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Bancarisation des bourses : Ecobank ou l’enfer des étudiants maliens !!!
Publié le mercredi 16 mai 2012   |  Le Flambeau




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Dossier

Economie 2012

La décision de bancariser les bourses des étudiants maliens prise par les autorités chargées de l’enseignement supérieur avait suscité d’énormes enthousiasmes au sein de l’opinion publique plus précisément les étudiants eux-mêmes qui croyaient que leur calvaire était fini. Malheureusement, la chimère Ecobank a vite été découverte au grand désarroi des ses nouveaux clients qui sont les étudiants. De la bouche de beaucoup d’étudiants victimes des tracasseries interminables de ladite institution financière, Ecobank est la pire des banques de notre pays.

Auparavant les étudiants de l’Université de Bamako, bénéficiant de la bourse étatique, parcouraient le chemin du Christ avant de mettre la main sur leur argent. Avec la bancarisation entreprise en grande pompe par les autorités chargées de l’enseignement supérieur, beaucoup d’étudiants s’étaient dit que leur calvaire allait prendre fin. Ils ont vite été tirés de leur rêve idyllique par la mauvaise gestion dont Ecobank fait preuve. Le tableau des dysfonctionnements auxquels sont soumis les étudiants est noir : procédures complexes d’obtention des cartes magnétiques, erreur sur le nom ou le prénom du détenteur de la carte, manque d’informations sur l’utilisation des cartes magnétiques et sur les procédures de la banque en général, manque et/ou défaillance de guichets automatiques entraînant des files d’étudiants interminables, la trop grande présence des forces de l’ordre dans les quelques agences de la banque…enfin bref la liste n’est pas exhaustive.

Pour juger de près la situation, notre rédaction a dépêché une équipe pour une enquête dans les deux plus importantes agences de l’Ecobank sis à Badalabougou et à la Base « B » non loin de la cité ministérielle. Au jour du vendredi 11 mai 2012, aux environs de 9 heures du matin, notre équipe tente d’effectuer une visite dans l’agence Ecobank de Badalabougou (la plus fréquentée par les étudiants vu sa proximité avec le campus). Elle est stoppée net à la porte de ladite agence par les forces de l’ordre présentes sur les lieux. Demandant la cause de cet acte inhabituel dans une banque, nous avons été informés par l’un des agents que : « la banque est fermée… ». Etant donné que de l’extérieur nous avons pu apercevoir, à travers les vitres, les agents de la banque derrière leurs ordinateurs travaillant et discutant avec une vingtaine de clients, nous avons insistés pour en savoir plus. A la fois furieux contre nous et lasser de notre persévérance, notre interlocuteur nous avoua : « que les responsables de l’agence ont décidé d’arrêter de prendre les clients pour le reste de la journée. Seuls ceux qui étaient là le matin très tôt ont pu être reçus ». Il nous a énergiquement invité de revenir le lendemain à 5 heures du matin si nous voulons y rentrer. Nous n’avons point jeté les paluches. Vu qu’il y avait une masse d’étudiants mécontents à la porte, nous avons pris au volet les impressions de quelques uns d’entre eux. Le constat est amère et alarmant.

Amadou Diarra, étudiant en 3e année Géographie à l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako : « cela fait plus d’un an que je cours derrière ma carte magnétique. J’ai introduit plus de 35 demandes, mais rien ne s’en est suivi ». Le cas de Mademoiselle Djéneba Camara, étudiante en 2e année Sciences de l’éducation ; est pire : « Il m’est arrivée de dormir ici pour avoir accès à ma carte. Dieu merci, j’ai pu l’avoir, mais à chaque fois que je veux retirer mon argent, l’ordinateur me dit que ma carte n’est pas valide. Cela perdure depuis plus d’un an. J’ai introduit 16 demandes, mais on me dit chaque fois qu’il faut attendre. Et aujourd’hui je viens trouver que la porte est fermée et que pour y entrer il va falloir que je revienne le lendemain à 5 heures du matin ».

Arrivé à la Direction Générale de l’Ecobank en face de l’ex-Primature, la première des choses qui frappe tout visiteur est une longue file devant les deux guichets uniques composée en majorité par des étudiants. Approchée par nos soins, une cliente (qui a voulu garder l’anonymat) s’est dite complètement dépitée par la situation qui règne à cette Agence. « Regarder comment nous sommes arrêtés sous le chaud soleil pour avoir de l’argent qui nous appartient. On dirait que nous sommes en train de mendier. Si j’avais le choix, je ne choisirais jamais Ecobank pour y mettre mon argent », s’écria cette étudiante les larmes aux yeux.

Nous continuâmes notre visite à l’intérieur de l’Agence mère où le constat est encore pire. La banque est remplie comme un œuf. Il y’a même pas de passage pour les clients. Faute d’avoir un endroit où s’asseoir, chacun se fait une place de fortune aux prix d’intenses efforts et d’ingéniosité. Certains s’assaillent sur les marches d’escaliers, d’autres à même le sol. D’aucuns après avoir fait des heures et des heures arrêtés, s’en vont tout simplement à la maison croyant retrouver le lendemain moins de personnes. Mais hélas car la surprise est toujours désastreuse. « Cela est devenu une coutume chez Ecobank. Chaque jour on a l’impression que l’affluence augmente, mais par contre la banque ne prend aucune mesure palliative. C’est regrettable » nous a confié un fonctionnaire présent ce jour là.

