L’autre jour, par le pur des hasards, j’ai rencontré une vieille connaissance, Professeur agrégé de sciences politiques, officier respectable et respecté de l’armée française, dans un train de la banlieue de l’Est parisien. Nous avons discuté bien sûr de la crise au septentrion du Mali, avant l’arrivée du train. À l’arrivée du train, nous nous installâmes. Une fois bien installés, il ouvrit son sac et me tendit un numéro de l’hebdomadaire français, Le POINT, tout récemment paru. Je pris le journal et connaissant très bien mon ancien professeur, sans détours, je lui demandais de quoi s’agissait-il ? Il reprit le journal, ouvrit aux pages justes et me retendit le journal. Je constate que le Mali en crises venait de s’offrir 4 pages d’auto-promotion dans un hebdomadaire français. De la classe ! Me dira-t-on certainement. En réalité, ce gaspillage de l’argent public frôle indécence. Mais que le Mali est très mal géré !
Par la suite, j’ai conversé avec beaucoup de gens un peu dans tous les sens à propos de cette publicité. À dire vrai, cette auto-promotion, au lieu d’attirer des investisseurs vers notre pays, a fait de nous encore une fois la risée dans les beaux salons parisiens. Comment IBK, qui se vante d’avoir vécu un quart de siècle en France, peut-il cautionner pareille légèreté ? En 25 ans de vie en France, IBK n’a pas encore compris la mentalité de l’élite française. Ou se moque-t-il du Mali et des Maliens ? Le Mali d’aujourd’hui n’a t-il pas besoin de recruter davantage de soldats du rang, du matériel militaire que d’une publicité idiote ? Si le Mali veut des investisseurs, nul besoin de publicité, car aucun investisseur sérieux ne viendrait se risquer à investir chez nous, eu égard à notre justice. Je ne parle pas d’investissement dans un casino comme Tomi Michel l’a réalisé. L’ex-Garde des Sceaux, Fanta Sylla, a raison de dire : «La justice malienne est indépendante de tout, sauf de l’argent sale». Or, notre justice se réformera de trois façons.
D’abord, réformer le recrutement des magistrats en le confiant non à des magistrats, mais à la direction de l’ENA. Nous constatons que les enfants de magistrats commencent malhonnêtement à remplacer leur géniteur. Des sans-pistons crèveront, conséquence de leur lâcheté. Ensuite, supprimer l’oral du recrutement des magistrats. Car c’est à l’oral qu’on élimine les très bons candidats qui n’ont pas les bons tuyaux, qui n’ont personne pour les appuyer. Enfin, donner le pouvoir au noyau dur de 15 magistrats qui sont supposés être les plus honnêtes. Ils sont connus.
Tant que notre justice n’inspirera pas confiance, nous pouvons faire des auto-promotions même dans le Washington Post, nul de sérieux et d’averti n’investira chez nous. Même des Maliens de souche n’ont pas confiance en notre justice. C’est cela le frein aux investissements étrangers et aux investissements de nos nationaux établis ailleurs. Une publicité n’y changera rien. Il faut des actes concrets. Des radiations pures et simples de magistrats corrompus.
Mais un pouvoir politique corrompu, empêtré dans des affaires plus scandaleuses les unes que les autres, ne peut sanctionner personne. Qui peut au Mali me dire le nom d’un seul ministre parti dans son village voir les siens pendant les vacances en cours ? La meilleure connaissance est celle de soi. Quand on oublie d’où l’on vient, l’on se perd certainement de sa destination.
Notre pays, sous le règne d’IBK, n’est pas encore à l’entame de nous tirer d’affaire. Dans la vie, tout est lié. Tout s’explique. Les investisseurs n’ont pas peur de l’insécurité. Mais, ils ont peur de notre justice inique qui est à la base de notre insécurité. Les injustices créent la rancœur, la haine et la soif de justice personnelle, donc de l’insécurité. Quand la corruption et l’impunité se joignent, le cocktail devient explosif. Et voilà tous nos soucis actuels.
Boubacar SOW
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