Le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta avait fait croire au peuple malien que la signature de l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation au Mali vaut la PAIX définitive. Erreur et duperie ! Depuis le 20 juin 2015, date historique ( ?), la paix ne s’est autant éloignée du pays. Les violations des droits de l’homme se sont accrues au point d’alerter la communauté internationale; l’insécurité s’est amplifiée avec son corollaire d’attentats, d’embuscades et d’attaques avec mort d’homme (13 gardes et militaires tués entre le 1er et le 03 août).
Pour couronner le mal, le Comité chargé du suivi, du contrôle, de la supervision et de la coordination de l’application de l’accord est hiberné suite à des divergences sur sa composition. Blocage net. Face à cette double situation déplorable, le gouvernement se réfugie derrière de (simples) communiqués de condamnation, les groupes armés (Plateforme et CMA) observent, le peuple doute. La paix est compromise. Pour menaces multiples sur la mise en œuvre de l’Accord d’Alger.
Y aura-t-il plus jamais la paix au Mali ? Les concitoyens qui seraient amenés à se poser une telle question dans le contexte actuel de l’histoire du pays ne sont ni des pessimistes, ni des apatrides et ne doivent nullement être considérés comme tels.
L’interrogation est d’autant plus légitime que la paix semblait intégralement promise au peuple malien au lendemain de la signature du 20 juin de l’Accord d’Alger par la Coordination des mouvements de l’Azawad après celle du gouvernement et de la Plateforme, le 15 mai. C’est du moins ce que les autorités et la communauté internationale ont fait croire au peuple malien en surmédiatisant la nécessité d’engager rapidement le processus de dialogue inclusif inter malien et de le mener à son terme.
Ainsi, il a fallu un intense ballet entre Bamako et Alger et cinq rounds pour parvenir à la signature, en deux temps, d’un accord, supposé être une panacée.
Mais, cet immense espoir de voir un Mali, enfin, apaisé, s’est vite estompé avec une succession d’événements qui tranchent d’avec l’esprit de l’Accord. Les dissensions au sein du Comité de suivi de l’Accord (Csa), les actes de violation de droits de l’homme, et la recrudescence des attaques sont les trois blocages majeurs qui mettent à mal l’application de l’Accord d’Alger et bouchent tous les chemins menant à la paix.
Premier blocage : Un Comité de suivi mort-né ?
Le Comité de suivi de l’Accord est une émanation de celui-ci en son chapitre 19, article 57. Les parties conviennent de sa création dès la signature de l’Accord. Il est composé du gouvernement, des mouvements signataires de l’Accord et de la Médiation.
Ses missions : assurer le suivi, le contrôle, la supervision et la coordination de l’application de l’Accord ; élaborer un chronogramme détaillé de mise en œuvre des dispositions pertinentes de l’Accord et veiller à son respect ; assurer l’interprétation des dispositions pertinentes de l’Accord en cas de divergence entre les parties ; concilier, le cas échéant les points de vue des parties ; et encourager le gouvernement à prendre toutes les mesures jugées nécessaires à la mise en œuvre nécessaire des dispositions de l’Accord.
Autre disposition à savoir : « Pour l’accomplissement de son mandat, le Csa met en place quatre sous commissions couvrant les thématiques : questions politiques et institutionnelles ; défense et sécurité ; développement économique, social et culturel ; et réconciliation, justice et questions humanitaires » (art. 62).
ça, c’est l’institutionnel. Et, tout était bien parti pour cette structure, effectivement créée aussitôt après la signature du 20 juin. Elle s’est réunie le même jour, jetant une lueur d’espoir sur le visage de bon nombre de Maliens. Mais, cette embellie fit long feu, avec la survenue subite de dissensions au sein des groupes armés, trop hétérogènes pour nouer un bel amour.
