Après Misséni, Fakola, Nara, Ténenkou, maintenant Diabaly, Gourma Rhaouss, Sévaré et Baguinéda, à qui le tour prochain ? La question mérite d’être posée, car à ce rythme, les Maliens doivent se mettre en tête que les terroristes ou jihadistes peuvent frapper partout et à tout moment. Au-delà de l’infiltration, des complices cachés et autres collaborateurs, la véritable question est de savoir si nos soldats prennent conscience du danger qui les guettent, eux qui sont les premières victimes et cibles des attaques.
L’attaque à Sévaré est la troisième en moins d’une semaine au Mali. Une attaque transformée en prise d’otages, soldée par un assaut final dont le bilan exact n’est pas connu. Elle fait suite à deux attaques qui ont fait 13 morts parmi les militaires maliens : 2 dans une embuscade entre Diabaly et Nampala, dans la région de Ségou, le 1er août ; 11 ont été tués dans le camp de la Garde nationale à Gourma-Rharous, dans la région de Tombouctou, le 3 août. L’attaque de Gourma-Rhaouss a été revendiquée par Aqmi, selon l’agence de presse privée mauritanienne Al-Akhbar.
Longtemps concentrées dans le Nord du Mali, les attaques jihadistes se sont étendues depuis le début de l’année vers le centre du pays, puis à partir de juin, dans le Sud, près des frontières ivoirienne et burkinabè. Elles illustrent la difficulté d’isoler les jihadistes des rebelles ayant signé le 20 juin un accord pour la paix, entériné par le camp gouvernemental le 15 mai, visant à établir une paix durable dans le Nord du Mali. Tout comme pour dire que c’est le mois d’août qui a été choisi pour faire des attaques et tout semble être bien planifié.
L’attaque de Sévaré a commencé le vendredi 7 août 2015 pour finir le 8 du même mois par un assaut des forces spéciales de l’armée malienne. On parle de 15 morts dont 5 soldats maliens, 5 assaillants et 5 civils. Le bilan concernant les personnels associés de la Minusma est le suivant : 4 personnes ont été récupérées à l’Hôtel Byblos dès la fin des opérations. Elles sont respectivement originaires d’Afrique du Sud (2), de la Fédération de Russie (1) et d’Ukraine (1). Elles sont toutes en bonne santé.
Leur présence à l’hôtel n’a pas été détectée par les assaillants et la Minusma était en contact permanent avec elles tout au long de l’attaque et jusqu’au dénouement de la situation. 5 ont perdu la vie. Il s’agit d’un Malien qui était le chauffeur de la compagnie sous-traitante de la Minusma, un Népalais, un Sud-africain et deux Ukrainiens.
Ainsi, du 1er au 8 août 2015, l’armée malienne a perdu 18 hommes. Heureusement que l’attaque de Baguinéda, localité située à quelques 25 km de Bamako, n’a pas fait de blessés et de victimes. Les locaux de la brigade de la gendarmerie ont été criblés de balles, un véhicule incendié ; une roquette a raté sa cible, mais qui a détruit les toitures d’une école. Heureusement que les enfants sont en vacances scolaires. Cette attaque de Baguinéda a duré 2 heures.
Le Mali doit faire face aux attaques terroristes
À entendre les responsables de la Minusma, ils ne peuvent pas intervenir, c’est à l’armée malienne de faire face aux attaques. Le chef des militaires de la Minusma, Hervé Gomart, déclarait sur RFI : «Il y a dans l’extrême Nord du Mali, une véritable volonté de la population de retrouver la paix, de revivre normalement, d’avoir une situation sociale, éducative, économique normale. Ici, pour arriver à mettre en œuvre l’accord pour la paix, on a bien besoin de toutes les parties. On a besoin du gouvernement, de la plate-forme, de la coordination, des Nations-Unies, de l’Union européenne pour la formation de l’armée malienne, de l’opération française (Barkhane). En fait, on va tous vers un même but : avoir un Mali qui se gère tout seul, qui a retrouvé une vie normale et qui a retrouvé la paix».
Il souhaite le changement du mandat de la Minusma afin qu’elle puisse combattre les terroristes et jihadistes. C’est donc devenu la prime à l'hypothèque de l'avenir d'un pays pris en otage, d’un côté par des dirigeants qui cherchent à jouir au maximum du laps de temps qu’ils vont passer aux affaires et de l’autre côté, des groupes armés qui cherchent à fructifier au maximum la terreur qu’ils inspirent. Et tout cela, avec la bénédiction de leurs commanditaires, drapés dans le beau manteau de faiseurs de paix.
