L’histoire retient que c’est le chef de l’ex-junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo qui a imposé l’ex-interplanétaire de la Nasa, Dr. Cheick Modibo Diarra comme Premier ministre au Mali après le malheureux coup d’Etat du 22 mars 2012. Huit mois après, ce sont les militaires qui ont mis fin à sa mission. Retour sur un véritable suicide politique.
A ce sujet voici une anecdote qu’un membre du club du défunt CNRDRE nous a rencontré : un soir au cours d’une causerie intime bien arrosée au QG de la junte à Kati, le capitaine Sanogo a soutenu mordicus que le président américain, Barack Obama ne va pas au lit sans appeler Cheick Modibo Diarra. Histoire de faire comprendre à ses compagnons qu’avec l’ex-navigateur interplanétaire de la Nasa, le Mali va très vite se tirer d’affaires, retrouver la confiance perdue auprès des partenaires techniques et financiers pour la reconquête du Nord. En son temps, des rumeurs circulaient à Bamako que les Américains allaient envoyer des drones pour anéantir les bandits terroristes confortablement installés au nord du Mali à la faveur du tristement célèbre coup d’Etat du 22 mars 2012.
Le tandem capitaine Sanogo-Cheick Modibo Diarra était devenu si puissant que les forces vives du Mali ont assisté impuissamment à la formation d’un gouvernement bancal, en violation flagrante de l’accord-cadre du 6 avril 2012, composé exclusivement des proches des deux complices, imposés au président intérimaire, Dioncounda Traoré, un homme sans toupet.
Il a fallu que les partis significatifs, notamment le front anti-putsch largement majoritaire dans le pays, le FDR, saisissent la Cédéao pour que celle-ci mettent la pression sur Cheick Modibo Diarra pour qu’il accepte la formation d’un gouvernement d’union nationale.
Même là, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra a continué à défier le président Dioncounda jusqu’à irriter le capitaine Sanogo, « l’homme fort » du Mali. Selon notre confrère « Jeune Afrique » dans son dernier numéro, le n°2701 du 14 au 20 octobre 2012, « le chef des putschistes était ulcéré » quand Cheick Modibo Diarra interrogé par la presse lors de la commémoration de ses cent jours à la primature sur l’éventualité de sa démission réclamée par certains regroupements politiques, a déclaré qu’il ne sait pas à qui il doit remettre sa démission s’il devait démissionner.
Pour le capitaine Sanogo, Cheick Modibo a oublié que c’est à lui qu’il doit sa nomination. Un fait qu’il ne pardonne pas au Premier ministre qui avait commencé à prendre ses distances avec le capitaine, car il ne venait plus le consulter ou lui faire des comptes-rendus. Pour tout dire, le Premier ministre de pleins pouvoirs Cheick Modibo Diarra s’est affranchi de la tutelle du « président Sanogo » qui a mal pris son appel le 27 septembre devant lors de la réunion sur le Sahel, en marge de l’assemblée générale de l’ONU à New York pour « la mise en place d’une force internationale composée de tous ceux qui veulent et peuvent nous aider à reconquérir les territoires occupés », qui a sonné comme une provocation à Kati et, à Kati, on n’apprécie pas cela.
Cheick Modibo Diarra n’a pas mandat d’aller demander à n’importe qui de venir au Mali. Nous avons signé un accord avec la Cédéao et nous ne permettrons plus d’autres soldats sur notre territoire, a menacé un autre proche du capitaine Sanogo dont la relation avec le Premier ministre de la transition s’est totalement détériorée depuis plusieurs semaines.
Au cours d’un entretien avec la presse sélectionnée dans le QG de l’ex-junte, le capitaine Sanogo a clairement déclaré que l’actuelle équipe gouvernementale n’a rien fait pour l’armée au sujet du blocage des armes au port de Conakry. L’aversion que le capitaine Sanogo a pour le Premier ministre Cheick Modibo Diarra ne s’arrête pas là. Car, depuis un certain temps, nous assistons à des sorties musclées via la presse des partisans du premier contre le second.