En effet, un premier croc-en-jambe a eu lieu lors de l’adoption du règlement intérieur. Mais, après moult conciliabules, la sagesse a prévalu. Le 21 juillet, le règlement fut adopté, ainsi que le financement et le calendrier de mise en œuvre de l’Accord.
Puis, vint la phase de la composition du Comité pour l’installation des différentes sous commissions. Du côté du gouvernement et de la Médiation, il n’y a aucun problème pour la désignation de leurs représentants. Mais, du côté des mouvements armés, c’est le blocage total et entier suite à de sérieuses dissensions engendrées par la situation de certains groupes, jugés indésirables. De quoi s’agit-il ?
La Coordination des mouvements de l’Azawad ne reconnaît plus quatre de ses anciens membres qui avaient signé l’Accord en même temps que le gouvernement, pour des raisons dites politiques. Il s’agit du Front populaire de l’Azawad (Fpa), du Mouvement patriotique pour le salut du peuple de l’Azawad (Mpsa), de la Coalition du peuple de l’Azawad (Cpa), et de la Coordination des mouvements des forces patriotiques 2 (Cmfp2).
De son côté, la Plateforme des mouvements républicains du 14-Juin 2014 a omis de désigner au sein du Comité, les délégués de certains groupes, comme le mouvement Ganda Iso, qui crie (à juste titre ?) à l’exclusion.
La Médiation reste indifférente, jugeant ces problèmes internes aux mouvements armés.
Les retrouvailles sont prévues vers la fin du mois. Les groupes vont-ils accorder leurs violons pour la remise en selle du Comité de suivi de l’Accord ?
Deuxième blocage : Minusma et CMA à couteaux tirés
Les actes de violation des droits de l’Homme ont pignon sur rue dans les localités du nord du Mali. Comme aux heures chaudes de l’occupation, les exactions sommaires, actes de barbarie et brutalité, vols, viol seraient monnaie courante dans certaines contrées reculées du pays, particulièrement au nord. Si ces faits graves sont moins connus du public, c’est parce qu’ils ne sont pas médiatisés. Mais, la Minusma, présente sur le terrain, est au courant de tout. Et, son chef, Hamdi Mongi, de tirer la sonnette d’alarme et attirer l’attention de l’opinion sur cette situation, en passe de gripper la mise en œuvre de l’accord d’Alger.
En effet, dans un communiqué de presse daté du 30 juillet 2015, Hamdi Mongi tape du poing sur la planche et menace : «Ces violations sont donc inacceptables et doivent impérativement cesser illico presto. Les responsables de ces graves violations des droits de l’Homme doivent répondre de leurs actes. Je conjure toutes les parties à conjuguer leurs efforts et les multiplier pour assurer l’ordre et la discipline nécessaires au sein de leurs structures et rangs respectifs et à sensibiliser leurs partisans sur l’importance de l’Accord de Paix et sur les perspectives qu’il offre ainsi que sur les conséquences des violations du cessez-le-feu et des droits humains tels que prévues dans la résolution 2227 du Conseil de Sécurité et les dispositions du droit international applicable ».
LE représentant spécial du secrétaire général de l’ONU poursuit : « La Force de la Minusma a déployé les moyens dont elle dispose pour assurer un suivi rigoureux des actes et des allégations de violations. Ce suivi comprend notamment des missions d’évaluation sur les lieux où des violations ont été rapportées et des missions d’investigation par les Equipes Mixtes d’Observation et de Vérification (EMOVs). Pour sa part, la Division des Droits de l’Homme a déployé des missions sur le terrain pour établir les faits et les responsabilités sur les violations et allégations de violations commises. La Minusma continue de suivre tous les cas identifiés et de rappeler aux parties concernées leurs obligations en vertu des résolutions du Conseil de Sécurité et du droit national et international en vigueur ».
Dans sa déclaration, Hamdi Mongi ne fait nulle part allusion à un groupe armé bien défini. Mais, dès le lendemain, 31 juillet, la Coordination des mouvements de l’Azawad se fend d’une déclaration pour répondre au chef de la Minusma (jugé partial) et accuser ouvertement les Famas et la Plateforme d’être derrière les exactions.
