Du 28 Juillet au 3 Août, nous avons mené une série d’enquêtes et d’entretiens dans la ville de Gao. Dans cet article, nous vous livrons la teneur de la rencontre que nous avons eue avec le Gouverneur de la région de Kidal, le Colonel Major Adama Kamissoko, dans le quartier Château de Gao, où se trouve QG depuis le 11 mars 2015.
Dans le bâtiment imposant qu’il occupe se trouvent à la fois le Gouvernorat de Kidal délocalisé à Gao (au rez-de-chaussée), sa résidence (à l’étage), les annexes qui constituent les bureaux des Préfets et une immense cour, qui abrite les véhicules administratifs, jalousement surveillés par des gardes des deux côtés Est et Ouest.
Ce 30 Juillet, aux environs de 10 heures, nous nous sommes rendus sur le territoire kidalois situé au cœur de Gao. Sans grande difficulté, les gardes nous ont laissé pénétrer dans l’enceinte du bâtiment. Là, nous avons trouvé un grand monde, dans un vacarme assourdissant.
Quelques minutes après, ces personnes ont été invitées à s’installer dans la salle de conférences. Un séminaire était organisé à leur intention. Les participants, au nombre d’une cinquantaine, étaient des ressortissants de Kidal. Parmi eux, des élus locaux, des personnes ressources et des déplacés de Kidal à Gao, dont des femmes et des jeunes. Le thème de la formation portait sur la restauration de l’autorité de l’Etat et la gouvernance locale.
Co-organisé par la MINUSMA et le Gouvernorat de Kidal, cet atelier a permis aux participants de réfléchir sur des thématiques aussi importantes que variées, comme le renforcement de la confiance et la reprise des services publics et la compréhension de la notion de confiance et sa nécessité pour le dialogue et la gouvernance au niveau local.
La Division des Affaires Civiles de la MINUSMA avait déployé ses experts, qui ont fourni d’énormes efforts pour répondre aux questionnements des uns et des autres, relatifs à la nécessité d’accès aux services sociaux de base, à la confiance entre élus locaux et citoyens et entre ces derniers et l’Etat. L’accord d’Alger, sa mise en œuvre et la réconciliation nationale se sont également invités aux débats.
A la pause-café, nous avons abandonné les séminaristes pour un entretien avec le Gouverneur de la Région de Kidal, le Colonel Major Adama Kamissoko. Il était installé seul, dans un immense bureau, assis dans un fauteuil ministre, devant une table portant un ordinateur et une imprimante. Aucun dossier n’était visible sur la table.
Nous l’avons salué en ces termes: «Bonjour, Monsieur le Gouverneur». «Ah! Les gens de Bamako viennent nous voir. J’en suis vraiment heureux », nous a-t-il répondu. Après les salutations d’usage, il nous a conviés à nous installer dans un fauteuil confortable, en face de lui.
Comment se fait-il qu’un Gouverneur de Kidal loge à Gao? «Vous savez, depuis les évènements de Mai 2014, l’administration malienne n’est plus dans la région de Kidal. C’est à partir de Gao que nous essayons d’administrer Kidal». Cela est-il possible? «Nous faisons de notre mieux», a-t-il dit.
Il s’est alors mis à nous expliquer son travail en faveur de sa région. D’abord, il nous fera remarquer que la région de Kidal loue cinq (5) bâtiments à Gao, pour les différents Préfets, Sous-Préfets et Directeurs Régionaux. «A partir de Gao, nous recevons les ressortissants de Kidal. Nous établissons des actes de naissance, des cartes d’identité et nous faisons face aux besoins des déplacés de Kidal à Gao, grâce aux soutiens multiformes du ministère en charge de l’Action Humanitaire et du Développement des Régions du Nord, qui met des dons à notre disposition.
Nous avons recensé 390 ménages. Chaque ménage comprend 7 à 10 personnes. Certains déplacés ont des difficultés pour payer la location, l’électricité et bien d’autres choses. Nous essayons de les soulager selon nos moyens. Ils sentent qu’ils ont une administration de proximité, qui s’intéresse à leurs préoccupations », dira le Colonel Major.
En outre, il a laissé entendre que, de Gao, il reste attentif aux problèmes d’eau et d’électricité de la région, ainsi qu’au développement du cheptel. C’est ainsi que le gouvernement a envoyé un groupe de 100 KVA récemment à Tessalit. Le cheptel en difficulté à été sauvé par le Commissariat à la Sécurité Alimentaire, qui a mis 400 tonnes d’aliment bétail subventionné à la disposition de la région, à 117 000 FCFA la tonne. Les 11 communes de la région ont toutes enlevé leurs quotas, ce qui a permis d’éviter la décimation du bétail.
Ce n’est pas tout. Le Colonel Major Adama Kamissoko nous a fait savoir que la révision exceptionnelle des listes électorales de Kidal s’était également déroulée à partir de Gao, dans de bonnes conditions. En effet, selon lui, les Sous-Préfets ont travaillé avec les Commissions administratives et ils étaient en contact permanent avec les résidents de la région. Ainsi, 200 à 300 personnes ont été radiées et ceux qui ont l’âge de voter ont été automatiquement inscrits.
Autre signe d’intérêt pour la région, la tenue des élections consulaires de la CCIM, avec une seule liste, consensuelle, et la tenue du Conseil exécutif de l’Agriculture. Dans le garage du Gouvernorat de Kidal, nous avons effectivement pu lire les différentes listes électorales, bien affichées au mur, et la liste consensuelle de la CCIM.
Dans le domaine sécuritaire, Kidal constitue la 7ème région militaire. Tous les jeudis, autour du Gouverneur Kamissoko, se tient une réunion sécuritaire, sans la Police et la Gendarmerie, qui manquent toujours à l’appel. L’effectif militaire de Kidal appuie généralement les éléments de Gao.
Actuellement, le Chef de l’Exécutif régional de Kidal, qui multiplie les contacts avec les notabilités et les chefs de fraction de sa région, a comme préoccupation essentielle le retour des réfugiés et déplacés. Certains sont déjà rentrés, d’autres s’apprêtent à leur emboiter le pas. En tout cas, malgré les difficultés, le Gouverneur Kamissoko veut faire croire à la population de Kidal qu’elle n’est pas abandonnée.
Chahana Takiou, depuis Gao