«Ah, le jour où le peuple va se réveiller, ça va faire mal. Que Dieu nous préserve des illusions de Satan». Il est temps que nos autorités prennent le taureau par les cornes. Si l'on doit parler de terrorisme, il ne faut pas être sélectif pour être un peu plus juste. Certes, il y a du terrorisme partout, mais certains ne le voient que sous l'angle fermé du Mnla.
Si le Mnla est accusé de composer un moment avec les terroristes, le gouvernement malien l'avait fait avant lui avec Aqmi salafiste et après lui, avec le Mujao et alliés, et cela continue. Il y a plusieurs groupes aujourd'hui dans le pays ; d'autres anciens et d'autres plus récents : Aqmi avec ses salafistes et jihadistes installés au Mali depuis au moins 14 ans avec la complicité d'ATT (ils attaquaient les pays voisins et revenaient se réfugier au Mali) ; le Mujao et ses narcotrafiquants par excellence, connus de tous et ses alliés miliciens proches du gouvernement,(Gatia, Ganda, Izo et Ganda Koy ; le Fplm, dernier-né pour le moment, qui opère au centre et au sud du pays; les brigands à mains armées dans les grandes villes qui empêchent les citoyens de dormir.
Le Mouvement islamiste à majorité peulhe.
Selon un témoin à Sévaré, l’attaque dans leur localité est l’œuvre des éléments d’Hamadoun Kouffa, un lieutenant d’Iyad Ag Ghali. Parce que les assaillants étaient tous des jeunes de teint noir, le premier d’entre eux à être tué se nomme Amadou Tounkara. Son corps a même été transporté à l’hôpital de Mopti. «Il y a un groupe de terroristes d'une dizaine de personnes qui ont pris d'assaut l'hôtel Byblos, non loin du goudron allant vers le poste de contrôle. Ce groupe aurait tiré sur deux Blancs, les tuant et blessant un gardien. Ensuite, le groupe a pris en otage quelques Européens dans l'hôtel.
Une bataille entre le groupe et les forces de l'ordre Fama, du matin au soir. Le soir, deux gros avions bombardiers ont survolé le ciel de Mopti. Tard dans la nuit, l'assaut a été donné pour libérer les otages et achever les terroristes», révèle notre témoin.
Ce qui est vrai, c'est que le combat a duré toute une journée avec des tirs fortement nourris, une véritable chasse à l'homme entre Fama et terroristes se réclamant du guide spirituel, Hamadoun Kouffa. «Bref, la ville a retrouvé son calme et sa quiétude, le marché et certains services ont repris. Les lieux ont été endommagés, le bilan semble très lourd des deux côtés», conclut notre témoin.
Le gouvernement malien n’est pas près à reconnaître l’existence d’un mouvement islamiste à majorité peulhe, après toutes ces attaques dont l’objectif n’est plus qu’un secret de polichinelle ; établir un émirat islamique dans le Macina. Le Mouvement pour la libération du Macina n’est pas à son premier coup. En effet, après l’attaque d’Hamdallaye et du Carrefour de Djenné, un tour dans le pays bobo sans succès, les hommes d’Hamadoun Kouffa sont à l’œuvre. Ils se battent et infiltrent facilement les populations sans grand problème, car ils parlent peulh pour la majorité et leur mode opératoire est le même que celui des jihadistes. Ils portent d’ailleurs les mêmes accoutrements.
Les populations de la région de Mopti ne savent plus que faire. Les assaillants ont attaqué toutes les localités, ils ont fait fuir les autorités locales, coutumières et pillent le bétail dans la zone de Ténenkou. Mais, face aux forces spéciales, il n’y avait pas match. Appuyées par des soldats français, elles ont libéré, dans la nuit, 4 personnes retenues. Un Ukrainien avait réussi à s’échapper de l’hôtel, vendredi après-midi. L’homme avait alors fait état «de quatre ou cinq terroristes» dans l’hôtel au moment de sa fuite. Selon cet Ukrainien, d’autres expatriés, trois Sud-Africains et un Russe, se trouvaient dans l’hôtel.
Selon nos sources, c’est l’échec de l’attaque contre le camp de l’armée de l’air qui a conduit les assaillants dans l’hôtel. Là aussi, ils voulaient faire une tentative d’enlèvement qui a conduit à la prise d’otages. «Ce sont des militaires qui les ont chassés après leur échec contre le camp. Comme les lieux sont séparés par une route, ils sont rentrés dans l’hôtel en disant «Allah Akbar», ouvrant le feu sur les deux blancs qui étaient dans la cour, avant de tirer des rafales en bouclant les portes de l’hôtel», indique notre source. La même source nous informe que, dans un premier temps, ils ont fait de longues communications téléphoniques en peulh, avant de s’enfermer avec les otages.
Kassim TRAORE