Dans la note signée de Almou Ag Mohamed de la commission communication, la CMA, écrit que les violations que dénonce la Minusma sont le fait de l’armée malienne et de ses milices affiliées : « La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) constate avec stupéfaction et surprise le caractère léger et ambigu du communiqué de la Minusma en date du 30 juillet 2015, faisant état de la violation par les groupes signataires du cessez-le feu, sans en avoir le courage d’indexer les véritables coupables que sont l’armée malienne et le Groupe de la Plateforme. La CMA invite la Minusma à plus de clarté dans ses futurs communiqués et à désigner les contrevenants par leurs noms ».
Pas plus tard qu’hier, dans un communiqué rendu public dans l’après-midi, la CMA accuse l’armée malienne d’ « arrestations arbitraires et de séquestrations de grande envergure au sein des populations touarègues de Banguel à 35 km à l’ouest de Tagharoust (Gourma Rharous) ».
Sous la signature de Mossa Ag Attaher de la Commission Communication, la coordination interpelle la Minusma et la Médiation à jouer leur rôle, et demande au gouvernement de maîtrise ses troupes, sous peine d’«assumer seul les lourdes conséquences qu’engendre comme toujours l’accumulation de telle injustice ! ».
La CMA est prompte à réagir quand il s’agit d’actes perpétrés contre les populations qui s’identifient à elle, mais elle reste curieusement muette comme carpe si des soldats de l’armée malienne sont massacrés, comme nous le verrons plus bas.
Troisième blocage : carnage à Rharous
La troisième menace à la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et non la moindre, c’est la recrudescence des attaques, embuscades, attentats et autres actes de banditisme.
Depuis la signature de l’Accord par la Coordination des mouvements de l’Azawad le 20 juin dernier, il n’y a eu nul répit dans les actes de violence occasionnant des pertes en vies humaines. Les événements malheureux et douloureux se succèdent à un rythme tout aussi effréné que sanglant.
Après les attentats meurtriers de Misseni, Nara et Fakola, l’insécurité post signature a atteint son point culminant le week-end dernier et en début de semaine avec des attaques qui ont fait, en 72 heures, 13 morts.
Le samedi 1er août, c’est un convoi de l’armée malienne qui est tombé dans une embuscade entre Nampala et Diabaly, dans la région de Ségou, sur un axe menant à la frontière mauritanienne. Bilan : deux militaires maliens morts.
Le lundi 03 août, le camp de la Garde nationale de Gourma Rharous (120 km de Tombouctou) a été attaqué aux environs de 5 heures par des assaillants. Le carnage fait 11 gardes tués et un blessé. Lourd. Très lourd.
Comme à son habitude, le gouvernement sort le traditionnel communiqué. Dans lequel il présente ses condoléances attristées aux familles des disparus et souhaite un prompt rétablissement au blessé ; condamne sans réserve cet acte terroriste, lâche et barbare perpétré par des individus sans foi ni loi ; renouvelle sa confiance aux forces armées et de sécurité nationales face aux défis de la lutte contre le terrorisme, invite les populations à coopérer avec elles ; prend à témoin la communauté internationale, la MINUSMA, l’ensemble de ses partenaires sur la recrudescence de la violence, une atteinte au cessez-le-feu, malgré la signature de l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger le 15 mai et le 20 juin 2015 ; et rappelle à tous ses partenaires la nécessité impérieuse d’assister les forces armées et de sécurité pour enrayer le terrorisme afin de préserver les acquis enregistrés sur la voie d’une paix durable au Mali et dans la sous-région.
De leurs côtés, ni la CMA, ni la Plateforme ne condamnent ; ils observent et attendent tranquillement leur HEURE pour entrer dans le gouvernement.
Sékou Tamboura