Souvent, les Premières Dames (entendez les épouses des Chefs d’Etat) sont les premiers drames de leurs maris. Pire, leurs frasques dispendieuses et leur train de vie extravagant ont fréquemment contribué à la chute de leurs « illustres » (c’est selon) conjoints.
Pour mieux comprendre « l’odyssée » de ces « femmes fatales », nous avons eu recours aux témoignages de confrères africains et d’ailleurs : entre autres, l’hebdomadaire zimbabwéen « The Standard », le quotidien britannique « The Daily Telegraph », « Sunday Times », le quotidien français « Le Monde », le magazine américain « Forbes », le site WikiLeaks…Cette seconde partie évoquera les cas des ex-Premières Dames ivoirienne, Simone Ehivet Gbagbo, tunisienne, Leïla Trabelsi Ben Ali et…roumaine, Elena Ceausescu : bien sûr, cette dernière n’est pas africaine, mais sur le plan des excès et des dilapidations, elle n’avait rien à envier à ses collègues citées.
La « Messaline » de la lagune Ebrié
Les Ivoiriens la surnommaient de tous les sobriquets : « Sorcière », « Guenon », « Escadron de la mort »…Simone Ehivet Gbagbo avait également été collée du surnom de «Messaline » de la lagune Ebrié. Pour mieux en comprendre la raison, référons-nous au petit dico : Messaline était l’épouse de l’empereur romain Claude 1err et la mère de Britannicus et d’Octavie. Elle s’était surtout rendue célèbre grâce à…ses débauches. Après avoir plusieurs fois échoué à déloger Laurent Gbagbo de son bunker d’Abidjan, les soldats pro-Ouattara n’en revenaient pas, durant leur dernier assaut, de tomber pile sur celle qui, pour eux, était l’incarnation même du mal. Les images de Simone Gbagbo jetée à terre, molestée par des soudars dépareillés posant avec elle dans une posture extrêmement dégradante, comme un douteux trophée de guerre, témoignent du degré de haine qu’inspirait l’ex-Première Dame ivoirienne. Cette brutalité des hommes de troupe contrastait avec la retenue dont les Commandants des forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont fait preuve à l’endroit de son mari. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement ? Pour beaucoup d’Ivoiriens, c’est cette Dame de fer au physique ingrat, qui exerçait un pouvoir maléfique sur son mari, qui a entraîné Laurent Gbagbo dans sa descente aux enfers et la Côte d’Ivoire dans l’abime. C’est qu’au contact du pouvoir, la fille du gendarme Jean Ehivet, membre d’une fratrie de 18 enfants, syndicaliste de choc dans les années 1970 et cofondatrice du Front populaire ivoirien (FPI) dans la clandestinité, va se révéler son vrai visage : implacable avec tous les adversaires réels ou supposés de son mari ! Devenue député du FPI, elle ne va pas tarder à incarner l’aile dure du parti aux côtés de « faucons » comme l’ancien Premier ministre Pascal Affi NGuessan, le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Coulibaly, ou le leader des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé. Ainsi, après l’insurrection nordiste de septembre 2002, elle n’hésitera pas à verser dans la vulgarité en menaçant les émissaires du régime partis à Marcoussis, en France, pour négocier avec une délégation de rebelles : « Si nos maris signent n’importe quoi là-bas, à leur retour, ils ne nous trouverons pas dans leurs lits ! ». Après avoir miraculeusement survécu, en compagnie de son mari, à un grave accident de la route, cette catholique, sous l’emprise du très controversé Pasteur Moïse Koné, va devenir une intégriste évangélique. Pour elle, c’est simple : la rivalité entre Laurent Gbagbo et Dramane Alassane Ouattara se résume à un combat entre le bien et le mal. Ainsi, selon Simone, « Dieu a donné la Côte d’Ivoire à Laurent Gbagbo ». D’ailleurs, elle ne pardonnera jamais à son mari d’avoir épousé sa jeune et jolie rivale, Nadiana Bamba, ancienne journaliste à Africa N°1, originaire du Nord musulman, qu’elle a réussi à écarter du Palais après le premier tour de la présidentielle 2010. Par l’entremise de son âme damnée et de son aide de camp, le Capitaine Anselme Soka Yapo, Simone était fortement soupçonnée d’être impliquée dans les Escadrons de la mort et dans la disparition du journaliste Guy André Kieffer. Après la chute du Président Gbagbo, la terrible « Messaline » ivoirienne du pays de la lagune Ebrié devait être traduite devant les tribunaux comme son mari l’a été.
