Cheick Modibo Diarra, celui qui aura déçu l’espoir de tout une nation, de tout un continent à commencer par ceux-là-mêmes qui le voyaient comme la solution de providence, a été contraint de jeter l’éponge après avoir été rudement mis aux arrêts par les hommes du capitaine Amadou Haya Sanogo. Le boulet, ainsi que nous le qualifions récemment, a été ôté par force la veille de ses très fameuses concertations nationales pour réorienter le pouvoir et le devenir du pays. Analyse d’un coup de force attendu.
Hébétés mais soulagés, les Bamakois ont appris sur les ondes de la télévision nationale relayés partout dans le monde l’annonce faite ce mardi matin tôt par Dr. Cheick Modibo Diarra, Premier ministre de « pleins pouvoirs » de la période intérimaire ouverte après le retour à la norme constitutionnelle dont fut contrainte la junte des putschistes du 22 mars 2012.
L’ouverture de la période transitoire le lendemain du délai constitutionnel de l’intérim révéla un homme avide, mû dans l’ombre par des forces du Mal. Celui qui se croyait intouchable, voire indéboulonnable du fait de sa très grande masse corporelle assimilée par certains à un « monument de bêtises » comme Gaston la Gaffe s’est mis à dos tous ses amis et soutiens.
A commencer par ses ministres dont certains n’hésitaient plus à lui crier dessus même en salle de conseil des ministres lorsqu’il crut de son plein droit de faire entorse à la première de l’entente négociée et adoptée par les acteurs de la transition : ne pas prendre part à la prochaine élection présidentielle. L’échange avec un des hommes du capitaine au sein du gouvernement, le Saint-Cyrien Moussa Sinko Coulibaly fut de l’avis de beaucoup d’observateurs le point de départ d’une chute qui était désormais inéluctable.
Celui qui est en charge l’organisation des élections générales prochaines dans un grand éclat de voix lui aurait crié « si vous voulez vous présenter à la prochaine élection, démissionnez d’abord de votre poste. Et de toute façon, vous vous êtes grillé tout seul », confie aujourd’hui une source proche du gouvernement dissout.
A son ministre de la Communication qui se plaignait de ne pouvoir le voir régulièrement, il lui répond : « C’est que tu ne me connais pas assez encore ». Décryptage d’un habitué des deux hommes : « Ce ministre était le premier à être doublé par le maintien de Hamadoun Touré dans l’attelage comme conseiller et porte-parole du Premier ministre qui avait rang de ministre. Bruno Maïga était là pour faire la figuration, tout ce qui concernait ce portefeuille relevait en réalité du PM lui-même ».
Idem pourra-t-on dire du très élégant ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiéman Hubert Coulibaly, qui n’a pas hésité lors de sa dernière mission à Ouagadougou dans le cadre des premiers pourparlers directs entre Bamako et les mouvements armés, de critiquer presque ouvertement le comportement du PM qui mettait en cause le bien-fondé de la réunion avec le médiateur de la Cédéao.
Aussi, on le savait tous, le président de la République lui aussi, en avait assez des agissements de son Premier ministre qui montrait à qui voulait l’entendre et voir qu’il n’a que peu d’égard envers lui. Mais le Pr. Dioncounda Traoré en vieux routier de la politique n’a jamais voulu d’une crise ouverte au sommet de l’Etat pour deux raisons principalement.
D’abord ne pas donner l’occasion aux militaires de faire un nouveau coup d’Etat pour mésentente entre les civils. Personne alors n’aurait à redire sur cette nouvelle situation qui placerait définitivement le pays sous le joug des militaires durablement parce que les politiques auraient montré leur limite et leur égoïsme partisan. Ce point de vue, est d’un conseiller du chef de l’Etat.
« Un second coup d’Etat, opéré par les mêmes militaires pour mésentente entre le président et le Premier ministre, nous mènerait définitivement à l’aventure. Vous savez personne ne sait si un homme de rang n’est pas aujourd’hui capable de penser redresser les choses ».
Même GMT était outré
On comprend alors pourquoi, Dioncounda s’est cru obligé d’accepter cette cohabitation en faisant profil bas. Mais il revient tout de suite à l’esprit que c’est lui Dioncounda qui a décidé contre toute logique de maintenir Cheick Modibo à sa place à son retour de Paris. Mais la réponse des proches du président est toujours la même : le président n’a jamais voulu d’un bras de fer avec son premier collaborateur. Un autre point de vue serait que Dioncounda a laissé Cheick Modibo courir à sa perte, en voulant s’imposer dans le fauteuil de Premier ministre de « pleins de pouvoirs ». On peut lors interpréter la décision du président comme visant à obliger Cheick Modibo à renoncer de facto à sa candidature à la présidentielle.
Il nous revient de proches de l’homme que son analyse politique lui aurait fait valoir finalement le piège tendu par Dioncounda et voilà sûrement pourquoi il s’est arc-bouté contre l’autorité du chef de l’Etat. Pour les psychologues, son profil d’homme incapable de s’adapter aux autres et surtout n’aimant pas qu’on le prenne pour un con explique grandement son entêtement à participer contre vents et marées à la présidentielle, oubliant sa feuille de route : reconquérir le Nord et organiser les élections générales auxquelles ni lui ni Dioncounda ne prendrait part, ainsi qu’ils s’y étaient engagés tous les deux.
Et selon des confidences, même son beau-père, le général Moussa Traoré, ne le comprenait plus dans cet entêtement, ou plutôt se montrait outré par son penchant à écouter plus sa belle-mère dont il est communément admis aujourd’hui qu’elle fut la perte de son mari de président, un certain 26 mars 1991.
Le Premier ministre Cheick Modibo était devenu l’objet du blocage au sommet de l’Etat. Avec sa démission forcée, l’on peut croire enfin que c’est la fin des incertitudes. Incertitudes sur la feuille de route du nouveau Premier ministre qui reste la même : reprendre le Nord des mains des islamistes et narcotrafiquants et organiser des élections transparentes, libres et démocratiques pour doter enfin le pays d’institutions stables.
Décidemment nos aïeuls auront toujours raisons : ne soyons jamais surpris qu’un des trois dans un triumvirat sera tôt ou tard éjecté, parce que faisant chemin seul.