Le 15 août, l’émission bimensuelle radiophonique dénommée grand débat économique organisée par le Forum de la presse a mis aux prises Mme Aminata Dramane Traoré, écrivaine, altermondialiste en même temps présidente du Forum pour un autre Mali et Pr. Oumar Boiré, économiste, universitaire, directeur du Centre de recherche en sciences économiques et sociales au tour d’un thème central : « Quel modèle économique pour le Mali après la crise ? »
Le face-à-face inédit de 90 minutes entre Aminata Dramane Traoré et Pr. Oumar Bouaré pour tenter de répondre à une question aussi pertinente pour le Mali, a tenu toutes ses promesses compte tenu de la qualité des invités. Il faut cependant s’empresser de rappeler que la première est altermondialiste et le second libéral. Ce qui qui relève de facto de l’opposition de courants idéologiques traditionnellement opposés.
Chacun dans son introduction liminaire a dépeint les modèles économiques ayant été utilisés par le Mali de l’indépendance à nos jours. Les deux invités étaient unanimes que sous la Première République le Mali disposait d’un modèle économique bien lisible qu’il n’a pas été de même pour les IIe et IIIe Républiques dont les modèles se caractérisent par le pilotage à vue.
Sur la question du présentateur Issa Fakaba, comment inventer un modèle économique après la crise ? Altermondialiste et libéral proposent.
Pour le Pr. Boiré, nous devons avoir une bonne politique de commercialisation de ce que nous produisons, le gouvernement doit se focaliser sur le marché d’exportation pour pouvoir générer des ressources. Pour ce faire, il nous faut mettre en place une structure embryonnaire des produits de transformation, a-t-il proposé. Avant d’ajouter que nous devons de prime à bord nous attaquer à la réforme de l’éducation nationale. Et de déplorer, le fait que les gens depuis très longtemps ont cessé de songer au Mali.
Selon le Pr. Boiré, « certains dans notre pays pensent qu’en tuant des bœufs noirs ou rouges que nos vœux vont être exaucés, je dis non ». Et d’ajouter que depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui on est sur ce chemin, et pourtant nous sommes à la traîne des autres pays, « ce qui veut dire que le chemin que nous avons emprunté n’est pas le bon ».
Etre soi-même
Ce qui a fera dire au libéral qu’il nous faut changer de chemin, former des gens qui puissent réfléchir et engager le Mali dans l’industrialisation. « Et quand on arrivera à cette industrialisation, je pense qu’on aura une société moderne, et cela pourra contribuer à mettre notre pays sur la voie du développement économique » a-t-il indiqué.
Est-ce qu’après la crise un autre mali est possible ? Pour Aminata Dramane Traoré, la question ne se pose pas, parce qu’un autre Mali s’impose. Pour notre altermondialiste, la crise résulte de l’impasse, le système mondial est dans l’impasse et que l’Etat de notre pays n’est que le reflet de cette situation. « Nous sommes dans une impasse idéologique avec plus de 160 partis politiques ni gauche ni droite, quand je regarde d’autres pays, les élections s’organisent sur la base des critères idéologiques ».
Et l’écrivaine de dire que l’année 2015 est absolument charnière pour nous. « Il faut qu’on soit audacieux, avec tout ce qu’on a reçu comme gifle, nous donne le droit d’être audacieux, en disant à la communauté internationale, vous vous trompez de modèle de développement. Il faut oser dire que ce modèle n’a pas marché ».
Elle n’a pas manqué de proposer une formule de résistance en disant que « les gens qui ne sont pas riches de capitaux ni de technologies, le facteur déterminant pour eux est leur opinion. Aujourd’hui, c’est l’opinion qui pousse les pays occidentaux à aller dans telle ou telle direction ».
Selon elle, « le facteur déterminant aujourd’hui est nos propres comportements. Il faut changer de modèle économique, créer notre économie en acceptant de consommer ce que nous produisons. Et se dire, nous devons acheter malien même s’il n’est pas parfait. Il faut que les gens sachent qu’il nous faut une économie nationale. Pour la simple raison que toutes les croissances dont les pays africains se prévalent sont des croissances au profit des entreprises internationales. Parce que ce sont elles qui font de l’argent et nous nous disons que nous avons un taux de croissance élevé. Il faut accepter de sortir des sentiers battus et se poser la question si cette croissance marchait tant pourquoi les jeunes immigreraient et prendraient le risque de mourir en mer », a-t-elle conclu.
Oumar B. Sidibé