La régente déchue de Carthage
Lorsque qu’en 1987, le Général tunisien, Zine El Abidine Ben Ali, déposait le vieil impotent dictateur, Habib Bourguiba, il aurait mieux fait d’écouter un homme de l’ombre qui a longtemps parraine sa carrière au sein de l’Armée. Quand le nouveau Président confia à son mentor (ledit homme de l’ombre) son désir d’épouser en secondes noces une humble coiffeuse du nom de Leïla Trabelsi, celui-ci, exprimant des réserves sur la jeune divorcée alors âgée de 30 ans, rua des quatre fers (s’y opposa vigoureusement) en le lui déconseillant formellement. Mais amoureux comme il n’est pas permis, l’homme fort de la Tunisie passa outre les sages conseils de son mentor : bien plus tard, il s’en mordra amèrement les doigts de regret. De son exil saoudien survenu après la « Révolution du jasmin» qui l’a chassé du pouvoir, Ben Ali doit aujourd’hui se mordre les doigts pour n’avoir pas écouté son ancien mentor car pour tous les Tunisiens, c’est la très cupide Leïla Trabelsi et son clan qui ont entraîné vers des dérives un Président pourtant prometteur et travailleur au début. Un clan décrit comme « quasi mafieux » par l’Ambassadeur américain à Tunis dans des câbles révélés par WikiLeaks, un clan qui, du Transport aux Assurances, en passant par les Banques, la Communication et l’Immobilier, avait mis le pays en coupe réglée. Les estimations les plus basses évaluent ainsi la fortune du couple Ben Ali à 5 milliards d’euros placés sur des comptes bancaires à l’étranger. D’après le quotidien français « Le Monde », qui cite des sources élyséennes, l’omnipotente épouse de l’ex-Président tunisien aurait embarqué 1,5 tonne d’or pendant que son mari tentait encore de se maintenir au pouvoir. Une cupidité qui n’avait d’égale que l’influence que Leïla Trabelsi et son clan ont réussi à asseoir en vingt ans sur l’économie et le pouvoir en Tunisie. Un pouvoir qui semblait intéresser Ben Ali plus que les affaires. Officiellement, Leïla Trabelsi gérait des œuvres caritatives et sociales au travers de son ONG « Basma » et la présidence de l’Organisation de la femme arabe. Elle a créé un Lycée international privé avec Souha Arafat, veuve de l’ancien Président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat. Mais en coulisses, elle avait la mainmise sur le régime : elle nommait et démettait hauts fonctionnaires, conseillers et ministres : c’était peut-être chez elle un désir de revanche ou de vengeance pour celle que Nicolas Beau et Catherine Graciet ont surnommée « la Régente de Carthage » dans leur ouvrage paru en 2009. Née en 1957 dans une pauvre famille de 11 enfants, Leïla Trabelsi avait passé son enfance dans la Médina de Tunis où elle était devenue coiffeuse. Elle s’était mariée, puis divorcée trois ans plus tard avant d’entamer, avec Ben Ali, une longue relation qui aboutira à un mariage en 1992 et à l’émergence de la dynastie qui avait régné sans partage en Tunisie jusqu’à la « Révolution du jasmin ».
Le mauvais génie des Carpates
Lorsqu’après une fuite éperdue à travers toute la Roumanie, Elena Ceausescu fut arrêtée ce triste matin de 1989 en compagnie de son mari, dans la petite ville de Torgovibte (située à 50km de la capitale Bucarest). Elle ne semblait pas encore réaliser ce qui se passait et admonestait en conséquence les soldats venus l’arrêter comme si elle s’adressait à des écoliers. Présentée à ses juges, la femme qui, quelques jours auparavant, était encore le personnage le plus craint de Roumanie continuait de faire preuve de l’arrogance qui la caractérisait. A l’issue d’un procès bâclé, elle et son mari dictateur avaient été passés par les armes. Quand on relèvera leurs corps déchiquetés et désarticulés, le nombre extrêmement élevé de douilles recueillies sur la scène de l’exécution indiquera la volonté du peloton d’exécution d’en finir une fois pour toutes avec le vieux couple maléfique. Ancienne et modeste secrétaire au ministère des Affaires étrangères, Elena Ceausescu connaîtra une ascension fulgurante avec l’arrivée de son mari au pouvoir en 1965. Complexée par son niveau d’instruction très limité, elle s’autoproclamera scientifique de haut niveau, s’accaparant ainsi de nombreuses distinctions toutes aussi fantaisistes les aussi que les autres. Parallèlement, elle montra en grade au sein du Parti communiste roumain et se verra même propulsée au poste de Vice-Premier ministre. Se mêlant de tout, elle sera à l’origine d’un Décret controversé sur la suppression du contrôle des naissances qui provoquera une augmentation importante d’enfants non désirés et par la suite abandonnés dans de misérables orphelinats.