Ecobank : une banque où le client n’est pas roi…

S’il est de coutume qu’on dise dans les écoles de commerce que « le client est toujours roi », selon les impressions recueillies sur place, le personnel d’Ecobank s’est fait une mauvaise habitude de déroger à cette règle sacro-sainte des finances. Aux dires d’Amidou Yattassaye, étudiant en 2e année Droit à l’Université des Sciences Juridiques de Bamako : « les dames qui travaillent dans les guichets d’Ecobank sont les plus arrogantes du monde. Elles n’ont aucun respect pour les étudiants. Elles passent leur temps à négliger les étudiants pour se consacrer aux autres clients qui sont certainement plus riches. C’est une discrimination impardonnable. On dirait que nous sommes indésirables ».

Pour avoir le son de cloche des plus hautes autorités de la banque, nous avons voulu rencontrer le chargé de communication ou toute autre personne pouvant nous édifier. A notre grande surprise, on nous a fait savoir que le chargé de communication ne reçoit que sur demande écrite. Depuis quand un chargé de communication ou un agent de banque reçoit sur demande écrite a-t-on demandé. Nous avons été répondus que c’est la procédure de la banque qui préconise cette mesure. Nous avons tenté de rencontrer la Directrice Générale, peine perdue, sa secrétaire particulière nous a exhibé les mêmes conditions. Persistant dans notre quête de la juste information, nous nous sommes dirigés vers le bureau du responsable des questions ayant trait aux cartes magnétiques, un certain M. Togola. L’accueil qu’il nous a réservé nous a donné une confirmation : « certains agents de l’Ecobank sont systématiquement agressifs quant on leur demande des explications et cela à tous les niveaux d’hiérarchie ». La seule réponse que M. Togola est parvenu à nous donner est qu’il n’est pas chargé de gérer les problèmes de cartes. Devant notre opiniâtreté, il a ensuite prétendu qu’un certain M. Charles N’Diaye de l’Agence de Badalabougou a été mandaté par lui-même pour s’occuper de ces cas. Il nous a demandé d’aller voir ce dernier sur le champ pour avoir des informations. Visiblement, M. Togola ne savait pas que l’Agence de Badalabougou pratiquait une mesure sélective qui ne permet pas d’y entrer après 9 heures de la matinée. Comme quoi, même les cadres d’Ecobank ne sont pas informés de certaines mesures de leur institution. Sachant que la fausse solution qu’il nous a proposée n’aboutira à rien, nous avons tout simplement quitté la banque avec le sentiment amère de l’image d’une institution bancaire qui fait la guerre à certains de ses clients. Nous en avons déduit, que la bombe Ecobank ne tardera pas à exploser dans un futur proche ou lointain si des mesures urgentes ne sont pas prises. Car, avec des étudiants continuellement excédés il faut s’attendre à tout même au pire.

Quelques conseils à la Direction Générale d’Ecobank

Notre compatriote, le Professeur de mathématique aux USA, M. Dialla Konaté en citant deux des plus grand économistes du 21e siècle, les Professeurs John P. Powelson et Douglass North (Prix Nobel d’économie en 1993) disait dans un article paru dans un journal de la place à la date du premier septembre 2007 : « Une institution bancaire supportée par la confrontation avec ses clients est condamnée à mort à bref terme, tandis que survivent et prospèrent les institutions bancaires construites sur le dialogue et le marchandage ». Les dirigeants d’Ecobank devront faire sienne ce conseil. Voici quelques autres conseils simples et non exhaustifs pour qu’Ecobank puisse commencer à être une banque de dialogue et de marchandage :

-Mettre en place une politique de communication (information à la télé, à la radio, dans la presse écrite…) régulière et adaptée au monde estudiantin avec comme axe majeur : rassurer les étudiants en ce qui concerne la prise en compte de leurs préoccupations ;

-Faire suivre des formations de relations publiques à tous les agents de la banque sans exception y compris les agents des forces de l’ordre, les vigiles et les gérants des parkings de véhicules ;

-Mettre plus de sièges à l’intérieur des agences avec projection d’une chaine de télévision sur écran géant pour amoindrir l’impatience des clients ;

-Mettre le plus clairement possible des panneaux d’indication devant chaque poste de travail ;

-Implanter des fontaines d’eaux fraîches et même un service de distribution gratuite de boissons (non alcoolisées bien sûr) et autres friandises aux clients ;

-Instituer une politique de dédommagements (qui pourrait se faire par l’offre gratuite de tickets de concerts, de cinéma ou de discothèque) de certains clients (surtout les étudiants) ayant fait l’objet de lenteur grave…

Ces mesures pourront paraitre banales aux yeux des responsables de la banque, mais sont en réalité des pistes de solutions pour sa bonne marche. Nous n’avons jamais douté des compétences de cette banque, mais force est de reconnaitre qu’elle a énormément failli à sa responsabilité en œuvrant pour l’accroissement de sa clientèle, tout en oubliant de prendre des mesures nécessaires pour accompagner cette évolution. Aujourd’hui, ce sont les clients qui ramassent les pots cassés. Cependant des clients pas comme les autres (les étudiants) et dont la manifestation de ras-le-bol pourrait causer de sérieux dommages à la banque. La situation dans laquelle se trouvent les étudiants maliens mérite d’être revue. La banque, les autorités universitaires et les étudiants doivent tous s’investir pour ce faire. Nous espérons que, pour notre part, nous n’aurons pas failli à notre devoir d’interpellation tout en restant fidèle à la ligne éditoriale de notre journal ‘’Critiquer pour construire et faire changer les choses ; Ne jamais critiquer sans proposer’’. Nous reviendrons sur la suite de ce dossier intitulé « l’enfer des étudiants à Ecobank » dans nos prochaines éditions. Nous espérons cette fois-ci une collaboration de la banque pour plus d’éclaircissements sur ce sujet et des raisons de déontologie. D’ici là, « Un homme prévenu en vaut deux »…

MAH DAOU

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