Chacun de nous, à tout moment, si nous nous trouvons au Mali, peut être admis de toute urgence au CHU-Gabriel TOURE. Nos parents, maris, épouses, enfants, amis ou autres proches peuvent y être également conduits. Pouvons-nous alors être certains que toutes les conditions seront réunis pour nous donner des soins de qualité au sein de cet établissement hospitalier de 3e référence ?
Situé au cœur de la capitale malienne, Gabriel TOURE est l’hôpital d’urgence du Mali. Vous avez 95% de chances d’y être conduit quel que soit votre rang social si votre état de santé arrivait à nécessiter une prise en charge médicale urgente (Cas d’un milliardaire malien qui y investira plus tard, d’un Général de l’armée, de victimes d’inondations, d’accidents de la circulation, de foudres, d’attentats, de hautes personnalités et de nombreux autres citoyens étrangers).
Seriez-vous en état d’exiger qu’on tienne compte de vos grades et/ou de vos rangs dans les soins à vous apporter en attendant l’arrivée d’éventuels parents ou amis?
Au CHU Gabriel Touré où je travaille, nos cafards, rats, moustiques et vers ne tiendront pas compte de votre rang de Ministre d’état ni de votre fortune, encore moins de votre plume de journaliste ou de votre dictaphone. Sans pitié, ils vous piqueront, contamineront, malmèneront jusqu’à ce que vous vous rappeliez que vous auriez dû faire quelque chose pendant que vous pouviez encore pour cet hôpital.
Quel que soit votre fortune ou rang social, une fois admis dans notre Hôpital, le personnel s’occupera de vous avec des moyens dérisoires. En entendant que vous fassiez connaissances avec nos salamandres et cafards, le médecin réfléchira à où vous envoyer pour des examens complémentaires qui ne sont pas faisables chez nous.
Eh oui c’est la triste réalité ! Un simple scanner, une simple échographie, il faut vous trimballer avec vos fractures ouvertes à travers toute la ville avant de revenir constater qu’on a pu vous trouver un drap de lit dans la friperie devant l’hôpital. Les premiers soins pourront enfin commencer. Il faut vous conditionner pour votre évacuation vers le Maroc, la Tunisie ou l’Europe puisque vous avez les moyens. Êtes-vous certains qu’on a donné suffisamment de gants à l’infirmier pour ce faire et qu’il a correctement désinfecté son matériel avec de l’alcool qu’on ne lui donne plus ?
Vous avez de la chance, on vous transfert ailleurs, peut être dans une clinique privée mieux équipée qu’un hôpital National de 3e référence mais Doudou, le vendeur de carte de recharges que vous avez percuté avec votre V8, reste avec nous. Il est installé à sol à côté de Badjelika votre voisine qui a été brulée dans un incendie il y a trois jours et qui reste encore dans cette grande salle sans climatisation.
Doudou est aussi malien, il se tord de douleur, il a une fracture du fémur et un traumatisme crânien. Il n’a aucun moyen ni répondants. Pas de soucis, la loi hospitalière exige qu’on le soigne d’abord avant de penser à de l’argent. Eh oui il faut le soigner, mais comment ? Avec quoi ? Il a besoin de scanner, de radios, de beaucoup de médicaments et d’analyses de sang. Pauvre Doudou demande si tu peux à la vielle Badjelika.
A Gabriel Touré, les armoires d’urgences sont vides, la pharmacie hospitalière sacrifiée pour uniquement faire mal à un seul homme puisqu’il est syndicaliste, le laboratoire n’existe que de nom, le personnel démotivé puisque leurs droits piétinés, les chefs de services dépassés, des recettes dissimulées, des gardiens furieux, des bâtiments délabrés, des salles d’hospitalisations pires que les cellules de prisons, les travailleurs et usagers exposés à toutes sortes de risques, des toilettes publiques fermées puisque remplies, des poubelles puantes au cheveu des malades, des sachets noirs remplis de défécations et jetés dans la cour ou dans des poubelles ouvertes, un syndicat hésitant, une Direction somnolente, absente, incompétente et insensible à notre calvaire et un Ministère soucieux du seul futur remaniement.
A Gabriel TOURE tout manque depuis toujours et tout le monde le sait.
Dans ses conditions ou va mon pays ?
Djimé Kanté, responsable syndical au CHU Gabriel Touré