Le nouveau Premier ministre, Django Cissoko, nommé après le départ forcé de Cheick Modibo Diarra, s’attelait mercredi à former un gouvernement d’union ayant pour mission de mettre fin à l’instabilité politique au Mali et d’aider au déploiement d’une force armée internationale anti-islamistes.
L’espoir est que M. Cissoko, considéré comme neutre à l’égard du président intérimaire Dioncounda Traoré, du Premier ministre démis et du chef des putschistes du 22 mars, le capitaine Amadou Haya Sanogo, renforce la stabilité des autorités de transition à Bamako et facilite ainsi le déploiement de la force internationale pour la libération du Nord occupé par les islamistes armés.
Il devra notamment convaincre le capitaine Sanogo, qui, s’il a démenti mardi être opposé à l’envoi d’une force étrangère « tant que ça peut sauver des populations maliennes », est réticent à un tel déploiement, préférant l’option d’une intervention malienne avec un soutien logistique international.
« La priorité, c’est la récupération du Nord et l’organisation des élections (…) Je veux faire un gouvernement d’union nationale », a déclaré à la presse juste après sa nomination le nouveau Premier ministre.
Diango Cissoko, grand commis de l’Etat, plusieurs fois ministre sous les régimes du dictateur Moussa Traoré et du président déchu Amadou Toumani Touré, a été nommé mardi soir par décret à la tête de l’exécutif.
PRIMATURE: Ce que le peuple attend de Django
Nommé moins de 24 h après la démission de son prédécesseur, le nouveau patron de l’exécutif n’aura pas de répit pour se mettre au travail. Remobiliser les Maliens pour la reconquête du Nord, réduire considérablement l’effectif du gouvernement et le train de vie extravagant de l’Etat, se poser en rassembleur en cette période difficile du pays tout en restant ferme sur les principes républicains, éviter l’esprit de revanche, mettre l’administration au travail, etc. le nouveau Premier ministre, a du pain sur la planche, et doit montrer qu’il a la carrure d’homme d’Etat.
Bon choix ou mauvais choix, il est déjà fait. Et le nouveau chef du gouvernement de transition, Django Sissoko, succède depuis mardi à Cheick Modibo Diarra après la démission de celui lundi dernier. La rapidité avec laquelle cette nomination est intervenue, témoigne de tout l’enjeu de la situation que le pays traverse et de la nécessité de remettre vite les choses en marche.
Ainsi le nouveau Premier ministre s’installe dans un contexte d’extrême fragilité, et le regard des Maliens sur son bilan sera sans complaisance. Pour mériter son fauteuil de chef du gouvernement, Django Sissoko doit marquer la rupture d’avec les vieilles pratiques, en imprimant sa marque dans la conduite des affaires. Si le parcours de l’ex-Médiateur de la République colle parfaitement avec les défis qui l’attendent, sa réussite en est une autre paire de manches.
Mettre fin au train de vie extravagant de l’Etat
Django Sissoko hérite d’un pays complètement à genou, avec le retrait des bailleurs de fonds après le coup d’Etat du 22 mars, et l’occupation des deux tiers de son territoire. Bref, un pays qui s’apprête à aller en guerre pour la défense de son intégrité. Ceci impose aux autorités la mobilisation nécessaire de fonds et la participation de tout le peuple à l’effort de guerre. Un tel chantier nécessite que les autorités montrent d’abord le bon exemple, à travers la réduction du train de vie extravagant, comme on le voit jusque-là.
La première consiste donc pour Django (s’il est logique dans sa marche) de réduire considérablement le nombre pléthorique des portefeuilles ministériels. Pour un pays en guerre, avoir 33 ministères et des « conseillers spéciaux avec rang de ministre » révèle de l’extravagance et de la méconnaissance de la discipline financière en période de crise.
En temps de guerre, la mobilisation sociale et industrielle visant à subvenir aux besoins militaires d’un Etat doit être au centre des politiques économiques. Cette mobilisation affecte toute l’économie, surtout par une réduction du train de vie de l’Etat et une réorientation des dépenses vers la dotation en armements ou de matériels nécessaires au conflit. Aujourd’hui, le Mali n’échappe pas à cette règle simple de l’économie. Mais jusque-là, les politiques économiques au Mali sont loin de respecter cette règle, même avec l’abandon des partenaires financiers.
A défaut de suspendre les institutions budgétivores, la politique économique nous conseille un certain nombre de mesures relatives, entre autres, à la formation d’un gouvernement qui ne dépasse pas 15 à 20 membres pour faire des économies sur le coût de fonctionnement de l’Etat, la limitation des missions coûteuses (avion de luxe, hôtels 5 étoiles, nombre limité des membres des délégations…) nombre de cérémonies, réceptions ou manifestations organisées par les ministres doivent être réduites au strict minimum.
Django Sissoko et Dioncounda Traoré doivent faire en sorte que la rémunération du président et des membres du gouvernement ne soient en réalité que de gestes symboliques. L’Etat, à travers son gouvernement, doit être capable de sensibiliser le peuple à prendre part aux efforts à consentir pour lui permettre de faire face au quotidien.
Se mettre au dessus des querelles
Le nouveau Premier ministre doit se poser dès maintenant en rassembleur du peuple malien, tout en restant ferme sur les principes d’un Etat de droit. Et la constitution de son nouveau gouvernement doit refléter cette volonté des Maliens. Si certains le considèrent comme un proche de l’ex-dictateur Moussa Traoré, Django Sissoko a le mérite de n’appartenir à aucune famille politique (en tout cas de manière affichée). Ceci est un atout pour se mettre au-dessus des guerres de positionnement en cours dans les différents regroupements politiques pro et anti-putschs.
L’enjeu de la mission de Django Sissoko sera aussi d’établir un fichier électoral fiable en vue des prochaines élections. « Nous attendons qu’il mette en place un fichier biométrique avant les élections générales. C’est la seule solution pour avoir un climat politique apaisé et organiser des élections transparentes et crédibles. La gestion du fichier électoral et l’organisation matérielle des opérations de vote doivent être confiées à un organisme indépendant afin d’éviter toute crise postélectorale », recommandent plusieurs responsables politiques interrogés sur leurs attentes. « Le Mali pourrait organiser pour la première fois depuis 1992, des élections crédibles dignes de ce nom », espèrent d’autres.
Il y a un défi non moins important qui va attendre le nouveau patron de l’exécutif national : c’est celui de remettre les Maliens au travail. Django Sissoko hérite d’un pays à genou économiquement, du fait de la corruption à tous les niveaux, d’une administration très malade où l’usager est très mal servi, où les recrutements sont faits sur la base des rapports politiques ou de parenté.
Le nouveau chef du gouvernement hérite également d’un Etat où l’autorité est absente, où le laisser-aller a plongé les populations dans une sorte de jungle, où chacun fait ce qu’il veut, où les règles élémentaires de civisme et de patriotisme sont régulièrement foulés au pied par ceux-là mêmes qui doivent donner l’exemple.
Comment redonner espoir à un Mali malade de lui-même ? Voici tout le défi du Premier ministre de la transition. Le temps presse pour lui, et le bilan qui lui sera dressé sera sans complaisance. Au travail alors, Monsieur le Premier ministre !