Ainsi, les amis du capitaine Sanogo ont commencé alors à réclamer la démission du Premier ministre Cheick Modibo Diarra pour »avoir lamentablement échoué dans sa mission de faire libérer le nord et d’organiser des élections libres, transparentes et crédibles. Ils lui reprochent à travers des conférences de presse, meeting et marches de jouer au temporisateur en divertissant le peuple avec des problèmes moins sérieux comme l’affaire des faux diplômes, celle du recrutement à la fonction publique, de l’audit des institutions de la République dans le seul but secret de se maintenir au pouvoir ».
Les liens vont définitivement voler en éclat quand Cheick Modibo refuse d’accéder à des demandes d’argent de l’ex-junte à qui il aurait indiqué, selon les dires d’un ministre de son gouvernement, qu’il « n’y avait pas de chapitre dans le budget réservé au CNRDRE ». Le clash sera étalé au grand jour lors d’un conseil de ministre quand le ministre de l’Administration territoriale, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, appuyé par son collègue de la Défense, s’oppose violemment au chef du gouvernement au sujet d’une candidature de celui-ci à la prochaine présidentielle.
Depuis lors, la guerre est devenue ouverte et les deux camps par des organisations interposées se sont livrées un combat sans merci. Et depuis trois semaines, la cause de Cheick Modibo était entendue et la descente de manifestants à son domicile réclamant sa démission a été orchestrée par la junte dont les pions avaient gonflé les manifestants. Et même les cadres du ministère de la Défense ont participé à la cabale.
A l’occasion d’une conférence-débat à la Maison de la presse, ils désignèrent Cheick Modibo comme la cause de tous les malheurs et les responsables des associations créés pour les besoins de la cause (Yéréwolo ton notamment) prirent le relais en réclamant la démission du PM qui s’était malheureusement aliéné la sympathie de la grande majorité de la classe politique en faveur de l’organisation des concertations nationales.
En désavouant publiquement les premiers contacts à Ouagadougou entre les groupes armés et une délégation officielle malienne dirigée par le ministre des Affaires étrangères, le directeur de cabinet du Premier ministre a aggravé la détérioration des relations entre le président de la République et le chef du gouvernement. Selon différentes sources, les deux personnalités n’échangeaient presque plus sur la gestion du pays, d’où la cacophonie au sommet de l’Etat concernant la gestion du dossier du Nord et l’organisation des concertations nationales.
Le fossé entre le président de la République et le Chef du gouvernement s’est profondément élargi en faveur du report décidé par le premier des concertations nationales. Cette décision a été vécue comme une humiliation par les collaborateurs de Cheick Modibo Diarra dont certains ont virulemment fustigé un parti pris pour ses « amis » du FDR qui exigent une revue de la composition de la commission d’organisation et des termes de références de cette instance décisives pour la suite de la transition. Malgré l’implication personnelle du président par intérim, les points de discordes n’ont pas encore été levés entre les deux camps qui ont définitivement rompu la semaine dernière quand le PM s’est opposé en conseil des ministres au président concernant la tenue des fameuses concertations.
Et pourtant, Cheick Modibo Diarra paraissait filer, il y a quelques temps, une parfaite entente avec Dioncounda. A en croire des habitués de la base aérienne (résidence du président par intérim), Cheick Modibo venait très régulièrement déjeuner là et souvent, il pouvait y passer deux à trois fois par jour.
Seulement voilà, le rapprochement de Dioncounda avec les putschistes et la détérioration des relations entre ces derniers et le PM ont fini par convaincre le Chef de gouvernement à faire cavalier seul, au risque de s’isoler. Un choix qui vient de lui couter cher car que son départ ne semble pas déplaire la communauté internationale, notamment la Cédéao qui ne l’a condamné que dans la forme.