n sait déjà qu’elle avait des penchants en faveur des « hommes bleus », mais après la signature de l’accord de paix et de réconciliation, les engagements pris par les uns et les autres exigent de certains partenaires du Mali de sortir du bois pour clarifier leur position pour permettre de démaquer les ennemis de la paix et mettre les autres à l’aise.
Sévaré s’est mal réveillé le vendredi. Même au plus fort moment de l’occupation djihadiste, cette bourgade cosmopolite, couvrant la Venise malienne du regard indiscret des usagers de la route nationale 7, ne s’était jamais inquiétée autant. En dépit de l’armada sécuritaire qu’elle abrite, un groupe d’illuminés lourdement armé s’était attaqué aux hôtels « Lac Débo » et « Byblos », où des contractuels de la MINUSMA avaient établi leur quartier général. Voulaient-ils jauger la capacité de frappe des forces qui y sont prépositionnés en attendant des actions d’envergure future ou juste une réponse au ministre de l’Economie et des Finances, Mamadou Igor Diarra, qui avait annoncé quelques jours avant que les comptes sont au vert désormais dans notre pays. Histoire de décourager d’éventuels investisseurs qui s’apprêteraient à prendre le 1er avion pour venir voir ce qu’ils peuvent entreprendre au Mali ? Difficile de répondre par l’affirmative, mais la série d’attaques des positions de nos militaires à Gourma Rharouss, Nampala en début de semaine et de Fakola, Kadiolo et Nara quelques semaines plus tôt, ont tout l’air d’une stratégie de sabotage intelligemment préparée et mise en œuvre par des illuminés sans foi ni loi. Qui n’ont aucune considération pour la vie humaine, à commencer par la leur.
Car, comme si celles-ci ne suffisaient pas, dans la même nuit du vendredi au samedi, des hommes armés se sont attaqués à la brigade de gendarmerie de Banguinéda. Le lendemain dimanche, c’est la paisible population de Gabery dans le cercle Gourma Rharouss d’accueillir d’autres hommes armés. Si à Baguinéda, l’on ne déplore pas de perte en vies humaines, par contre à Gabery le bilan est lourd. Dix innocents y ont laissé la peau contre un véhicule incendié à Baguinéda et la maison du commandant de brigade criblée de balle. Tout porte à croire que le ciel semble se déchainer contre le Mali, si l’on ajoute à ce bilan macabre celui de l’inondation qui a eu lieu à Ménaka. Cette évolution négative de la situation sécuritaire semble surprendre les Maliens, qui croyaient mordicus qu’après la signature de l’Accord de paix et de réconciliation nationale, issu du dialogue inclusif d’Alger, que le Mali sera désormais un havre de paix. Que nos hommes ne subiront plus d’attaques punitives par des déchainés sans foi ni loi, lourdement armés de quelque bord que ce soit. Mais, les hostilités n’avaient jamais gagné autant en intensité que maintenant. Au point que certains compatriotes commencent à douter de la sincérité de la France, notre ex-colonisateur, qui tire toujours profit de la division à l’intérieur de ses anciennes colonies. Comme disent les Bambaras, « ce sont des fissures sur le mur qui servent de porte d’entrée pour le margouillat à l’intérieur d’une maison ».
Surtout lorsqu’une des parties en conflit est soutenue par celui qui est sensée être le médiateur. Ce qui est marrant dans ce cas d’espace, c’est la CMA qui réclame la libération des présumés auteurs interpellés à Gourma Rharouss par nos forces en possession d’objets compromettant après une attaque revendiquée par AQMI. Est-ce à dire que la cloison étanche établie entre la CMA et AQMI par les médias français n’est qu’une simple vue de l’esprit ? La réponse à cette question peut surprendre certains partenaires qui se laissent convaincre par ces sirènes assourdissants. Sinon pour les Maliens, leur complicité ne souffre d’aucun doute. Le MNLA qui a déclenché les hostilités avec le soutien de l’Hexagone, s’était buté à de fortes résistances des Forces armées maliennes au début des opérations en janvier 2013. Il leur a fallu accepter la main tendue d’Iyad Ag Ghali pour se démêler du bourbier dans lequel l’armée malienne les avait mis. Selon nos sources, c’est le président du mouvement djihadiste Ançar Dine, avec la bénédiction des soutiens français, qui a négocié l’appui des djihadistes d’AQMI aux troupes du MNLA et d’Ançar Dine pour infliger la lourde défaite à nos hommes à Aghel Hock. La suite, on la connaît. La cruauté des assassinats à Aghel Hock a traumatisé nos hommes qui perdirent leurs positions : après Ménaka, Anderaboukane, Tessalit, Kidal, Gao, Tombouctou et Douentza.
C’est dire que l’intervention d’AQMI aux côtés des rebelles a été décisive pour eux. Dès lors, ces différentes forces évoluant sur le terrain se tiendront main dans la main pour combattre l’armée malienne. Même après la libération, la triple alliance demeure et se consolide sous le regard passif de la communauté internationale. Les intérêts de ces groupes se sont entremêlés derrière l’image du MNLA, intelligemment travaillée et distillée par les médias hexagonaux pour donner à ces mouvements djihadistes une certaine honorabilité pour les rendre fréquentables. C’est ainsi qu’Ançar Dine, tout en gardant son aile originale incarnée par Iyad Ag Ghali toujours en liberté, se métamorphose pour devenir le HCUA, représenté par Algabass Ag Intalla, un rejeton du patriarche des Ifoghas, feu Intalla Ag Attaher. Mais, le hic fait tilt c’est que les médias français n’ont jamais pipé un seul mot de cette complicité. Ils ont toujours feint de ne rien en savoir.
