ».
On ne sait pas s’il ironise ou s’il le pense réellement. Cette première sortie dans la ville ne concerne que les quatre journalistes : deux de la presse écrite (L’Essor et le Républicain), un de la radio (Mikado, la radio des Nations-Unies) et un de la télévision (France 24). Nous avançons vers la voiture blindée qui sera conduite par l’officier régional de sécurité, Vincent Malle. Tous à bord d’un véhicule sans escorte pour cette sortie. Il est 13h 30 mn. La première étape sera le siège du Mnla pour rencontrer la CMA. La ville n’est pas peuplée de ses 11 159 habitants, une partie de la population ayant fuit la guerre, en se déplaçant à l’intérieur.
Des habitants se sont également réfugiés dans les pays voisins de la Mauritanie et du Burkina Faso, et dans une certaine mesure au Niger. A Kidal cependant la vie continue, les marchés sont ouverts, mais les étalages ne bondent pas de marchandises. Dans la ville, c’est le drapeau du Mnla qui flotte et les murs sont aux couleurs de ce mouvement. Nous passons devant la maison abandonnée de Iyad Ag Ghaly, et celle de Cheick Haoussa, qui se font presque face. Puis le siège du Haut conseil de l’unité de l’Azawad (Hcua), en réalité le siège de l’ancienne Assemblée régionale, annexé par le Hcua.
Reçus par Ag Bilal
Devant une cour, nous apercevons de loin deux hommes armés en uniforme militaire et enturbannés. C’est le siège du Mnla. Le premier que nous dépassons se tient à un poste suffisamment avancé pour qu’il aperçoive au loin, tout mouvement vers le siège. Un autre se tient devant le portail de la cour.
Une plaque placée suffisamment haut sur le mur d’un bâtiment à l’entrée, indique : « le siège du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) Kidal ». Le protocole est là et guide les visiteurs dans une grande salle de réunion où nous avons été installés par des collaborateurs du Secrétaire général du Mnla, Bilal Ag Acherif. Lui-même arrive quelques minutes plus tard et se dirige vers une autre salle où il reçoit l’équipe de journalistes. L’hospitalité était au rendez-vous : du thé fait comme à Bamako (avec de la mousse), eau minérale et sucrerie glacée, salle climatisée. La rencontre, qui visiblement n’était pas préparée, a pris l’allure d’une conférence de presse improvisée et sans discours introductif.
Cette causerie qui a duré une heure, a tourné autour de nombreuses questions dont le quotidien des Kidalois, comment la ville de Kidal est-elle approvisionnée en produits de première nécessité, en cette période de crise ? Le processus de paix n’est pas demeuré en reste. Peut-on espérer sur une paix définitive après la signature de l’accord ? Pourquoi des attaques continuent-elles malgré la signature de l’accord ? Bilal futur ministre ? L’assassinat de nos confrères Ghislaine Dupont et Claude Verlon, la sécurité des journalistes à Kidal ont été abordés à bâton rompu (nous y reviendrons).
Bilal Ag Achérif avait à ses côtés, le chargé de communication du Mnla, Moussa Ag Acharatoumane qui a servi d’interprète, et trois autres collaborateurs de Bilal qui ont décliné leurs fonctions. Il s’agit de Zeid Ag Mohamed, Coordinateur de la Commission administrative et de gestion de la région de Kidal ; Mohamed Ag Ghaly, Chef de Cabinet du Secrétaire général du Mnla, Bilal et enfin Altanata Ebalagh, membre du Bureau de la CMA.
Boukary Daou, envoyé spécial à Kidal