Auréolé par cette reconnaissance internationale tacite, Iyad et ses alliés d’AQMI vont pousser des ailes en se fixant la capitale Bamako pour cible à prendre. C’était janvier 2013, soit quelques jours après l’anniversaire de la prise des trois villes du nord (Kidal, Gao et Tombouctou). Ses troupes sont défaites à Konna par une coalition maliano-française. Du coup, avec l’aide de l’armée française, cette contre offensive va conduire les deux troupes à procéder à la libération de Tombouctou et de Gao. Mais, Kidal a été gracieusement offerte par la force Serval aux fébriles combattants du MNLA, qui ont leur fief impénétrable aux forces maliennes et l’autorité malienne. Malgré toutes les protestations du Mali, les français sont restés de marbre. Tordant les bras aux autorités maliennes à discuter un accord de paix avec les rebelles du MNLA et leurs alliés djihadistes d’Ançar Dine et d’AQMI, qui ont épousé un visage fréquentable, à travers le HCUA. Jusqu’ici, le statuquo demeure. Et pour cause, l’ancienne puissance colonisatrice, ambitionne de récupérer son ancien marché d’approvisionnement en matières premières et d’écoulement pour ses produits finis.
Un règlement de compte qui ne dit pas son nom
Faut-il rappeler qu’en réaction à la politique économique caractérisée par l’ouverture tous azimuts du pays aux investisseurs de tous les pays, notamment la Chine, pratiquée par le gouvernement d’ATT, la France a d’abord déclaré les trois villes touristiques du Mali, zone rouge pour décourager ses ressortissants à s’y rendre. Alors que jamais, un touriste n’avait été enlevé au Mali, contrairement à certains pays voisins. Le Mali qui est victime de l’étendue de son territoire vaste (cinq fois la France), subissait le contre coup d’une situation créée ailleurs. Mais, dans les salons feutrés, l’objectif était de déstabiliser économique notre pays, qui avait le vent en poupe. Partout des chantiers, des grands ouvrages poussaient comme du champignon. La route reliant Gao à la frontière nigérienne a été inaugurée en grande pompe en 2008, le chantier du Barrage de Taoussa avait été lancé en 2010, le chantier de route reliant Niono à Tombouctou avait aussi démarré. Les chantiers de réalisation des champs à Goma Koura dans la zone Office du Niger et de réhabilitation de l’Aéroport de Bamako Sénou étaient très avancés. La recherche pétrolière battait son plein et les usines d’exploitation du phosphate de Tilemsi et de manganèse de Tassigua étaient en pleine activité. Bref, tout bougeait au Mali. Mais du point de vue des autorités françaises d’alors, l’Hexagone ne trouvait pas ses comptes dans cette dynamique retrouvée. Selon des confidences, l’ambassadeur français d’alors, dont nous tairons volontiers le nom aurait confessé ce malaise à un ministre malien. Dans leur entretien ultraconfidentiel, il aurait dit au ministre, qu’aucune entreprise de son pays n’avait été associée à aucune licence de recherche pétrolière dans la zone. Alors que le Mali est en train d’en distribuer à tour de bras.
Le deuxième grief qu’il aurait avoué à son interlocuteur est le refus du Mali de signer l’accord de reconduite à la frontière que le gouvernement Sarkozy, en difficulté face à des opposants de plus poignants (PS et Front national), avait proposé à ses « partenaires » africains pour régler son problème d’immigration. Pour ces deux fautes, il fallait donc donner une bonne leçon aux autorités maliennes d’alors. Est-ce pour cela que la France a créé le MNLA contre le Mali ? Difficile de répondre par l’affirmative. Mais, si l’on se réfère à cette conversation tendue entre un membre du gouvernement ATT et l’Ambassadeur français, il va s’en dire que son rôle est à clarifier. Certes, le moment ne se prête plus à ces genres d’élucubrations, mais devant la persistance de l’insécurité et surtout la dynamique du mouvement, qui a la faculté de se déplacer facilement à l’intérieur du pays (du septentrion vers le reste du pays) on est tenté de revenir aux fondamentaux de cette crise. Car, on y entrevoit des mains cachées, dont l’unique objectif est d’empêcher l’économie malienne de respirer. En troisième lieu, l’ambassadeur reprocherait aux autorités politiques maliennes d’alors, leur volonté de s’émanciper de la tutelle française dans la résolution de la crise dans le septentrion de notre pays.
Est-il besoin d’ajouter à ces ingrédients, les récentes affaires relatives au marché de passeports pour mieux tenir notre pays à bonne distance afin de pomper à satiété nos ressources au nom d’un hypothétique appui dans la reconquête des territoires occupés. Un feu qu’elle a d’ailleurs contribué à allumer. Selon des sources biens introduites, l’actuel ambassadeur aurait laissé entendre que certains pays s’agitent aujourd’hui pour des marchés perdus au profit des entreprises françaises. Or, au moment où le Mali avait besoin d’aide pour se libérer, ils ne se sont pas bousculé à la porte pour exiger un appel d’offres à cet effet. C’est dire qu’au nom de son soutien à nos forces, notre pays s’est définitivement aliéné. L’arrachage du marché de fabrication du passeport malien entre les mains des canadiens en est une illustration parfaite.
Il est donc temps que la France dise à haute et intelligible voix qu’elle ne veut laisser aucune entreprise s’installée dans nos pays « souverains » et discuter cartes sur table.
M. A. Diakité